Dialogue interreligieux : pour le Vatican, la « compassion bouddhiste » est « l’antidote aux crises globales »

Dialogue interreligieux Vatican bouddhiste
 

Face aux guerres, au « réchauffement », à la pauvreté et aux autres souffrances dans le monde et du monde, le Dicastère pour le dialogue inter-religieux a gratifié les bouddhistes d’un message pour la fête de « Vesak 2023 » qui propose des solutions parfaitement en phase avec les faux dogmes du moment. Le 16 avril dernier, le cardinal Miguel Ángel Ayuso Guixot, par ailleurs membre du Haut comité de la fraternité humaine, y apposait sa signature en tant que préfet d’un organe qui a regagné son titre de « dicastère » depuis la réforme de la Curie du 5 juin 2022. C’est dire si le pape François, qui a également donné son chapeau de cardinal à Ayuso Guixot, lui voue un rôle de tout premier plan. Le message porte aux nues la « compassion bouddhiste » et y voit « l’antidote aux crises globales ».

Vesak, rappelle le cardinal Ayuso Guixot, est la « période festive au cours de laquelle » les bouddhistes célèbrent « la naissance, l’illumination et la mort du Bouddha ». C’est descriptif, direz-vous. Mais le texte poursuit : « Puisse cette fête vous inciter une fois de plus à poursuivre votre quête de compréhension de la nature de dukkha, des conditions qui en sont la cause et de la manière dont elle peut être surmontée. »

 

Le Vatican félicite les bouddhistes pour leur néant

Qu’est-ce donc ? « Ceci est souffrance » est la première des « Quatre Nobles vérités » enseignées par le Bouddha lors de son premier sermon : naissance, maladie, mort, être lié à ce qu’on n’aime pas, être séparé de ce qu’on aime, ne pas obtenir ce qu’on désire… Et il s’agit d’en sortir, en cessant de s’identifier avec la souffrance, sans penser « je souffre », et surtout sans se juger soi-même ; sans écraser le moustique qui nous irrite mais en reconnaissant son existence et aussi son droit à l’existence. Il s’agit de la contempler, de la comprendre. Et de s’y intégrer : l’homme n’est-il pas destiné comme les choses à la ronde des réincarnations ? Son bonheur ultime n’est-il pas dans l’élimination de tout désir (alors que Dieu veut combler nos désirs infiniment au-delà de ce que nous pouvons imaginer) ?

Rien à voir avec la « vallée de larmes » où se trouve l’homme après la chute, et par sa faute. Rien à voir avec la Rédemption, par laquelle Jésus-Christ, Dieu fait homme, nous rachète à grand prix et rend possible la vie éternelle auprès de Dieu à celui qui croit et qui demande le pardon de ses péchés personnels. Rien sur l’union de nos souffrances à celles du Christ. Tous ont besoin de connaître cette vérité, y compris les bouddhistes. Mais non ; les voici encouragés à poursuivre sur leur voie dans le cadre d’un « dialogue inter-religieux » qui tient davantage du monologue flagorneur.

« Nous naviguons sur le même bateau, “où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde. Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble” », proclame le cardinal, citant le pape François. Sauver ? Mais sauver quoi ? La planète, la paix, tout ce qui fait notre vie ici-bas. Pas nos âmes…

 

La « compassion bouddhiste », au-delà du bien et du mal

Et le cardinal s’explique, présentant les croyances des bouddhistes comme capables de tout réparer :

« Chers amis bouddhistes, vous offrez la guérison lorsque vous incarnez le karuna – la compassion envers tous les êtres, enseignée par le Bouddha (Sutta Nipata 1.8, Sutta Nipata 2.4), ou lorsque vous agissez de manière désintéressée comme l’a fait le Bodhisattva, qui a renoncé à entrer dans le Nirvana et est resté dans le monde pour œuvrer à l’allègement de la souffrance de tous les êtres jusqu’à leur libération. Le Bouddha décrit une personne entièrement informée par le karuna : “Il demeure avec un esprit accompagné de compassion, imprégnant une direction. Puis une deuxième direction. Puis une troisième direction. Puis une quatrième direction. Ainsi, au-dessus, en-dessous, autour, partout, s’identifiant à tous, il demeure imprégnant le monde entier des (êtres) avec un esprit accompagné de compassion, vaste, sublime, illimité, sans inimitié, sans malveillance” (Abhidhamma Pitakaya Vibhanga b). Ceux qui demeurent avec un esprit accompagné de compassion offrent un antidote aux crises mondiales que nous avons mentionnées, en offrant une compassion globale en réponse à des maux répandus et interconnectés. »

 

Le dialogue interreligieux, prétexte à l’oubli de ce que nous sommes

C’est un texte qui suinte le confusionnisme, personnalisant tout être, et par conséquent dépersonnalisant l’homme, réduit à l’état de petit élément de ce grand tout où il n’est rien qui ne mérite la compassion. Dieu et l’âme n’y sont pourtant pas les bienvenus.

Pardon si cette pensée semble un peu absconse. Elle est si éloignée de la nôtre ! Pourtant le chef du Dicastère pour le dialogue inter-religieux la place sur le même plan que notre « agapè », « l’amour désintéressé », « le grand héritage que Jésus a laissé à ses disciples ». De même Ayuso Guixot équipare la recherche de la charité, vertu divine, avec le conseil de Bouddhha : « De même, l’accent mis par le Bouddha sur l’entraînement du cœur est particulièrement précieux alors que nous avançons ensemble dans nos efforts pour apporter la guérison : “Développez la méditation sur la compassion, car lorsque vous développez la méditation sur la compassion, toute cruauté sera abandonnée”. »

Il conclut : « Puissiez-vous “rayonner d’un amour sans limite envers le monde entier – en haut, en bas et à travers – sans entrave, sans malveillance, sans inimitié” (Karaniya Metta Sutta, Sn. 1.8). Et puissiez-vous profiter, chers frères et sœurs bouddhistes, de bénédictions abondantes et de la joie de contribuer à la guérison des blessures de la société et de la terre, notre maison commune. »

Et c’est pourquoi le titre de ce message, « Bouddhistes et chrétiens, guérir l’humanité blessée et la terre par le karuna et l’agapè », est fondamentalement un mensonge.

 

Jeanne Smits