Déclaration de Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité saint Pie X, sur la nouvelle pastorale du mariage selon le cardinal Kasper

nouvelle pastorale du mariage selon le Cardinal Kasper

Monseigneur Fellay, Supérieur général de la Fraternité saint Pie X (FSSPX), ne s’est pas signalé par une opposition systématique à Rome. Il a entamé depuis l’an 2000 au moins un processus de régularisation de la FSSPX malgré les fortes oppositions qu’il rencontre au sein de celle-ci. Il n’a pas hésité à en exclure un évêque, Monseigneur Williamson, qui s’opposait à cette démarche. Sa Déclaration sur La nouvelle pastorale selon le cardinal Kasper n’en prend que plus de relief. Ses propos, très clairs, ne font que reprendre les paroles du Seigneur, l’enseignement constant de l’Eglise et les graves objections à ce « changement de paradigme » formulées par plusieurs cardinaux.
 
Avant de donner le texte de la déclaration, il faut préciser que les propositions du cardinal Kasper ont rencontré le plein assentiment du Pape François. Voici ce qu’il a déclaré à leur sujet :
 

« Hier, avant de dormir, mais pas pour m’endormir, j’ai lu, j’ai relu le travail du cardinal Kasper et je voudrais le remercier, parce que j’ai trouvé une théologie profonde, mais également une pensée sereine dans la théologie. Il est agréable de lire de la théologie serine. Et j’ai trouvé également que ce que saint Ignace nous disait, ce sensus Ecclesiae, l’amour pour la Mère Eglise… Cela m’a fait du bien et cela m’a donné une idée, pardonnez-moi Eminence si je vous fais rougir, mais l’idée est que cela s’appelle  » faire de la théologie à genoux « . Merci. »
 

Il faut encore rappeler rapidement que la fin première du mariage chrétien est la transmission de la vie et l’éducation chrétienne des enfants et non la satisfaction de la chair. Il s’agit d’une perspective spirituelle, tournée vers Dieu et non vers l’homme, d’une orientation vers l’essentiel qui exige souvent une véritable conversion, une métanoïa. Sur ce point comme sur tant d’autres la morale catholique s’oppose à la sagesse du monde et à la mentalité païenne, à la confusion entre la nature et la grâce.

Voici la déclaration de Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité saint Pie X, sur la nouvelle pastorale du mariage selon le cardinal Kasper :
 

