La Cour des comptes dénonce la politique d’asile de la France

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La Cour des comptes dénonce, dans un document remis fin juillet au premier ministre mais qui vient seulement d’être rendu public mardi, la politique d’asile de la France, soulignant notamment les défaillances des procédures de demande d’asile, jugées trop longues et coûteuses ; mais aussi le fait que la quasi-totalité des personnes déboutées demeurent malgré tout en France après l’examen et le rejet de leur demande.
 
Dans un communiqué émis à l’occasion de la publication de ce référé, la Cour des comptes observe : « Si, historiquement, la France a longtemps été le premier pays d’arrivée des demandeurs d’asile en Europe, elle se situe au quatrième rang en 2014, derrière l’Allemagne, l’Italie et la Suède. »
 

La Cour des comptes dénonce la politique d’asile de la France

 
« Sans faire face à un afflux de demandes, la France ne parvient pourtant pas à mettre en œuvre le droit d’asile de manière efficace et conforme aux droits des demandeurs, en raison notamment de délais de procédure trop longs. »
 
Evoquant la loi adoptée en juillet par le Parlement, et qui vise à réduire la durée moyenne du traitement des demandes, la Cour précise néanmoins que, « même si les conclusions de ses travaux sont antérieures aux mesures prises aux niveaux européen et national (…), ses recommandations demeurent d’actualité ».
 
Dont acte !
 
Quelles observations la Cour des comptes émettait-elle alors ? Elle observait – et observe donc toujours – que, globalement, les dépenses liées à l’accueil et à l’hébergement des demandeurs d’asile ont progressé plus vite entre 2009 et 2014 (+ 54%) que le nombre de demandeurs (+ 36%).
 
Ce qui signifie que le coût de notre politique d’asile a augmenté. En 2013, précise l’institution, la politique d’asile a ainsi coûté 690 millions d’euros, une somme à laquelle il faut ajouter en outre les dépenses de santé et les frais de scolarité des enfants des demandeurs.
 
Et le document précise sur ce point précis des délais : « En France, le délai global est de deux ans en moyenne, sans prendre en compte les demandes de réexamen, alors que les durées moyennes dans les autres États européens sont bien inférieures : cette durée est ainsi d’un an en Allemagne. »
 

Comparaisons défavorables

 
Mauvais point pour le gouvernement. Et ce d’autant plus que, selon la Cour, la réduction des délais présenterait deux avantages, tant économique que politique. D’une part, en effet, cela permettrait de réaliser des économies ; mais cela pourrait aussi « dissuader certaines demandes d’asile a priori infondées et de rendre moins délicat l’éloignement des personnes déboutées ».
 
Il va de soi que, en cette période de crise migratoire, évoquer des demandes d’asile « infondées » a sans doute fait tiquer le premier ministre qui, dans une réponse, regrette que la Cour des comptes n’ait pas approfondi certains cas – qui auraient sans doute permis d’établir un constat moins défavorable.
 
Car l’institution présidée par le socialiste Didier Migaud souligne, a contrario, que le manque de suivi des demandeurs d’asile aboutit à ce que les personnes qui ne bénéficient pas de l’asile restent le plus souvent, malgré tout, et donc malgré ce que veut bien affirmer Manuel Valls, sur le territoire français.
 
Le document chiffre précisément ce raté, en indiquant que « 74% des demandes d’asile ont été rejetées chaque année en moyenne entre 2009 et 2013, en France » et que « le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), notifiées aux personnes déboutées du droit d’asile, est de 6,8% ». Des chiffres pour le moins parlant…
 

Le gouvernement tique

 
Et ajoute, ce qui est pain béni pour l’opposition de droite, que, « in fine, plus de 96% des personnes déboutées resteraient en France compte tenu, d’une part, du taux d’exécution très faible des OQTF et, d’autre part, des procédures et des recours engagés par les demandeurs d’asile ».
 
Ce dernier chiffre a manifestement fait bondir Bernard Cazeneuve, son ministère le déclarant tout simplement « faux ». Le ministre de l’Intérieur estimait lui cet été « autour de 20% » le nombre de déboutés quittant le territoire. Ce qui reste tout de même très inférieur à ce qui devrait être !
 
Notons enfin, parmi les points spécialement soulignés par la Cour des comptes, le souci de l’impact que cette situation pourrait avoir sur certaines misères antérieures. Ainsi déplore-t-elle que « l’engorgement des hébergements pour les demandeurs d’asile se répercute sur l’hébergement d’urgence de droit commun », à destination notamment des sans-abri. Elle s’inquiète dès lors d’un « risque d’éviction » des SDF.
 
Même au sein de la misère les inégalités sont tenaces, et toujours aussi injustifiées.
 

François le Luc