Réuni les 23 et 24 mai à Varsovie, le Mouvement politique chrétien européen (ECPM en anglais) est un parti politique chrétien européen affilié au groupe Conservateurs et réformistes européens au parlement de Strasbourg. Créé en 2002 en Hongrie, d’obédience conservatrice et chrétienne, il regroupe plusieurs partis et organisations du continent dont le but est de faire revenir les valeurs chrétiennes dans le courant majoritaire politique (le « mainstream ») en Europe. « Christendom Mainstreaming », tel était le titre de la conférence de l’ECPM qui s’est tenue le 24 mai dernier dans les locaux de la Diète polonaise et à laquelle il m’a été donné d’assister.
Remettre la chrétienté (« Christendom ») dans le courant majoritaire, voilà donc la mission ardue que s’est donné l’EPCM qui compte des membres dans de nombreux pays mais, pour l’heure, seulement 6 députés au Parlement européen : deux Hollandais, un Allemand, un Slovaque et deux Polonais. C’est d’ailleurs l’un des deux eurodéputés polonais de l’EPCM, Marek Jurek, ancien maréchal (président) de la Diète, qui, à la tête de son parti chrétien Droite de la République (Prawica Rzeczypospolitej), très engagé dans la lutte pour le respect de la vie, accueillait cette année l’assemblée générale et la conférence du Mouvement politique chrétien européen.
Marek Jurek a posé le problème que veulent commencer à résoudre ces hommes et femmes politiques chrétiens : alors que l’on assiste en Europe, y compris au Parlement européen, à un rejet de nos valeurs chrétiennes, l’opinion publique chrétienne se tait. Un cas typique de cet état de choses, c’est le mariage en tant qu’union entre un homme et une femme remis en cause aujourd’hui à la fois par la gauche LGBT et l’islam polygame. Les pays qui cherchent à défendre ce qui a fait l’identité de l’Europe chrétienne sont systématiquement attaqués, à l’exemple de la Hongrie quand elle a adopté une nouvelle constitution en 2011 en y inscrivant la définition du mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme.
L’objectif du Mouvement politique chrétien européen (ECPM)
Pour faire revenir les valeurs chrétiennes dans le courant politique majoritaire, une coopération des milieux conservateurs est nécessaire au niveau européen, estime l’EPCM. Outre la défense de la famille, le droit des parents à décider de l’éducation de leurs enfants et le droit à la vie, ses membres de l’ECPM ont abordé à Varsovie leur vision de l’Union européenne. Une vision respectueuse des souverainetés, du principe de subsidiarité et des spécificités nationales, à l’opposé des propositions d’Europe à plusieurs vitesses : pour eux, l’idée de former un noyau dur sans l’Europe centrale et orientale est contraire au concept fondateur du processus d’intégration européenne.
Accessoirement, pour le vice-président du Front populaire biélorusse, également présent les 23-24 mai à Varsovie, la croyance de certains milieux de droite en Europe en un renouveau qui viendrait de la Russie est une illusion en raison des effets de la longue période bolchevique qui se font toujours sentir dans la société russe actuelle, comme on peut le voir par exemple avec le taux extrêmement élevé d’avortements.
Réintroduire les valeurs chrétiennes dans le courant politique majoritaire
La question de l’euro et des interdépendances entre créanciers et débiteurs créés par la monnaie unique a également été abordée par l’économiste britannique chrétien Michael Schluter. Il estime que les nations doivent pouvoir abandonner l’euro afin que la liberté soit préservée et que cette relation ne devienne pas une relation de maître à esclave. Et ce d’autant plus, a souligné l’économiste qui a travaillé par le passé pour la Banque mondiale, que le système bancaire de certains pays (Grèce, Italie, Portugal…) est en faillite et que l’euro avantage les pays du nord de l’Europe. Le transfert de richesse du Sud vers le Nord induit par l’euro se monte à environ 160 milliards d’euros par an, a-t-il affirmé.
Michael Schluter a également évoqué la question de l’éducation. Face aux écoles qui enseignent l’individualisme, les décideurs politiques chrétiens devraient réagir, estime-t-il.
Les hommes et femmes politiques chrétiens doivent se garder d’une approche sélective des valeurs chrétiennes non négociables
Le député slovaque Branislav Skripek a mis en évidence le problème de la domination d’une idéologie de nature socialiste en Europe : même les citoyens et les politiques qui se disent chrétiens votent comme s’ils étaient eux-mêmes athées et socialistes…
Le directeur de la Fondation politique Sallux a quant à lui regretté la manière de fonctionner de l’Union européenne aujourd’hui, qui encourage les divisions alors qu’il faudrait construire des ponts entre l’Ouest et l’Est et chercher à mieux se comprendre mutuellement.
C’est ensuite l’abbé Piotr Mazurkiewicz, ancien secrétaire général de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), qui a pris la parole. Dans son intervention, il a esquissé le rôle et l’attitude que doivent avoir les hommes et femmes politiques chrétiens, mettant en garde contre la tentation de faire sa propre sélection parmi les principes non négociables de l’Eglise. Il a reconnu cependant que le phénomène de sécularisation observable au sein de l’Eglise elle-même pouvait parfois brouiller le message.
L’abbé Mazurkiewicz a encore souligné la différence entre un Etat libéral-libertaire et un Etat de libertés, le libéralisme contemporain pouvant être totalitaire en ce qu’il s’ingère exagérément dans la vie privée et dans la famille, et en ce qu’il s’accompagne aujourd’hui d’un absolutisme parlementaire et judiciaire – et aussi d’une novlangue destinée à brider la pensée. Cette question de novlangue, très visible par exemple dans le domaine de l’avortement, doit inciter les hommes et femmes politiques chrétiens à faire attention de toujours appeler les choses par leur nom, a-t-il averti.
D’où vient ce totalitarisme démocratique de la société libérale-libertaire ? De l’absence de Dieu, a répondu l’ancien secrétaire général de la COMECE. Sans Dieu, l’idée directrice est que l’homme est naturellement bon, mais que cette bonté ne se révèle pour le moment que chez certaines élites qui considèrent donc qu’elles doivent imposer le bien, tel qu’elles le conçoivent, aux masses obscurantistes. Cette vision, apparue avec les Lumières, est aussi à la racine des conflits au sein de l’UE entre Ouest et Est, estime-t-il.
Même si c’était à la marge, la question de l’immigration-islamisation a elle aussi été évoquée, et le diagnostic des participants de cette conférence de l’ECPM, c’est que l’Europe peut disparaître si le christianisme n’en redevient pas le principal élément constitutif au troisième millénaire comme il l’a été au cours des deux premiers millénaires.