La pensée de Xi Jinping ne supporte pas la contestation : censure préventive sur Internet en Chine

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Le peu de liberté que connaissent les internautes en Chine fait l’objet d’un tir groupé de la part du pouvoir communiste qui se trouve actuellement confronté à une urgence nouvelle : la décision d’inscrire la pensée de Xi Jinping dans la constitution de la « République populaire ». Alors qu’un vote de l’Assemblée du peuple – gigantesque chambre d’enregistrement – vient en outre d’ouvrir la route à une présidence à vie pour le chef du Parti communiste chinois, la menace de commentaires critiques se fait plus pressante. Les autorités chinoises cherchent donc le moyen de tuer toute contestation dans l’œuf. Le premier, déjà mis en place, consiste à exercer une censure préventive sur le Web : il y a désormais des mots interdits.
 
Le dispositif est merveilleux de simplicité. Supposons que vous passiez par un fournisseur d’accès à internet sous contrôle du parti communiste chinois – comme l’écrasante majorité des internautes en Chine. Tapez (en chinois) les mots « Je ne suis pas d’accord », « migration », « émigration », « ré-élection », « mandat électif », « amendement à la constitution », « règles constitutionnelles », « se proclamer empereur » : aussitôt, vous qui cherchez à mettre un message sur votre plateforme de micro-blogging serez bloqué par un message annonçant que vous violez les règles de contenu.
 

La contestation de la pensée de Xi Jinping va devenir encore plus difficile

 
C’est en tout cas ce qui se passe sur la plus populaire des plateformes, Weibo, qui censure scrupuleusement les expressions ci-dessus et beaucoup d’autres encore, y compris le nom de Winnie l’Ourson, puisque c’est le surnom dont les internautes ont affublé le président Xi.
 
Des livres comme La ferme aux animaux et 1984 de George Orwell ne sont plus accessibles en ligne. Selon le journal britannique The Guardian, la chasse aux sorcières linguistique serait allée jusqu’à bannir la lettre « n » – sans doute parce qu’on peut s’amuser de la nouvelle capacité de Xi d’accomplir « n mandats ». Il faudrait peut-être aussi interdire les calculettes ?
 
Mieux, assure le China Digital Times, des termes de recherche sont eux aussi rejetés sur une partie au moins de Weibo.
 

La censure préventive sur Internet s’installe plus largement en Chine par le jeu des mots interdit

 
Le journal cherche maintenant à établir une liste un tant soit peu exhaustive des mots-clefs interdits : elle est déjà gigantesque car plutôt que de bannir des mots individuels ce sont des expressions très variées que l’on traque dans la mesure où elles pourraient exposer les Chinois à des « idées inacceptables ». L’idée n’est pas neuve puisque la censure de l’Internet en Chine ne l’est pas non plus, mais la liste est en train d’exploser. Avec une attention particulière à tout ce qui renvoie à l’idée d’empereur ou de monarque.
 
L’approbation des changements introduits au profit de Xi Jinping est au contraire encouragée. On raconte que les messages favorables sur les réseaux sociaux sont rémunérés 50 centimes pièce par le gouvernement – c’est invraisemblable mais peut-être a-t-on bien mis en place une armée de trolls officiels payés au message…
 
Les fournisseurs d’accès à Internet sont obligés de suivre les consignes du pouvoir sous peine d’amende ou de fermeture – et les plus gros n’hésitent pas à faire du zèle. Disney ne peut plus poster des images de Winnie sur Weibo… Pour les petits fournisseurs qui tentent de contourner la censure, à l’inverse des grands, les risques ne font qu’augmenter. Lourdement taxés, leurs services deviennent de plus en plus chers – le gouvernement chinois misant sur le fait que les citoyens ne dépasseront pas certains seuils tarifaires, fût-ce pour s’assurer la liberté d’expression.
 
De toute façon, les autorités communistes en Chine se dotent d’armes de plus en plus puissantes pour surveiller les contenus : la censure a posteriori s’exerce aujourd’hui en l’espace de 20 minutes, quand il fallait 48 heures il n’y a pas si longtemps.
 
Longtemps, temps long – voilà d’autres termes potentiellement suspects. Xi Jinping y a-t-il pensé ?
 

Anne Dolhein