« Que se passera-t-il à l’assemblée extraordinaire du Synode des évêques qui doit se réunir du 5 au 19 octobre 2014, consacré aux « défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation » ? Cette question se pose avec une grande inquiétude depuis que, lors du dernier Consistoire (20 février 2014), le cardinal Walter Kasper, à la demande du pape François et avec son soutien appuyé, a présenté le thème du prochain Synode en faisant des ouvertures prétendument pastorales et doctrinalement scandaleuses.
« Cet exposé qui aurait dû initialement rester secret, a été publié dans la presse et les débats houleux qu’il a soulevés parmi les membres du Consistoire ont fini par être également révélés. Un universitaire n’a pas hésité à parler d’une véritable « révolution culturelle » (Roberto de Mattei), et un journaliste a qualifié de « changement de paradigme » le fait que la cardinal Kasper propose que les divorcés « remariés » puissent communier sans que leur précédent mariage soit reconnu comme nul, « actuellement ce n’est pas le cas, sur la base des paroles de Jésus, très sévères et explicites sur le divorce. » (Sandro Magister)
« Des prélats se sont élevés contre ce changement, tel le cardinal Carlo Caffara, archevêque de Bologne, s’interrogeant : « Qu’en est-il du premier mariage célébré et consommé ? Si l’Eglise admet (les divorcés « remariés ») à l’Eucharistie, elle doit donner de toute façon un jugement de légitimité à la seconde union. C’est logique. Mais alors – comme je le demandais – qu’en est-il du premier mariage ? Le deuxième, dit-on, ne peut pas être un vrai deuxième mariage, car la bigamie va à l’encontre de la parole du Maître. Et le premier ? Est-il dissout ? Mais les papes ont toujours enseigné que le pouvoir du pape ne va pas jusque là : sur le mariage célébré et consommé, le pape n’a aucun pouvoir. La solution exposée (par le cardinal Kasper) porte à penser que le premier mariage demeure, mais qu’il y a quand même une deuxième forme de cohabitation que l’Eglise légitime. (…) La question de fond est donc simple : qu’en est-il du premier mariage ? Mais personne ne répond. » (Il Foglio, 15/03/14)
« On pourrait ajouter les graves objections formulées par les cardinaux Gerhard Ludwig Müller, Walter Brandmüller, Angelo Bagnasco, Robert Sarah, Giovanni Battista Re, Mauro Piacenza, Angelo Scola, Camillo Ruini… Mais ces objections restent, elles aussi, sans réponse.
« Nous ne pouvons attendre, sans élever la voix, que le Synode se tienne en octobre prochain dans l’esprit désastreux que veut lui donner le cardinal Kasper. L’étude jointe, intitulée « La nouvelle pastorale du mariage selon le cardinal Kasper », montre les lourdes erreurs contenues dans son exposé. Ne pas les dénoncer reviendrait à laisser une porte ouverte aux périls que pointe du doigt le cardinal Caffara : « Il y aurait (ainsi) un exercice de la sexualité humaine extra-conjugale que l’Eglise considèrerait comme légitime. Mais avec cela on ruine le pilier de la doctrine de l’Eglise sur la sexualité. À ce point on pourrait se demander : pourquoi n’approuve-t-on pas l’union libre ? Et pourquoi pas les rapports entre homosexuels ? » (Ibidem)
« Alors que de nombreuses familles se sont mobilisées courageusement ces derniers mois contre les lois civiles qui partout sapent la famille naturelle et chrétienne, il est proprement scandaleux de voir ces mêmes lois subrepticement soutenues par des hommes d’Eglise désireux d’aligner la doctrine et la morale catholiques sur les mœurs d’une société déchristianisée, au lieu de chercher à convertir les âmes. Une pastorale qui bafoue l’enseignement explicite du Christ sur l’indissolubilité du mariage, n’est pas miséricordieuse mais injurieuse à l’égard de Dieu qui accorde à chacun sa grâce de façon proportionnée, et cruelle envers les âmes qui, placées dans des situations difficiles, reçoivent cette grâce dont elles ont besoin pour vivre chrétiennement et même grandir dans la vertu, jusqu’à l’héroïsme. »
 
Menzingen, le 12 avril 2014
+ Bernard Fellay
Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X
 

Cette déclaration est accompagnée d’une étude de l’abbé Franz Schmidberger sur « La nouvelle pastorale du mariage selon le cardinal Kasper ». Tout comme Monseigneur Fellay, l’abbé Schmidberger a œuvré au rapprochement entre Rome et la FSSPX.
Cette étude, qu’il faudrait citer en entier, commence par un état des lieux et des attentes des fidèles. Relevons le renversement que constitue ce « sondage » des fidèles, appelés à « commenter » l’enseignement du Seigneur et de l’Eglise, la négation implicite de toute autorité, même divine, qui le sous-tend. Nous insistons également sur le fait que les réponses aux questionnaires ont été données par des fidèles choisis. Voici donc le début de cette étude :
 

