La politique n’est pas seulement une affaire de processus longs, ni de programmes, ni d’action gouvernementale : c’est aussi une succession de coups qui l’apparente à l’art de la guerre, la démission de Flynn conseiller de Trump pour la sécurité des USA et l’affaire de Fillon et du Plan B en France le prouvent.
Fillon ne s’en sort toujours pas. A peine la presse lui laisse-t-elle quelques heures de repos que le prêtre lui lit l’évangile du dimanche d’une drôle de façon à la Réunion, et à son retour à Paris, c’est pour trouver quelques uns de ses bons amis en train de cuisiner un plan B afin de le remplacer – sans préjuger de sa culpabilité, bien sûr, en toute affection et pour le bien de la famille, mais un plan B tout de même.
Fillon, des Champs Elysée au plan B
Pauvre Fillon, rappelez-vous, le soir du 27 novembre 2016, c’était hier, c’était il y a un siècle, comme disait Joe Dassin. Il était tout faraud, il avait gagné la primaire de la droite en surprenant tout le monde, les sondeurs, pour se racheter, lui promettaient le plus bel avenir, les Français étaient prêts à le suivre où il voudrait, quand il voudrait. Aujourd’hui, même les ânes hésitent à lui donner des coups de pied, de peur de se salir le sabot. Ses amis, ses pairs, attendent qu’il se suicide. Il devrait avoir l’élégance de donner sa démission, qu’on puisse passer au plan B. Michael Flynn, le principal conseiller de Donald Trump pour la sécurité, a bien donné la sienne.
Aux USA, la démission de Flynn n’a pas traîné
Aux USA, les choses vont plus vite. Flynn n’aura pas tenu quatre jours. Jeudi dernier au soir, les médias américains faisaient état d’une conversation entre Flynn et l’ambassadeur de Russie à Washington, Sergey Kislyak à la fin du mois de décembre. C’était le moment où Barack Obama prenait des sanctions inhabituelles contre la Russie pour accréditer la thèse selon laquelle Vladimir Poutine s’était immiscé victorieusement dans l’élection présidentielle américaine. Flynn promit à Kislyak que Trump serait moins inamical. Jusque là, rien de répréhensible sauf pour la paranoïa anti Poutine que les USA ont répandue dans le monde. Mais, interrogé à ce sujet, Flynn a dit que la conversation n’avait pas porté sur ce sujet au vice président Mike Pence, et celui-ci s’en est porté garant. C’est ce mensonge qui vaut à Flynn de tomber.
Le monde entier en guerre contre l’hécatonchire Poutine
Deux remarques s’imposent. La première a l’air frivole : la psychose qui prête aux services russes la volonté et le pouvoir d’intervenir avec succès dans toutes les élections occidentales semble se répandre. La semaine dernière, c’était l’Elysée qui convoquait une réunion de défense spéciale pour contrer l’aide putative apportée par Poutine à Marine Le Pen, hier, c’était le directeur de campagne d’Emmanuel Macron qui disait craindre que la Russie n’agisse contre son poulain. Diable ! La main de Poutine traîne décidément partout. Ce n’est pas l’hydre de Lerne, ce sont les hécatonchires à lui tout seul, les trois terribles monstres aux cent bras, fils du Ciel et de la Terre.
L’art politique de poignarder ses amis dans le dos, au nom du bien
La seconde remarque est que l’on ne peut juger de la compétence ni de la conviction de beaucoup d’hommes qui entrent en politique car, quelque soient l’art et le soin qu’ils aient mis à monter au pouvoir, ils achoppent la plupart du temps avant d’y arriver, pour des causes qui peuvent sembler secondaires et qui tiennent plus aux règles du combat corps à corps ou de la dispute en cour de récréation qu’à la réflexion philosophique.
Il faut ici inverser la proposition de Clausewitz pour atteindre la réalité : la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens. Une guerre de rue et de ruelles, de sentines, de tentures derrière quoi courent les rats, d’escaliers dérobés, une guerre de sicaires et de spadassins, où le génie compte peu, où la surprise, la traîtrise, le manque de scrupules font tout. Sans oublier bien sûr qu’aujourd’hui dans notre société anglosaxonnisée, où toute violence apparente est une faute et où l’hypocrisie porte le beau masque de la vertu, le poignard le plus efficace, le kriss le plus mortel, est l’équité, c’est le droit, la justice, la morale.