Les petits Romains apprenaient le patriotisme dans le De Viris illustribus, les petits mondialistes l’apprennent dans l’actualité téléréelle. En France avec le congrès de Macron, en Thaïlande avec les enfants bloqués dans une grotte, que le monde entier suit des yeux. Analyse d’une pédagogie.
Edgar Morin n’utilise pas le mot mondialiste, il parle de patriotisme planétaire. Lui l’a découvert en 1968 avec l’écologie. Mais on peut en faire la pédagogie avec tout ce qui passionne la foule, ce qui joue sur l’affect. Le Mondial de football, par exemple. Tout ce qui remue les bas instincts, le chauvinisme, la bière, le sexisme, le goût de la triche et du spectacle facile, mais le tout mis au service du bien, ce fameux patriotisme mondialiste qui mène l’humanité vers un vivre ensemble harmonieux, puisque tout le monde connaîtra la même chose, se souviendra de la même chose et souhaitera donc la même chose.
La pédagogie du patriotisme mondialiste dépasse le Mondial
Tous les petits mondialistes souhaitent être M’bappé ou Courtois, qu’ils habitent les Fidji ou les Ferroë. Même si à Lille ils parlent de corner et à Courtrai de coups de coin, ils se comprennent en un commun langage, ils sont envahis par les mêmes migrants et soumis à la même soupe culturelle. A la même pédagogie.
Eh bien, deux événements forts accentuent cette pédagogie, en plein mois de juillet, en plein Mondial, alors que le tour de France vient d’être lancé. L’un est de portée nationale puisqu’il est organisé dans le palais de Louis XIV, à Versailles, le congrès des deux chambres réunies pour écouter le président Emmanuel Macron. L’autre est de portée mondiale, le sauvetage d’une douzaine d’enfants près de Chiang Maï dans le nord de la Thaïlande, bloqués dans une grotte par la montée des eaux que provoque la mousson.
Les enfants dans la grotte de Thaïlande : un scénario de blockbuster
Commençons par les enfants de Thaïlande, c’est plus simple et plus évident. Ils sont douze, âgés de dix à seize ans, membre d’une équipe de football, les « sangliers sauvages ». Venus visiter la grotte de Thuam Luang le 23 juin dernier, ils s’y sont enfoncés sous la conduite d’un entraîneur de 25 ans, avant que la pluie ne leur bloque le chemin de retour. Au bout de neuf jours de recherches internationales, des plongeurs britanniques les ont retrouvés et l’on a organisé leur sauvetage. Des équipes venues du monde entier y participent et le monde entier en connaît le détail minute par minute. Comment on les a retrouvés perchés sur un promontoire, en sécurité mais très fatigués (cela suppose de leur part une discipline et un sang froid peu communs). Comment on leur a acheminé des vivres, de l’oxygène et des vêtements. Comment on a mené leur évacuation : car la pluie, qui s’était arrêtée, a repris, menaçant de faire monter à nouveau le niveau de l’eau. Or il était exclu d’attendre la fin de la mousson et la saison sèche (novembre).
Le patriotisme mondialiste achète une pédagogie toute faite
Il fallait donc les accompagner tout le long d’un parcours que les plongeurs professionnels réussissent en cinq heures, qui alterne passages secs et passages inondés, dont l’un est particulièrement étroit. Une situation digne d’un blockbuster américain. Pour corser le scénario, un sauveteur, un ancien des commandos de marine thaïs, est mort sur le parcours, à bout d’oxygène a-t-on dit. Le monde entier a suivi cette télé-réalité heure par heure, et l’émotion était authentique puisque, pour une fois, elle n’avait pas été organisée par une chaîne de télévision ou une boîte de prod’. C’était Koh Lanta, Super Nanny et Fear Factor en même temps, sans triche ni trucage. Avec une vraie angoisse, du vrai dévouement, un vrai mort. Une merveilleuse pédagogie mise en scène par la vie elle-même pour nous enseigner le patriotisme mondialiste : nous sommes tous semblables parce que nous sommes tous émus par la même chose, nous savons bien que l’important c’est les enfants, et quelle abnégation ces chics sauveteurs venus du monde entier, et quel courage ces gosses !
Le congrès de Macron : plus subtil et en même temps plus précis
Inutile d’insister plus longtemps. La pédagogie d’Emmanuel Macron avec son congrès est plus subtile. Plus précise aussi. Elle définit la nature du patriotisme mondialiste, que l’on pouvait présumer en considérant la haine frénétique que provoque chez élites la volonté populaire, discréditée sous le nom de populisme : il est anti-démocratique.
En convoquant les deux chambres réunies à Versailles pour écouter le chef de l’Etat en un discours annuel, Emmanuel Macron applique une réforme lancée par Nicolas Sarkozy en 2008, qui, passant par-dessus l’usage de trois républiques, renoue avec celui de la deuxième république, c’est-à-dire les discours du prince-président Napoléon Bonaparte. On peut donc à bon droit parler de discours du trône. On croyait qu’Emmanuel Macron se prenait pour Napoléon, il se prend en fait pour son neveu Badinguet.
Macron exploite à fond la veine antidémocratique des mondialistes
Mais il ne faut pas prendre Macron que pour une andouille. Cette apparence anti-démocratique, trop grossière pour n’être pas détectée, a pour fonction de susciter un véritable élan populaire antidémocratique. On se sert à cet effet du bouffon Mélenchon. Lequel glapit qu’il ne viendra pas « admirer sa splendeur, Macron premier » et méprise le « carton-pâte » de Versailles et son congrès. En hypertrophiant sa fonction, Macron la soumet aux flèches du ridicule et la dévalue. Il suscite une opposition pleine de mépris contre les formes institutionnelles de la nation. Le président n’est qu’un monarque. Et en plus il nous coûte cher, de 287.000 à 500.000 euros selon les estimations, pour ce qui est « juste une opération de communication ». Les plus dégourdis noteront en outre que, si l’on excepte Mélenchon, les contempteurs bruyants de Macron cette année étaient babas devant lui l’an dernier, ce qui interdit toute estime pour les représentants de la nation.
Tous pourris au congrès : vivement le gouvernement mondialiste !
Au premier abord, on pourrait croire que les critiques d’aujourd’hui procèdent d’une réaction de bon sens populaire devant les exigences d’un tyran dispendieux, mais elles s’inscrivent en fait dans une série de découvertes de presse sur le thème : la république française nous coûte cher. On note que nos élus sont plus nombreux et plus dépensiers que leurs homologues allemands ou américains. Que les fonctionnaires des assemblées sont extraordinairement gras. Que les sénateurs ont une caisse noire. Que le président a de la vaisselle et une piscine en vacances, alors que Mamy Angela paie ses impôts. J’en passe et de meilleures. Faites votre petite revue de presse, et vous verrez que la démocratie est mal vue en ce moment. On note que même Marine Le Pen et ses nationaux, qui nous chantaient Mains propres, tête haute, s’offrent du champagne haut de gamme aux frais de la princesse. Ils sont vraiment tous pourris. Vivement le gouvernement mondial. Il aura pour exécutants des fonctionnaires internationaux, gens connus pour leur frugalité, comme on peut s’en assurer à Bruxelles et New York, et pour maîtres des philanthropes réputés pour leur désintéressement, Soros, les Rothschild. Chic !