Donald Trump est en mesure d’agir pour contrôler la Réserve Fédérale – mais veut-il s’en prendre ainsi à la Fed ?

Donald Trump contrôle Réserve Fédérale Fed
Janet Yellen (au micro), présidente du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale des Etats-Unis

 
Le New York Times réfléchit tout haut, dans son numéro du 12 novembre, sur ce que signifie pour la Banque centrale des Etats-Unis l’élection à la présidence de Donald Trump. La Réserve fédérale a fait l’objet de multiples critiques de la part du prochain président des Etats-Unis tout au long de sa campagne, et le calendrier des nominations lui promet plusieurs occasions de mettre la main sur cette entité non élue, indépendante qui, dans les faits, n’a pour l’heure pas de comptes à rendre aux pouvoirs publics. Mais Trump s’en prendra-t-il réellement à la Fed ? La question est aujourd’hui ouverte, alors que « the Donald » multiplie les signaux annonçant un certain alignement par rapport à l’establishment.
 
« Victorieux », « enhardis », les Républicains vont-ils agir contre la Fed, comme le craignaient les Démocrates après l’élection de Ronald Reagan en 1980 ? Le journal pose la question en rappelant que Janet Yellen a mené ces trois dernières années une campagne de stimulation de la croissance dont Trump a déclaré au cours de sa campagne qu’elle a créé davantage de problèmes qu’elle n’en a résolus. C’est bien la Fed qui régente l’économie des Etats-Unis : si Trump souhaite faire bénéficier celle-ci d’un choc salutaire – et cela semble être sa principale préoccupation – il faudra bien passer par le contrôle de l’institution qui a usurpé la fonction régalienne de battre monnaie à travers les mécanismes modernes de sa création.
 

Donald Trump en position de force face à la Fed

 
Au cours des 18 mois qui viennent, Donald Trump sera en mesure de remplacer la majorité des sept membres du conseil de la Fed, y compris Mme Yellen dont le mandat vient à échéance en juillet 2018, rappelle le New York Times. Celui-ci envisage aussi que le président puisse travailler avec le Congrès en vue de placer de nouvelles contraintes sur la Banque fédérale, en obligeant par exemple à respecter une formule préétablie pour la fixation des taux d’intérêt.
 
Mais le journal rappelle que Ronald Reagan lui-même avait reculé face à la Réserve fédérale. Il s’était entretenu avec Paul Volcker, son président, et après lui avoir demandé pourquoi un pays a besoin d’un banque centrale, il semble avoir été convaincu : la Fed pouvait lui être utile, ne serait-ce que comme bouc émissaire. Il avait même prolongé le mandat du Démocrate Volcker à la tête de l’institution en 1983.
 
Le New York Times voit en Donald Trump un partisan des taux d’intérêt bas puisqu’il en a lui-même bénéficié en tant qu’entrepreneur immobilier, et qu’en tant que politique il a intérêt sur le court terme à bénéficier des effets sur l’économie de cette politique favorable à l’inflation sur le long terme. « C’est l’exacte raison pour laquelle la Fed est protégée de la pression politique », observe l’auteur de l’article, Binyamin Appelbaum – omettant de mentionner les déplacements du commerce international et de l’activité économique que la manipulation des taux d’intérêts et des masses monétaires des principales monnaies permet.
 

La majorité du conseil de la Fed pourra être renouvelée par Trump

 
Les conseillers de Trump, en revanche, aimeraient mieux voir la Fed contrôler l’inflation, au détriment de la croissance immédiate, pensant que la Banque centrale n’a guère, sur le long terme, de pouvoir pour faire augmenter l’activité économique ailleurs qu’à Wall Street, où cette augmentation repose essentiellement sur la « spéculation excessive. »
 
Au cours de sa campagne, Donald Trump s’est de plus en plus rangé à ce point de vue en dénonçant de nombreuses « bulles » provoquées par la création ex nihilo de milliers de milliards de dollars et la montée trop importante des valeurs induite.
 
Mais pour autant, il n’agira pas forcément sur la Fed. Le New York Times voit dans la promesse de Donald Trump de réduire la pression fiscale en même temps qu’il veut augmenter les dépenses pour l’infrastructure et la défense (il pourrait être possible de combiner les deux en fermant les frontières et en relançant l’économie nationale) une manière de « stimulus » fiscal qui permettrait en même temps à la Fed d’augmenter les taux d’intérêt sur la vague de la nouvelle croissance.
 
L’idée semble avoir touché les marchés financiers qui se sont montrés optimistes après l’élection du nouveau président républicain, et aujourd’hui la probabilité d’une remontée des taux en décembre, s’il faut en croire les analystes cités par le New York Times, atteindrait les 78 %.
 
On sait cependant qu’une montée des taux du dollar pourra avoir un effet désastreux sur de nombreuses économies émergentes ou fragiles, dont les dettes sont exprimées dans cette monnaie.
 

Donald Trump ne semble pas vouloir attaquer le pouvoir de la Fed

 
Pour le Times, nonobstant les positions prises pendant la campagne, il semble clair que Trump laissera la Fed agir comme elle le souhaite. Le responsable de son équipe de transition économique, David Malpass, a déclaré d’ores et déjà dans un courriel qu’on s’était trop focalisé sur la direction de la politique monétaire : « On devrait se focaliser sur des réformes structurelles orientées vers la croissance, y compris à travers la réforme des taxes, des échanges et des politiques de régulation et de l’énergie. »
 
Bref, même si le nouveau président entend peser sur la composition de la Fed, comme il l’a déjà dit, il y a relativement peu de chances pour qu’il lui fasse modifier sa politique des taux d’intérêt ; reste à voir s’il compte prendre le risque de réclamer un contrôle politique accru, voire qu’il mette en exécution son rêve de rétablir l’étalon or, vaguement évoqué au cours de la campagne mais qui ne fait partie d’aucune de ses priorités.
 
En ne touchant pas à la Banque centrale, Donald Trump laisserait en place l’un des principaux outils du pouvoir moderne qui s’exerce bien davantage dans ces institutions indépendantes et non démocratiques que dans les palais présidentiels, les bureaux du gouvernement ou au sein des assemblées – pouvoir exercé par une institution privée.
 

Anne Dolhein