Notre consœur La Croix, qui fut catholique, organise encore sa vision politique autour des vestiges de la foi chrétienne. Aussi vient-elle de publier une série sur le mouvement œcuménique, dont le deuxième volet est consacré à la conversion à l’écologie, moyen de rapprochement entre l’Eglise romaine et ses sœurs séparées. C’est un reportage presque naïf sur la Révolution en cours dans l’Eglise et sur le changement profond de la foi chrétienne que suppose et qu’impose cette « conversion à l’écologie ». Cette instrumentalisation mutuelle de l’œcuménisme et de l’écologie entre aussi dans le vaste mouvement de bureaucratisation laïque et de féminisation du gouvernement de l’Eglise, dont les synodes sont un autre aspect. Le pape François aura vraiment été l’homme de la révolution moderniste dans l’Eglise, de sa soumission au monde, et de sa rencontre avec le panthéisme.
Convertir à l’écologie pour pousser à l’œcuménisme
« Depuis la publication de l’encyclique Laudato si’ sur l’écologie et la COP21, les collectifs et initiatives chrétiennes pour la sauvegarde de la Création se multiplient. Rassemblés autour d’une cause commune, catholiques et protestants réformés agissent et prient ensemble, quitte à questionner leurs doctrines. » Tout est dit dans ce chapeau du reportage de La Croix. D’abord la portée fondatrice de la première encyclique consacrée au devoir, depuis cent fois répété par François, imposé aux fidèles de se « convertir à l’écologie ». Ensuite la nécessité bénéfique de l’action œcuménique. Enfin le caractère à la limite secondaire du dépôt de la foi (« quitte à questionner leurs doctrines »). Comme La Croix s’adresse à un lectorat encore en majorité catholique, elle commence par rapporter les paroles d’une jeune protestante, qui par cet engrangement a beaucoup appris sur « le catholicisme, sa liturgie et son enseignement », ce qui a « complètement changé son regard ». Voilà de quoi faire passer la pilule à venir.
Un cléricalisme facteur de révolution dans l’Eglise
La Croix esquisse le paysage des associations qui fleurissent pour promouvoir la conversion des chrétiens à l’écologie, « ces collectifs et initiatives chrétiennes autour de la sauvegarde de la Création (…) associant des chrétiens de diverses confessions ». Elle en énumère quelques-uns, Lutte et contemplation, Chrétiens unis pour la terre, Temps pour la Création, et Eglise verte, qui est un « Label de conversion écologique des communautés chrétienne ». Il s’agit d’une association Loi 1901 déposée en 2020. Elle a donné son label, à la suite d’un « éco-diagnostic », à 850 « communautés de trois personnes ou plus », de « sensibilité chrétienne reconnue par le CECEF, paroisses, églises locales, associations de solidarité, écoles, aumôneries, familles, communautés religieuses, etc… » Près de 80 % sont catholiques, environ 20 % protestantes, le reste orthodoxes. Le CECEF est un conseil d’église chrétiennes en France, lieu de « dialogue » et de « manifestations œcuménique » dont l’assemblée plénière comprend six catholiques dont le président de la conférence des évêques de France, six protestants dont le président de leur fédération, quatre orthodoxes de France, deux orientaux et un Anglican.
Eglise verte : de la foi en Dieu à la révolution terrestre
Eglise verte présente ainsi sa genèse : « La COP21 a dynamisé la mobilisation des chrétiens sensibles aux questions environnementales et initié une démarche œcuménique qui s’est exprimée notamment par la mise en place du Jeûne pour le climat, la publication de la brochure Habiter autrement la Création, le succès des Assises chrétiennes de l’écologie – qui ont réuni 2.000 chrétiens à Saint-Etienne –, la célébration commune à Notre-Dame de Paris et la mobilisation de nombreuses églises et mouvements pour la COP21 (accueil des pèlerins, marches, remise de 1,8 millions de signatures). » Puis elle précise son objet social, dont deux points retiennent l’attention. Le premier, « la crise écologique nous engage à entendre le cri de la Terre qui gémit en travail d’enfantement (Rm 8,22) et à choisir, dans l’espérance, des modes de vie, prémices d’une création nouvelle réconciliée en Christ ». Et le deuxième qui fait la paire : « Nous avons conscience que c’est en nous convertissant ensemble que nous contribuerons à bâtir ce monde plus juste et écologique nécessaire à la survie de l’humanité. »
Une protestantisation œcuménique de l’Eglise en prime
Mine de rien, gentiment, avec rien que de bons sentiments et des citations de saint Paul détournées de leur objet, au nom du Christ, on oublie le salut de l’homme et on le remplace par le devoir de se mettre au service d’une révolution toute terrestre, pour un « monde plus juste et écologique ». Avec en prime une protestantisation des catholiques qui y travaillent. Le secrétaire général d’Eglise verte, Alexis Guerit, ancien éclaireur unioniste et salarié à la Fondation du Protestantisme, explique : « Nous sommes passés du stade de la tolérance au stade de la curiosité, puis finalement à l’action commune. » Il met en place un « œcuménisme de la cause » par la conversion à l’écologie, qu’il accompagne d’une « meilleure interconnaissance » des confessions catholique et protestante. Et d’avouer sans circonlocutions : « Lorsque je suis chargé du temps spirituel pour les membres d’Eglise verte, je m’attache à faire découvrir un texte de la pensée protestante. »
Pour la Révolution, la messe compte moins que l’éco-anxiété
Une autre animatrice protestante d’Eglise verte à Rennes, en même temps membre de Lutte et contemplation, trouve Laudato Si’ un peu envahissant et intègre dans ses communiqués des « citations du Conseil œcuménique des Eglises, qui a également produit des textes très forts sur l’écologie ». Cependant, comme le pape François y invite, elle s’est convertie à l’écologisme : « La crise écologique nous amène à changer notre regard sur la théologie occidentale. » Une chose essentielle est pour elle de ne pas se laisser étouffer par l’« éco-anxiété ». En comparaison, la présence réelle dans les cérémonies œcuméniques ne semble pas trop turlupiner une autre militante, la pasteure Caroline Ingrand : « La question de la messe s’est posée après coup lors de la première édition du festival des Poussières, en août 2023. (…) Finalement, l’hospitalité eucharistique a été demandée pour que les protestants puissent communier. » C’est aussi simple que ça !
La révolution arc-en-ciel contre la foi chrétienne
Anne Waeles-Amieux, agrégée de philo et journaliste indépendante (« spécialisée religions et politique, psychiatrie et santé mentale »), auteur de Trois histoires juives, est aussi responsable de la programmation spirituelle du festival des Poussières où se retrouvent ces militants de la conversion écologique. Elle a des problèmes de dosage : « Finalement, nous avons gardé la solution d’une messe la plus œcuménique possible, en considérant que notre public est encore majoritairement catholique. » Or, pour elle, il existe « une fâcheuse tendance à faire de l’œcuménisme à partir du catholicisme ». Tel quel, et sans complexe ! Les deux ou trois derniers naïfs qui mettaient dans le mouvement œcuménique l’espoir de ramener à la foi des frères séparés devraient comprendre leur erreur. Ce qui se dessine dans ce nuage d’associations et de communautés, c’est la prise du pouvoir par une bureaucratie qui n’a plus de chrétien et de catholique que le nom. On observera que, comme l’éducation nationale et la magistrature, cette bureaucratie d’Eglise se féminise à grand pas, il n’y a qu’à consulter les organigrammes de ces machins pour le vérifier. Pour paraphraser Aragon et Jean Ferrat, il semblerait que la femme soit l’avenir de la révolution arc-en-ciel.