L’envoyé spécial du Telegraph de Londres à Davos, Ambrose Evans-Pritchard, voit des relents de guerre civile idéologique européenne parmi les leaders qui sont venus s’exprimer au Forum économique mondial, les uns réclamant davantage de fédéralisme, les autres accusant l’UE de se saborder en se faisant les chantres de la supranationalité que les peuples récusent. L’Union européenne est-elle vraiment menacée d’implosion ? Ce qui est sûr, c’est que les européistes de tout poil ne savent plus comment vendre l’idée européenne et recherchent les meilleures solutions « marketing » pour maintenir le monstre debout.
La dispute, selon Evans-Pritchard, s’est « enflammée » et le feu a été fortement alimenté par le référendum approuvant le Brexit. Il faut dire que celui-ci a donné des idées à bien des électeurs, même s’il est entendu dans les hautes sphères européennes qu’il faut éviter de leur donner la parole.
A Davos, les leaders de l’UE ne savent plus s’il faut plus ou moins d’Europe
Le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, fait partie de ceux qui ont le plus fortement dénoncé la marche forcée vers l’union. Dangereuse fantaisie romantique, « toute idée d’une Europe de plus en plus fortement unie est morte et enterrée », a-t-il déclaré. « La manière la plus rapide de démanteler l’UE est de continuer de parler d’une avancée, étape par étape, vers une sorte de super-Etat », avertit ce politique libéral.
Voilà qui prend le contre-pied des Italiens, des Allemands et des Français qui ont riposté à la sortie annoncée du Royaume-Uni de l’Union européenne par l’appel à davantage d’intégration européenne, notamment dans le domaine de la défense.
Bref, les responsables de l’Union ne savent plus trop sur quel pied danser, à moins que tout cela ne soit un ballet finement orchestré pour ne pas désespérer Billancourt, version européenne.
L’UE entre fédéralisme et implosion
Martin Schulz, président du Parlement dont le remplaçant vient d’être élu, s’est chargé de la contre-attaque. C’est une idée très « malavisée » de vouloir abandonner le rêve de l’union politique pour organiser la retraite vers l’Etat-nation, assure-t-il : « Que ce soit Angela Merkel, Mark Rutte ou qui que ce soit d’autre, ils doivent avoir le courage de dire que nous avons plus que jamais besoin, au XXIe siècle, d’une union de plus en plus forte, et que sans elle, l’UE n’a pas d’avenir. »
Et de se lancer dans une diatribe à l’encontre des ministres des pays membres de l’Union et de leur « double jeu », puisqu’ils acceptent des mesures derrière des portes fermées lorsqu’ils viennent à Bruxelles et que, dès leur retour à la maison, ils les dénoncent en déclinant toute responsabilité.
Pire : « Nous avons des membres à l’intérieur du Parlement européen qui tentent de détruire l’UE de l’intérieur. Ils reçoivent des salaires de l’Union européenne, et l’un d’eux brigue même la présidence de la France. » Faut-il interdire Marine Le Pen et ses semblables à l’intérieur du Parlement ? Et donc interdire leur élection ?
L’Union européenne s’impose toujours contre les peuples
Appel est donc lancé, répercuté par vice-président de la Commission européenne Frank Timmermans, à assumer l’impopularité de l’intégration européenne et de ses réglementations. Il appartient aux leaders de l’Europe de choisir leur camp : « Vous devez montrer vos cartes, montrer où vous en êtes. » Voilà qui constituerait une petite révolution : depuis quand les eurofédéralistes jouent-ils franc-jeu chez eux ?
A Davos, où l’on s’interroge fébrilement sur l’avenir de la globalisation mise à mal par la montée des « populismes », l’état de l’Union européenne inquiète. On évoque ouvertement l’exaspération des peuples du Sud qui ont dû accepter une coûteuse « austérité » et le chômage pour préserver l’Union et la monnaie unique, et les « mauvais élèves » du Nord comme l’Allemagne, qui affiche d’insolents records d’excédents de sa balance courante au mépris de la règle européenne, au détriment de la cohésion de l’union monétaire. On aura tout vu…
Mais d’une manière ou d’une autre, il s’agit de toute façon de sauver l’Union.