Le Conseil d’Etat refuse de suspendre l’état d’urgence

Conseil Etat urgence
Le bâtiment du Conseil d’Etat.

 
Le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté mercredi la demande de la Ligue des droits de l’homme de suspendre l’état d’urgence en vigueur en France depuis les attentats du 13 novembre dernier, fut-ce partiellement, ni même d’en faire injonction au président de la République.
 
Soutenu par son gouvernement, François Hollande continue à voir en l’état d’urgence un outil indispensable dans la lutte contre le terrorisme, au point d’envisager de demander au Parlement la prolongation de ce dispositif jusqu’à la fin du mois de mai.
 

Le Conseil d’Etat répond à la Ligue des droits de l’homme

 
Le Conseil d’Etat lui donne en cela raison, puisqu’il estime qu’il ne revient pas à un juge administratif de suspendre l’application d’une loi votée par le Parlement, ajoutant que, en outre, le péril l’ayant justifié n’a pas disparu.
 
« C’est une défaite pour la LDH, mais aussi pour la démocratie et une certaine idée de la France », a réagi l’avocat de l’association, Me Patrice Spinosi, qui envisage d’adresser au Conseil d’Etat la même requête une fois que la prolongation de l’état d’urgence aura été effectivement décidée.
 
« Le danger est qu’on glisse progressivement vers un état d’urgence permanent et qu’on ne puisse plus en sortir, explique-t-il. On va aller de renouvellement en renouvellement. »
 
En définitive, le danger institutionnel apparaît à la LDH plus important que le danger terroriste – ce qui n’est pas nécessairement faux, du moins du point de vue de la démocratie revendiquée par l’exécutif.
 

Refus de suspendre l’état d’urgence

 
Celle-ci a été si souvent malmenée et réduite a quia par la soumission de notre pays à l’Union européenne qu’en tout état de cause cela ne constitue pas une première, et risque de devenir habituel. Pour reprendre une formule célèbre, on pourrait dire que nous vivons, d’une certaine manière, sous un coup d’Etat permanent, dans lequel la démocratie n’est plus qu’un nom usuel, une notion archaïque.
 
Mais peut-être est-ce pour apaiser certains esprits que Manuel Valls a soumis ce même mercredi aux députés une version remaniée du projet de révision constitutionnelle qui ne comporte plus de référence aux binationaux concernant la déchéance de nationalité, précisant qu’il n’en serait pas davantage question dans le projet de révision de la Constitution.
 
Il faut dire que la démission, hier, de Christian Taubira a sans doute constitué un point d’orgue dans la tension qui agite désormais la gauche depuis des mois, et que François Hollande cherche manifestement à finir les quinze mois qui lui restent de son mandat dans un apaisement sinon total, du moins relatif, afin de pouvoir en envisager un éventuel second.
 
La nouvelle formulation de l’article 2 du projet de révision prévoit néanmoins que la déchéance de nationalité ne s’étendrait plus aux seuls auteurs des crimes, mais aussi des délits « constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ».
 

Les atermoiements de gauche

 
Parmi les contestataires de gauche, on estime qu’il d’agit là d’un « compromis avec la droite la plus dure ». Mais la notion de délit permettant un certain flou, il est envisageable aussi d’y voir une arme politique.
 
Il y a plus, cependant, dans ce retour de l’exécutif, que la simple volonté de calmer sa majorité. Car, sur ces questions, François Hollande doit désormais également faire face au Conseil de l’Europe, qui a été chargé mercredi d’étudier la compatibilité des projets français sur l’état d’urgence et la déchéance de nationalité avec la Convention européenne des droits de l’homme.
 
D’ores et déjà, le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, avait adressé lundi un courrier à François Hollande, se disant préoccupé par les « risques pouvant résulter des prérogatives conférées à l’exécutif » sous ce régime d’exception.
 

La réflexion du Conseil de l’Europe

 
Devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Harlem Désir a répondu que « la France restait totalement fidèle à ses engagements internationaux » en matière de libertés fondamentales, y compris dans le contexte de l’état d’urgence.
 
Mais, si c’était vraiment le cas, il n’y aurait guère d’intérêt à constitutionnaliser le fameux état d’urgence. Ce serait comme attacher un chien de garde à une laisse trop courte…
 

François le Luc