Dunkerque est censé être le film de guerre à grand spectacle qui manquait sur cet événement important de la deuxième guerre mondiale, qui s’est déroulé du 21 mai au 4 juin 1940. Il existe déjà de nombreux films consacrés à la Bataille d’Angleterre (quelques semaines plus tard à l’été 1940), Pearl Harbor, Stalingrad, le Débarquement en Normandie, etc., mais il n’y avait donc pas, jusqu’ici, de grande fresque historique sur Dunkerque. Cette absence peut s’expliquer par le caractère pas spécialement glorieux de l’épisode : ce rembarquement d’une armée alliée s’inscrit dans le désastre général subi par l’alliance franco-britannique contre l’Allemagne au printemps 1940. A l’été 1940, les Allemands contrôlent tout le littoral européen de l’Atlantique, du nord de la Norvège à Hendaye, à la frontière franco-espagnole. Dunkerque est pourtant le seul épisode militaire significatif réussi pour les Alliés, soit l’évacuation d’un peu moins de 400.000 hommes, dont les ¾ de Britanniques, de la poche toujours plus restreinte, encerclée par les Allemands à partir du 20 mai 1940, aux confins de la France et de la Belgique. Tous ces hommes ont donc échappé à la captivité. Les 300.000 Britanniques rescapés ont permis de posséder une base de soldats expérimentés qui ont formé le fer de lance des armées britanniques des années suivantes. Ces 300.000 rescapés ont probablement servi par leur présence d’argument politique essentiel à Churchill dans ses refus de paix au début de l’été 1940, car de ce fait le Royaume-Uni n’était pas vide d’hommes pour le défendre.
Dunkerque confine à la falsification délibérée de l’histoire
Il aurait été bon de présenter tous ces points dans un film de guerre consacré à Dunkerque, ou du moins, d’aborder de manière claire les opérations militaires. Or, et c’est un comble pour un film de guerre, elles ne sont jamais présentées. Le spectateur ne voit pas de généraux penchés sur des cartes. Le point de vue est celui de soldats britanniques apeurés, perdus, qui errent dans Dunkerque, puis sur les plages ; ils ne comprennent rien à la situation générale, et sont pressés de fuir, quitte à resquiller. Ce film est donc très désordonné, juxtapose les anecdotes plus ou moins intéressantes, et oscille entre célébration d’un héroïsme exemplaire – celui des pilotes de la RAF – et la dénonciation d’un esprit de procédure militaire odieux et criminel dans les circonstances du drame. Dans une scène dure des soldats sont enfermés dans une cale, dans un navire britannique qui risque de couler, et coulera…Le plus souvent, le film ennuie, parfois choque, mais n’est jamais vraiment spectaculaire. On se demande où a été englouti le budget considérable du film.
Comme il n’explique rien, le film donne donc au final une impression parfaitement fausse de désastre total pour les Alliés. En fait, la manœuvre d’évacuation de Dunkerque a réussi au-delà de tout espoir, du moins pour les soldats britanniques, car les Français ont été eux délibérément sacrifiés en arrière-garde ; ils ont été de ce fait beaucoup plus capturés par les Allemands. Nous reviendrons pas ici sur ce qui a été dit à juste titre sur RITV à propos de l’enjeu mémoriel du film, qui confine à la falsification historique délibérée.