En Suède, le Swedish Institute établit une liste d’internautes mal-pensants et bloque leurs comptes Twitter

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En Suède, le service qui gère un des comptes Twitter de l’Etat a établi une liste d’abonnés et les a bloqués à l’initiative d’une administratrice de @sweden, sous des prétextes purement idéologiques, créant une controverse qui a amené l’agence à débloquer dès le lendemain les comptes de 14.000 internautes. Entre-temps la liste a été révélée au grand public ! Géré par le Swedish Institute, organisme d’Etat qui promeut l’image du royaume à l’étranger en particulier dans les domaines de l’éducation et de la culture, ce site Twitter permet à chaque administrateur d’exprimer ses vues personnelles auprès du reste du monde. Et de jouer au surveillant de prison.
 

Vian Tahir a bloqué 14.000 compte sous prétexte de menaces contre les migrants, les personnes LGBTQ ou « d’extrémisme de droite »

 
Du 8 au 14 mai, c’est Vian Tahir qui administrait le compte. Tahir est une experte en sécurité internet contre les harcèlements et les virus. Durant la semaine qui lui était confiée, elle a bloqué ces 14.000 comptes Twitter en raison de « menaces contre les migrants, les femmes et les personnes LGBTQ » (la lettre Q pour « queer », ou intersexuel en anglais), ou encore parce qu’elle soupçonnait leurs détenteurs d’être des « extrémistes de droite » ou « d’avoir des liens avec la mouvance néo-nazie ».
 
Cette affaire a contraint le Swedish Institute à reconnaître officiellement avoir établi cette liste d’internautes pour répondre « à une récente augmentation d’attaques racistes et sexistes contre le comptes ». Jenny Ljung, une de ses responsables, a affirmé que « l’analyse du compte @sweden a permis de voir que les trois quarts des harcèlements viennent de comptes qui n’ont auparavant jamais interagi avec nous ». Elle explique que « cela prouve qu’il ne suffit pas de bloquer des comptes (…) et que (nous devons) prendre des mesures préventives pour créer un environnement sain pour nos administrateurs ».
 

Sur la liste des comptes Twitter bloqués en Suède, des élus au Parlement, l’ambassadeur d’Israël, un grand reporter

 
Mais l’aspect le plus sévèrement critiqué est que cette liste ait été révélée en ligne. Or on y trouve des références très gênantes, parmi lesquelles les comptes d’élus au Parlement suédois, de l’ambassadeur d’Israël à Stockholm, du grand reporter de l’Expressen Magda Gad, connue pour ses reportages récents sur la guerre contre l’Etat islamique en Irak, ou encore l’écrivain suédois gay Jonas Gardell. Des abonnés à Twitters ont contacté le Swedish Institute pour demander des explications sur le blocage de leur compte, selon eux injustifié, et Tobias Johnsson, nouvel administrateur du compte @sweden a croulé sous les protestations. D’autres ont dénoncé la façon qu’ont les autorités de lister ainsi les gens sous le prétexte « d’opinions extrémistes de droite ou en lien avec les néo-nazis ». Aleksandra Boscanin, éditorialiste au Göteborg Posten, estime « qu’attribuer de telles opinions n’est pas anodin, surtout quand c’est décidé par un service de l’Etat » et que « dans bien des cas c’est injustifié ».
 
Swedish Institute a donc débloqué les comptes et s’est officiellement excusé. Mais la liste, on s’en doute, n’a très probablement pas été détruite.
 

Matthieu Lenoir