Le Dicastère pour le dialogue interreligieux envoie un message pour le Ramadan

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Le cardinal Koovakad (© Lorenzo Iorfino)

 

« Chrétiens et musulmans : ce que nous espérons devenir ensemble » : c’est sous ce titre on ne peut plus ambigu, daté de manière pluraliste : « 1446 H./ 2025 A.D. », que le Dicastère pour le dialogue interreligieux s’est adressé aux « chers frères et sœurs musulmans » en un « Message pour le mois de Ramadan et ‘Id Al-Fitr ». Un monument de syncrétisme et d’irénisme auquel ne saurait répondre qu’un islam restructuré : tout cela n’est possible en effet qu’entre religions qui ne se conçoivent plus comme étant, chacune de son côté, la seule vraie.

Sous la signature du cardinal George Jacob Koovakad, préfet du Dicastère, et de son Secrétaire Indunil Kodithuwakku Janakaratne Kankanamalage, le message met sur le même plan le jeûne musulman qui souffre d’être rompu toutes les nuits et ne débouche que sur la satisfaction d’avoir observé la loi islamique et le carême chrétien qui prépare la montée vers le Golgotha et vers Pâques, vers le sacrifice du Dieu fait homme, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui donne sa vie pour offrir aux hommes la possibilité de participer à la gloire de sa résurrection.

 

Le Dicastère pour le dialogue interreligieux voit des vertus partout

La convergence, cette année, entre le carême et le Ramadan, a servi de prétexte à ce message qui assurant que « ce temps de jeûne, de prière et de partage est certainement une occasion privilégiée pour se rapprocher de Dieu et renouer avec les valeurs essentielles de la foi, de la compassion et de la solidarité ».

Mais quel Dieu ? Certainement pas le Dieu Un et Trine qui s’est révélé aux hommes par l’incarnation de son Fils, car ces mots sont un blasphème pour les musulmans. Aussi la Sainte Trinité n’est-elle pas nommée dans le message, ni même Jésus-Christ, celui qui devrait être au centre de nos efforts de carême et sans qui ils seraient tous vains…

Non, pour les hommes du Dicastère, la « proximité dans le calendrier spirituel » de ces deux temps de privations, le chrétien et le musulman, « nous offre une occasion unique de marcher côte à côte, chrétiens et musulmans, dans une démarche commune de purification, de prière et de charité ». Car ils dérangent même la charité, cette vertu théologale qui a Dieu, le vrai Dieu, comme source et comme objet.

La suite est dans la même veine. « Voulons-nous être de simples collaborateurs pour un monde meilleur, ou de véritables frères pour témoigner ensemble de l’amitié de Dieu envers tous les hommes ? », demande le message chrétien, dont l’idée principale est que le carême vaut bien le Ramadan et vice versa. Ne dit-il pas : « Ces pratiques spirituelles, bien qu’exprimées différemment, nous rappellent que la foi n’est pas seulement une affaire de gestes extérieurs, mais un chemin de conversion intérieure » ?

 

Un message du Vatican met Ramadan et carême sur un pied d’égalité

Après la charité, l’espérance et donc la foi puisque l’espérance s’appuie sur celle-ci : « Dans un monde marqué par les injustices, les conflits et les incertitudes du futur, notre vocation commune ne peut se résumer à des pratiques spirituelles similaires. Notre monde a soif de fraternité et de véritable dialogue. Musulmans et chrétiens, ensemble, peuvent être témoins de cette espérance-là, que l’amitié est possible malgré le poids de l’histoire et les idéologies qui enferment. L’espérance n’est pas un simple optimisme : elle est une vertu ancrée dans la foi en Dieu, le Miséricordieux, notre Créateur. Pour vous, chers amis musulmans, cette espérance se nourrit de la confiance en la miséricorde divine qui pardonne et guide. Pour nous, chrétiens, elle s’enracine dans la certitude que l’amour de Dieu est plus fort que toutes les épreuves et obstacles. »

Curieux rapprochement, curieuse distinction aussi entre la Sainte Trinité et Allah. Ce dernier est pourtant tout sauf un Père : Allah est celui qui envoie son messager mener la conquête des hommes en son nom, tandis que Dieu est Celui qui accueille le sacrifice de son divin Fils pour établir sa demeure dans tous les baptisés bénéficiant de sa grâce.

Dans des accents qui rappellent le Document d’Abou Dhabi sur la fraternité humaine, le message expose toute son approche syncrétiste en ce paragraphe révélateur :

« Dans un monde où “réapparaît la tentation de créer une culture de murs, d’élever des murs, des murs dans le cœur, des murs érigés sur la terre pour éviter cette rencontre avec d’autres cultures, avec d’autres personnes” (Pape François, Fratelli tutti, n. 27), notre défi est alors de construire, grâce au dialogue, un avenir commun, fondé sur la fraternité. Nous ne voulons pas seulement coexister ; nous voulons vivre ensemble dans l’estime sincère et mutuelle. Les valeurs que nous partageons, comme la justice, la compassion et le respect de la création, devraient inspirer nos actions et nos relations, et nous servir de boussole pour être des bâtisseurs de ponts plutôt que de murs, des défenseurs de la justice plutôt que de l’oppression, des protecteurs de l’environnement plutôt que des destructeurs. Notre foi et ses valeurs devraient nous aider à être des voix qui s’élèvent contre l’injustice et l’indifférence, et qui proclament la beauté de la diversité humaine. »

Diversité religieuse y compris…

 

Le Dicastère interreligieux propose de célébrer Dieu avec les musulmans

« Que cette fête soit l’occasion de rencontres fraternelles entre musulmans et chrétiens, où nous pourrons célébrer ensemble la bonté de Dieu », conclut le message. « Célébrer ensemble » a peut-être un sens figuré ici, mais stricto sensu, cela veut dire « rendre un culte ensemble ». Ce qui est impossible, si ce n’est un seul et même Dieu qui est célébré selon sa volonté.

Mais celle-ci passe décidément par pertes et profits, au nom de la « fraternité ».

D’ailleurs le cardinal et le monseigneur pensent que « notre foi en Dieu est un trésor qui nous unit, bien au-delà de nos différences ». Que veulent-ils que nous devenions, ensemble ? « C’est donc être des frères et des sœurs en humanité qui s’estiment profondément » – mais justement à cause de « notre foi » et non du devoir chrétien de bienveillance envers tous (y compris nos ennemis)… Comme si la foi, la vraie foi, n’était pas à mille lieues des fausses croyances.

 

Jeanne Smits