La Corse entre France et indépendance

Corse France indépendance
Jean-Guy Talamoni prononce un discours après son élection à la tête de l’Assemblée de Corse, à Ajaccio, jeudi 17 décembre 2015.

 
Après la victoire de listes régionalistes aux élections régionales en Corse, les vainqueurs ont appelé à une redéfinition des relations avec Paris. A les entendre, le discours corse oscille de plus en plus fortement entre France et indépendance. Si bien que le mot « nationaliste » n’a jamais autant rimé avec celui d’« indépendantiste ». Mais cela ne semble pas troubler outre mesure les autorités françaises…
 
Forts de leurs 24 sièges (35,34 % des voix) sur 51, les nationalistes ont porté Jean-Guy Talamoni à la présidence de l’Assemblée de Corse, puis Gilles Simeoni à celle du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse. Les deux hommes, avocats de profession, ont, en ces occasions, poussé un vibrant plaidoyer pour l’indépendance. Qu’on en juge !
 

La Corse et la France

 
Gilles Simeoni s’est ainsi adressé « solennellement au gouvernement et à l’Etat » afin de parvenir à une « relation repensée et reformulée » dans le partage de l’autorité politique. « Prenez la mesure de la révolution démocratique que la Corse vient de vivre. Comprenez enfin que toutes les conditions sont réunies pour que puisse s’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de cette île », a-t-il lancé.
 
Jean-Guy Talamoni a été plus virulent encore :
 
« (…) Mais auparavant, il me faut dire quelques mots au nom des miens, au nom de cette partie du mouvement national qui n’a jamais accepté de reconnaître le principe de la tutelle française sur la Corse.
 
« Au nom de tous ceux qui, depuis 1768, n’ont cessé de combattre pour que la Corse demeure une nation.
 

Le discours de l’indépendance

 
« Au nom de ceux qui n’ont jamais renoncé à l’idée d’indépendance.
 
« (…) Nous sommes arrivés ici avec tous ceux qui, comme nous, ont toujours combattu les autorités françaises sur la terre de Corse.
 
« Nous sommes arrivés ici avec les fusiliers de Paoli, tombés à u Borgu et à Pontenovu, nous sommes arrivés ici avec les militants du Front morts pour la Corse.
 
« (…) Nous sommes arrivés ici avec nos prisonniers.
 
« Nous sommes arrivés ici avec nos recherchés.
 
« Nous sommes arrivés ici avec le souvenir de nos souffrances, de nos erreurs aussi, mais avec notre foi, avec notre sincérité.
 
« (…) La Corse appartient à tous les Corses, et le gouvernement national, le premier depuis le XVIIIe siècle, sera celui de tous.
 
« (…) Demain, nous irons ensemble à Paris et à Bruxelles, avec la force que nous ont donné les Corses dimanche, et nous négocierons les moyens de droit nécessaires pour faire que le peuple corse vive bien et qu’il soit maître sur sa terre.
 
« Demain, nous obtiendrons l’amnistie des prisonniers et des recherchés.
 
« (…) Dimanche, en votant pour les nationalistes, le peuple corse a dit que la Corse n’était pas un morceau d’un autre pays mais une nation, avec sa langue, sa culture, sa tradition politique, sa manière d’être au monde.
 
« (…) Evviva a Nazione,
 
« Evviva a Corsica ! »
 

Le flegme du premier ministre

 
Oh ! certes, les Corses n’ont peut-être pas les moyens, aujourd’hui, de cette autonomie. Il n’empêche que ce discours a ému nombre de Français, nombre d’élus.
 
Pas Manuel Valls qui s’est contenté de joindre Gilles Simeoni au téléphone vendredi. « Le premier ministre a réaffirmé son attachement à la place de la Corse dans la Nation et dans la République française et sa reconnaissance de la spécificité de l’île. Ils ont convenu de poursuivre un dialogue serein, constructif et apaisé », affirme un communiqué de Matignon.
 
En Corse, pas de front républicain. Pas de gros yeux du premier ministre. Cela n’est bon que vis-à-vis des électeurs du Front national. Evidemment, il n’y a, en définitive, que peu de risque de voir les Corses venir prendre une part du gâteau républicain que Manuel Valls défend avec tant d’âpreté. Ce qu’ils veulent, eux, c’est un autre gâteau, une autre recette…
 

François le Luc