Constructeurs automobiles et géants de l’intelligence artificielle sont d’accords : les voitures autonomes assureront bientôt une meilleure sécurité sur la route que les conducteurs humains. Conséquence : ceux-ci doivent être interdits. Le gouvernement américain s’y prépare, malgré les résistances prévisibles.
Ce n’est pas de la mauvaise science-fiction, à peine de l’anticipation, les constructeurs s’y préparent : en 2020 peut-être, de nombreux secteurs dans le centre des villes américaines seront interdits aux conducteurs humains et réservés aux voitures autonomes. Pour commencer. Les projets de lois qui se préparent à Washington mèneront tôt ou tard à l’extinction finale d’un des principaux archétypes du vingtième siècle, les conducteurs humains. Cette semaine, des vétérans de l’industrie US ont proposé d’interdire ces conducteurs humains sur un parcours de 240 kilomètres sur l’Interstate 5 entre Seattle et Vancouver. Pour Kirstin Schondorf, consultant dans le transport automobile, cela préfigure la situation dans cinq ans : les centres ville des grandes agglomérations comme Londres seront réservés aux voitures autonomes, les aéroports, les campus d’étudiants aussi. Un pas décisif a été franchi quand l’autorité administrative américaine qui régit les autoroutes a reconnu la voiture autonome de Google comme « conducteur » : du point de vue juridique, les humains ne sont plus nécessaires à bord des voitures.
Centres villes interdits aux voitures non autonomes
Kirstin Schondorf, qui fut ingénieur chez Ford, estime que « dans les centre des villes, on ne veut plus de voitures non autonomes, car cela ruine tout le système de circulation intelligente. Cela fait une ville stupide ».Elle rejoint l’opinion de Danny Shapiro, directeur de la division automobile chez Nvidia Corporation, qui produit des processeurs pour voitures autonomes : déjà doués d’une « intelligence suprahumaine » qui leur permet de tout voir aux croisements et d’éviter les collisions, elles se conduiront bientôt mieux que ne pourraient le faire les meilleurs conducteurs humains. « On n’y est pas encore mais cela viendra bien plus vite qu’on ne le croit ». Même son de cloche chez John Krafcik, chef du projet de voiture autonome de Google, qui ne prévoit ni volant, ni pédales d’accélérateur ou de frein sur son engin : « Nous devons sortir les humains de la course ». Y compris la course en taxi : le directeur général de Ford, Mark Fiels estime que son entreprise vendra dès 1921 des taxis robots sans volant ni pédales. De quoi mettre un terme à la polémique sur Uber.
Les voitures autonomes ne boivent pas et ne lisent pas leurs textos
Les raisons, ou les prétextes, à l’élimination des conducteurs humains tournent autour de la sécurité. Les robots ne boivent pas, ne s’endorment pas, n’ont pas de sautes d’attention, ne lisent pas leurs textos en conduisant. Et leurs constructeurs rappellent négligemment qu’en 2015 a eu lieu aux États-Unis la plus grave recrudescence d’accidents mortels de ces dernières années (plus 8 % sur autoroute, pour un total de 38.300 tués). Nombre annuel de morts sur la route à l’échelle mondiale : 1.250.000. Or, selon la sécurité routière américaine, 94 % des accidents seraient dus à une défaillance humaine. La conclusion de Raj Rajkumar, directeur de laboratoire à Pittsburgh, « il va venir un moment où on devra nous interdire de conduire ».
Les conducteurs humains demeurent interdits et sceptiques
Ces belles assurances ne convainquent pas les conducteurs américains. Les deux tiers d’entre eux refusent de monter dans une voiture autonome parce qu’ils en ont peur, d’après une étude menée en juillet sur 2.500 consommateurs par un cabinet de consultants de Boston, Altman Vilandrie and Co. La mort toute récente d’un passager dans une voiture autonome produite par Tesla Motors ne leur donne pas tort. Pour un ancien administrateur de la NHTSA, Joan Claybrook, les voitures autonomes sont « juste des ordinateurs, et les ordinateurs tombent en panne ». Jake Fisher, responsable des tests au magazine Consumer Reports remarque pour sa part : « Les capacités de ces systèmes sont bien moindres qu’on ne peut le penser ». Et il ajoute en particulier : « Le plus difficile pour une voiture autonome est de s’adapter aux humains, car les humains ont tendance à être imprévisibles ».
Subventions pour mettre à la casse les conducteurs humains
C’est exactement l’argument qui justifie, auprès des partisans des voitures autonomes, la nécessité d’éradiquer les conducteurs humains, parce qu’ils sont sujets à l’erreur et induisent en plus les robots à l’erreur. Le seul véritable problème pour les adeptes du grand remplacement des humains par les robots dans la conduite des voitures est un problème de pédagogie. Comment vaincre la résistance des 275 millions de conducteurs américains d’abord, puis des deux milliards de conducteurs dans le monde ?
La solution qu’ils ont déjà commencé à mettre en œuvre, ce sont les aides semi-automatiques à la conduite, type freinage ou dispositif pour empêcher le franchissement des lignes blanches, relativement efficaces, qui rassurent les conducteurs et les habituent à des abandons graduels de souveraineté. Quand les choses seront un peu plus mûres, le gouvernement américain prévoit une incitation fiscale, une aide à ceux qui achèteront des voitures autonomes, sur le modèle des incitations à de celles qui furent utilisées pour inciter les conducteurs à mettre à la casse les voitures trop gloutonnes et préjudiciables à l’environnement. Les assureurs seront mis eux aussi à contribution. Pour Kirstin Schondorf, les primes assurant les voitures des conducteurs humains seront simplement plus élevées. Le meilleur des mondes est en route.