Corée du Sud : pour la première fois depuis neuf ans, les taux de fécondité augmentent

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C’est une bonne nouvelle que ces quelque 1.800 bébés supplémentaires nés en septembre 2024, en Corée du Sud. Au printemps, il y avait déjà eu un frémissement dans le nombre de naissances au « pays du matin calme » ; le mois de la rentrée l’a confirmé avec plus de 10 % d’augmentation par rapport à la même période de l’année dernière.

La question qui se pose est celle de la cause de cette hausse. Est-elle seulement conjoncturelle, résultant des effets post-covid ? Ou bien les politiques mises en place par un Etat préoccupé du désastre démographique du pays ont-elles enfin eu un effet quelconque ? Il y a, certes, la question des finances, mais pas seulement : c’est tout un état d’esprit qu’il convient de changer, comme en témoigne l’existence du mouvement coréen féministe 4B qui refuse tout commerce avec la gent masculine et évacue l’idée de famille.

Reste que même avec 0,74 de taux de fécondité, nous sommes encore très, très loin du fameux taux de remplacement de 2,1 dont tout l’Occident s’éloigne à plus ou moins grands pas, comme le détaillait, ici, Jeanne Smits.

 

La Corée du Sud garde le taux de fécondité le plus bas au monde

C’est la première fois depuis 9 ans que le taux de fécondité augmente ainsi et c’est même sa plus forte hausse depuis 14 ans. Le vice-président du Comité présidentiel sud-coréen sur le vieillissement et la politique démographique a ainsi annoncé, cette semaine, une petite victoire :

« Si la récente augmentation du nombre de mariages et de naissances se poursuit, le taux de fécondité du pays devrait être d’environ 0,74 cette année, ce qui est supérieur à la projection initiale à long terme de Statistique Corée de 0,68 et au chiffre de 0,72 de l’année dernière. »

Lueur d’espoir, donc, dans ce pays qui connaît, depuis les années 1960, une chute spectaculaire de son taux de fécondité, dans une courbe exactement inverse à celle de son PIB. L’année 2023 avait établi un triste record avec un taux de 0,72 ; ce qui signifiait que pour 100 femmes, seuls 72 bébés devraient naître au cours de leur vie.

Malgré cette légère embellie, la Corée du Sud a toujours le taux, de loin, le plus bas au monde, soit moins de la moitié du taux moyen des 38 membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Statistics Korea prévoit que la population du pays diminuera de près de 52 millions en 2024 à 36 millions en 2072. Dans le même temps, la proportion de personnes âgées en Corée du Sud passera de moins de 20 % en 2024 à près de la moitié en 2072.

C’est la raison pour laquelle le président sud-coréen avait parlé d’« urgence nationale ».

 

70.000 € pour chaque employé qui devient parent

Mais comment expliquer alors cette hausse de la natalité ? Le vice-président a évoqué l’augmentation du nombre de mariages ces dernières années, bien que certains observateurs y voient un résultat passager de l’euphorie post-pandémique. Pour Suzanne Peyrard, chercheuse à la Fondation France-Japon de l’EHESS, citée dans La Croix, « au sortir de la pandémie de Covid-19, il y a eu une augmentation des mariages qui avaient été reportés. Il y a eu aussi une volonté de resociabiliser, un regain pour la vie de couple ».

On peut surtout espérer que la politique gouvernementale qui a dépensé, entre 2006 et 2022, près de 193 milliards d’euros pour encourager la natalité en chute, commence à porter quelques fruits. Allocations, congé parental… beaucoup d’initiatives ont été prises pour tenter de réduire le coût des naissances et de l’éducation des enfants ou pour promouvoir un regain d’intérêt pour le mariage. Un programme a même été lancé dernièrement pour faciliter l’arrivée des nounous étrangères dans le pays : il prévoirait, d’après Bloomberg, de faire venir 1.200 baby-sitters en Corée du Sud d’ici mi-2025, pour s’occuper des enfants afin que les mamans puissent maintenir leur engagement professionnel…

Quant aux entreprises, le vice-président a réclamé à nouveau leur participation à l’effort collectif dans cette revitalisation démographique nécessaire, en mettant en œuvre des politiques plus favorables à la famille, faute de se retrouver bientôt sans suffisamment de jeunes travailleurs pour fonctionner. Le patron du gros groupe de construction Booyoung l’a bien compris en proposant au début de cette année le versement d’une prime de 70.000 € à chaque employé qui devient parent.

 

Les féministes sud-coréennes du 4B réussissent à séduire des Américaines

Mais si l’argent est une aide, il n’est pas la condition sine qua non, quoique les difficultés économiques restent un obstacle. Les modèles d’éducation, de travail, de famille, dissuadent depuis longtemps les jeunes Sud-Coréens d’avoir des enfants. Les femmes, en particulier, freinent à l’idée de fonder une famille en raison de l’adaptation que devront subir leurs carrières, dans un pays où la réussite individuelle est portée aux nues et où les tensions entre hommes et femmes dans le monde de l’emploi sont encore grandes.

Il y est même monté, depuis une dizaine d’années, un féminisme radical d’extrême gauche illustré par le mouvement 4B qui évoque les quatre mots coréens bihon, bichulsan, biyeonae et bisekseu, qui se traduisent par : pas de mariage, pas de naissance, pas de fréquentation ni de relations sexuelles avec des hommes.

Comme le note le site en ligne Breitbart, le nombre de femmes qui se déclarent elles-mêmes adhérentes du 4B n’est peut-être pas important, mais elles ont un impact démesuré sur la culture sud-coréenne, qui est peuplée de jeunes confus et mécontents. Certains observateurs pensent même que la montée du 4B a exacerbé la crise démographique en retirant les jeunes femmes du « marché » de la rencontre et de la nuptialité, tandis que d’autres y voient une réponse à l’effondrement démographique, les femmes estimant qu’elles sont injustement tenues pour responsables de la disparition de la prochaine génération.

Quoiqu’il en soit, il est un signe de la décrépitude avancée d’une société gangrenée, au bout de son modèle social et culturel. CNN a récemment affirmé qu’il y avait eu un regain d’intérêt pour le 4B parmi les « jeunes femmes libérales sur TikTok et Instagram » après l’élection de Donald Trump ! S’il est peu probable que le mouvement 4B devienne courant aux États-Unis, le fait qu’un mouvement si extrémiste suscite de l’intérêt outre Atlantique est instructif.

Breitbart évoque, dans son article, Aristophane et sa célèbre comédie Lysistrata… Mais les femmes y faisaient la grève du ventre, contraintes et forcées, pour obtenir gain de cause – à savoir la paix. Avec 4B, il s’agit d’une évolution fondamentale qui se met en travers de la vérité biologique, de la réalité humaine.

 

Clémentine Jallais