Et si Davos s’emparait du métavers ? Le monde virtuel pourrait devenir celui de votre quotidien

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Certains prétendent que la révolution technologique du métavers dans laquelle s’est engouffré Zuckerberg il y a deux ans, en changeant Facebook en Meta, a quasi échoué‍. Que la vraie différence se situe dans l’Intelligence Artificielle. Mais si l’un et l’autre ne s’excluaient pas et pouvaient être exploités de concert, en développant cet autre monde rêvé, non pas tant par ses utilisateurs que par ses dirigeants potentiels ? Un fait devrait éclairer : que le Forum Economique Mondial y revienne sans cesse, en le présentant systématiquement comme « une opportunité de progrès mondial » et en insistant sur la nécessité de lignes directrices de « gouvernance » mondiale.

Davos a d’ailleurs élaboré, pour le métavers industriel, une véritable feuille de route officielle.

Parce que ce vrai-faux monde de demain, ce monde à la fois virtuel et non virtuel, est un outil ad hoc dans la lutte contre le réchauffement climatique, bien que fantoche, incluant tourisme virtuel et télétravail. Et que surtout, plus globalement, le métavers, étendu à tous les domaines de la vie humaine, se révélera un outil majeur de contrôle des populations, en ce qu’elles navigueront dans une sorte de réel augmenté permanent surveillé. Et l’on ne parle même pas des enjeux moraux inévitables dans un monde où le réel sera virtualisé ou le virtuel réalisé… entendez-le bien.

 

« Un monde virtuel qui deviendra si banal qu’il deviendra une extension de la réalité elle-même »

C’est toute l’ambition que démontre le Forum Economique Mondial dans l’un de ses derniers articles, paru le 28 novembre : raccrocher la fantastique et prometteuse dimension du métavers, cet univers numérique aux possibilités infinies mais limitées pour l’instant au divertissement et à la socialisation, à la réalité humaine, à la vie des personnes, dans son fonctionnement et son déroulement de tous les jours, tant professionnel que privé. Ainsi le métavers et la réalité tangible ne s’opposeraient plus. Et pourrait advenir ce que d’aucuns appellent le méta-réel, un monde où les deux dimensions seraient coexistantes quand elles ne seraient pas imbriquées, où on l’on ne pourrait plus vraiment séparer le physique du virtuel.

Ce souci davosien part, officiellement, d’un élan tout humaniste : remettre l’homme au cœur d’un système virtuel vers lequel se tournent de nombreuses appréhensions. « Etre “bien connecté” à la technologie n’a d’importance que pour le bien-être de l’humanité » peut-on lire. Entendez par « humanité », « les personnes » mais aussi « la nature », et surtout la nature pourrait-on ajouter, vu la place morale prédominante que prend aujourd’hui le changement climatique (c’est là, déjà, où le bât peut blesser).

Nous quittons ainsi le simple domaine du jeu où le métavers était né : sa définition s’élargit. Davos l’évoquait, en janvier 2022, lors du lancement de son initiative « Définir et construire le métaverse » en ces termes : « Un futur environnement virtuel persistant et interconnecté où les éléments sociaux et économiques reflètent la réalité. Les utilisateurs peuvent interagir simultanément avec eux et entre eux sur des appareils et des technologies immersives tout en interagissant avec les actifs et les propriétés numériques. » Le métavers sera donc intégré aux activités professionnelles, sociales et de loisirs quotidiennes.

 

Le véritable enjeu pour Davos : celui d’une gouvernance mondiale

Davos ne peut donc n’être que de la partie. La fausse raison est qu’il participe ainsi remarquablement à la lutte contre le changement climatique, avec l’abolition des déplacements physiques, la promotion du tourisme virtuel, le télé-travail… Mais ses vraies raisons sont autrement plus profondes.

D’abord, le secteur est juteux. Au cours des cinq premiers mois de 2022, plus de 120 milliards de dollars ont été investis dans la construction de la technologie et de l’infrastructure du métavers, dans tous les domaines qu’il commence à toucher. Un marché qui, selon Bloomberg, devrait atteindre 800 milliards de dollars d’ici 2024, et 5.000 milliards de dollars à l’horizon 2030, selon un rapport récent du cabinet McKinsey. Bientôt, il n’existera pas un pouce d’industrie qui échappe à l’impact des technologies émergentes telles que la réalité augmentée, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle, etc.

Cette extension multiforme appelle, dit-on, « un cadre », une éthique, tout comme l’Intelligence Artificielle qui provoque déjà nombre de demandes en la matière. Et Davos ne manque pas de chercher à y répondre, clamant « le besoin d’une intelligence collective pour anticiper, analyser, concevoir, expérimenter et réviser constamment les mesures et les cadres de gouvernance pour des écosystèmes métaverses interopérables, sûrs et inclusifs ». Il donne, ce qui devrait achever de nous faire peur, le « Conseil de surveillance » de Facebook comme exemple d’un tel « modèle de gouvernance du monde réel »…

Bien évidemment, ce cadre sera respectueux de « la vie privée et la sécurité des utilisateurs », nous assure-t-on ! Comme Facebook ? Est-ce donc un avenir sans vie privée que nous promet le FEM ? Il faut le craindre.

 

Le métavers au secours de l’homme ?

La question arrive donc naturellement : qui gouvernera le « métavers » ? Qui donnera ses règles à ces secteurs innovateurs et transformateurs par excellence de ce qu’on a appelé la quatrième révolution industrielle ?

A cette question, plusieurs voix avaient répondu au Forum de Davos, en 2022. L’une avait proposé de donner aux « utilisateurs, plutôt qu’aux dirigeants », des droits économiques et de gouvernance. Une autre avait rétorqué qu’il y avait des défis évidents, comme celui de la « juste » censure : avait été cité le cas de l’ancien PDG de Reddit qui en avait banni la théorie de la fuite du laboratoire covid-19 de Wuhan, car c’était « une mauvaise idée »… On se doute bien que les politiques de gouvernance du FEM y ressembleront et que le droit d’expression pourrait se trouver considérablement réduit.

Ce qui est certain c’est que cette place vaut son pesant d’or. Lors d’une conférence intitulée « L’état du monde » lors du Sommet mondial des gouvernements (WGS) annuel à Dubaï, le 13 février dernier, Klaus Schwab avait déclaré que quiconque maîtrisait des technologies comme l’IA, le métaverse et la biologie synthétique « serait d’une manière ou d’une autre le maître du monde ».

Et de dire cette phrase essentielle : « Certains prétendent que nous sommes désormais dans un monde en voie de démondialisation, mais en réalité, je dirais que nous devons re-mondialiser ce monde. » « Et je pense que les gouvernements ont un rôle important à jouer pour expliquer et avoir l’ambition et la vision nécessaires pour montrer que ces technologies peuvent servir au bien et ne sont pas en soi mauvaises. »

Mondialisme et transhumanisme se rejoignent donc dans cette nouvelle invention du monde post-moderne, conçue pour le « bien » de l’humanité. Et Davos semble décidé à jouer le rôle de leadership.

 

Clémentine Jallais