« Un Synode extraordinaire des évêques devra traiter à l’automne prochain de la famille chrétienne. Il aura à aborder plus particulièrement les problèmes qu’elle rencontre dans un monde marqué par la sécularisation : vie commune hors mariage, divorce, contraception, etc. En octobre dernier, un questionnaire ad hoc a été envoyé aux évêques par le Vatican, auquel les pasteurs avaient à répondre. Dans certains pays, et particulièrement dans les pays germanophones, les évêques ont transmis ce questionnaire à des fidèles choisis, qui ont répondu comme on l’attendait d’eux.
« Leurs réponses montrent quels abîmes le processus de décomposition de la morale conjugale a déjà atteint parmi ces peuples autrefois si chrétiens. À la question « Dans le contexte de la régulation des naissances, avez-vous ressenti comme péché l’utilisation des méthodes réputées défendues ? » 86 % ont répondu non, 14 % oui. Autre question : « Vous êtes-vous déjà abstenu de l’eucharistie pour cette raison ? » Ici 90 % ont répondu non, 10 % oui. Dans le diocèse d’Aix-la-Chapelle, il ressort des réponses que « la morale ecclésiale du mariage et de la sexualité » constitue « pour beaucoup un obstacle à la foi ». Dans le diocèse de Bamberg, les réponses manifestent « une attitude critique envers la doctrine de la morale ». Dans le diocèse d’Essen, les interrogés sont disposés à « rendre possible une célébration liturgique pour des partenaires du même sexe ». Dans le diocèse de Freiburg in Breisgau, « vivre ensemble avant le mariage religieux n’est pas l’exception mais le cas normal. » Dans le diocèse de Cologne, « la doctrine de l’Église est considérée comme en rupture avec le monde d’aujourd’hui et les relations normales ». Dans le diocèse de Magdeburg, « l’Église a perdu son statut de valeur référentielle dans les domaines du mariage et de la famille ». Dans le diocèse de Mayence (Mainz), « presque tous rejettent la condamnation des méthodes artificielles pour réguler la fertilité ou la considèrent comme dénuée d’importance ». Dans le diocèse d’Osnabrück, « de plus en plus de personnes tournent le dos à l’Église ». Dans le diocèse de Rottenburg, « l’interdiction des préservatifs est considérée comme un délit ». Dans le diocèse de Trêve (Trier), les fidèles consultés attendent « une miséricorde vécue dans les questions du mariage, de l’échec, d’un nouveau départ et de la sexualité ».

 

De véritables cahiers de doléances. Enfin l’abbé Schmidberger conclut en rappelant l’enseignement constant de l’Eglise, à la suite du Seigneur :
 

« Pour la défense de la dignité, de la sainteté et de l’indissolubilité du mariage compris comme l’union entre un homme et une femme, ajoutons encore ces paroles du Christ : « Que l’homme ne sépare pas, ce que Dieu a uni » (Mt 19,6) et « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère ; et quiconque épouse celle qui a été répudiée par son mari, commet un adultère » (Luc 16,18). Si donc, du vivant de son conjoint, le chrétien marié entre dans une nouvelle liaison, il commet un adultère et ce péché grave l’exclut de la réception des sacrements. « Ne vous y trompez pas : (…) les adultères ne posséderont pas le royaume de Dieu » (1 Cor 6,9). Ceci est une doctrine révélée par Dieu, tenue constamment par l’Église et que le concile de Trente dans sa 24e session, le 11 novembre 1563, a bien mise en évidence. Le canon n° 7 enseigne au sujet du sacrement de mariage : « Si quelqu’un dit que l’Église se trompe quand elle a enseigné et enseigne, conformément à l’enseignement de l’Évangile et de l’Apôtre [voir Mt 5,32 ; 19,9 ; Mc 10,11-12 ; Lc 16,18 ; 1 Co 7,11], que le lien du mariage ne peut pas être rompu par l’adultère de l’un des époux, et que ni l’un ni l’autre, même l’innocent qui n’a pas donné motif à l’adultère, ne peut, du vivant de l’autre conjoint, contracter un autre mariage ; qu’est adultère celui qui épouse une autre femme après avoir renvoyé l’adultère et celle qui épouse un autre homme après avoir renvoyé l’adultère : qu’il soit anathème. »