Vous allez voir que l’on dénoncera le « gouvernement des juges ». La Cour suprême des Etats-Unis, qui aligne actuellement les décisions « conservatrices », a jugé mardi que la Californie ne peut légalement obliger les centres de conseil pour femmes enceintes à donner des informations pour l’avortement s’ils ont une optique pro-vie. Une belle victoire, acquise par cinq voix contre quatre dans l’affaire National Institute of Family and Life Advocates v. Becerra.
L’association pro-vie en question contestait une loi de 2015 de l’Etat de Californie qui contraignait les centres d’information pour futures mères à fournir une documentation écrite aux femmes enceintes pour expliquer comment obtenir un avortement gratuit aux frais du contribuable. En outre, cette loi obligeait les centres à assortir leurs publicités d’un avertissement dès lors qu’ils ne possèdent pas de licence d’exercice de la médecine et n’offre aucun service médical, sous le prétexte d’interdire la « publicité trompeuse ».
La NIFLA fait fonctionner près de 1.500 centres de conseil à travers les Etats-Unis.
Les centres de conseil pro-vie ont contesté la loi devant les juges suprêmes américains en invoquant le Premier amendement qui garantit la liberté d’expression, affirmant que les exigences de la loi californienne les obligeaient à tenir un discours auquel ils n’adhèrent pas : le « compelled speech » ou discours obligatoire dont la validation aurait eu des conséquences très importantes pour la liberté religieuse aux Etats-Unis.
Une belle victoire pro-vie contre l’Etat de Californie à la Cour suprême des Etats-Unis
L’» opinion majoritaire » de la Cour suprême, rédigée par le juge Clarence Thomas, a confirmé cette interprétation en jugeant que la loi visée vient bien contredire le Premier amendement, en rejetant au passage l’argumentation de l’Etat de Californie selon laquelle le « discours professionnel » tombe dans une autre catégorie que celle de la libre expression protégée par la constitution américaine. « Un discours n’est pas exempt de protection du simple fait qu’il est exprimé par des professionnels », précise son opinion.
Et de noter que la régulation du discours professionnel – celui du médecin par exemple – doit correspondre à un but légitime et non à une volonté de « supprimer des idées ou des informations impopulaires ». Le juge Thomas est même allé plus loin en notant qu’» à travers l’histoire, les gouvernements ont “manipulé le contenu du discours médecin-patient” en vue d’augmenter le pouvoir de l’Etat et de supprimer les minorités ».
Face à l’argument de l’Etat de Californie selon lequel l’obligation correspondait à un besoin médical, le juge a répondu que cela ne pouvait se défendre dans la mesure où la loi ne s’applique qu’à la seule catégorie des centres de conseil, qui en outre ne prétendent nullement proposer des procédures médicales tandis que les femmes qui poussent leurs portes ne les recherchent pas non plus. Il a souligné également, en substance, que les centres de conseil qui proposent l’avortement ne sont nullement obligés de fournir des explications écrites sur les risques de cet acte.
Les centres de conseil pro-vie ne seront plus contraints de donner des informations sur l’obtention de l’avortement
Pour Lila Rose, fondatrice et présidente de l’association pro-vie Live Action, cet arrêt de la Cour suprême aura permis d’anéantir une « loi injuste ». « Les fournisseurs d’avortement tel Planned Parenthood ont déjà accès à des millions de dollars d’argent du contribuable pour faire la promotion de leur business de l’avortement. Personne ne devrait être obligé de fournir une publicité gratuite pour l’industrie de l’avortement – et encore moins les centres de grossesse pro-vie qui travaillent à la promotion de la vie, et non à sa destruction », A-t-elle commenté.
Il est intéressant de noter que deux juges réputés favorables à l’avortement, Elena Kagan (qui a voté contre la décision) et Anthony Kennedy, ont soutenu à divers égards la critique de la loi de l’Etat de Californie, affirmant, pour l’une, que la loi avait « trafiqué » les exceptions qu’elle organise afin de viser uniquement les centres de grossesse pro-vie, et pour l’autre, que l’obligation de fournir des informations écrites constitue un « fardeau indu », selon la terminologie juridique américaine.
Alors, gouvernement des juges ? La question se situe à un autre niveau : l’expression vise les modifications de la loi à travers le jugement de son application, indépendamment des questions de la justice et du bien, désignant ainsi une entreprise révolutionnaire par laquelle le pouvoir judiciaire s’octroie un pouvoir exorbitant. Ici, il est question d’interpréter le droit constitutionnel américain de manière juste, sans y ajouter un rôle lui permettant de contrer le bien objectif.