Saint Malo. Le splendide estuaire de la Rance entre Dinan et Saint Malo en Bretagne, est en train de mourir à petit feu. Une situation catastrophique que rien ne semble arrêter. Dans certains endroits de l’estuaire, la hauteur de vase déposée sur les fonds atteindrait plus de 4 mètres de hauteur, rendant la navigation périlleuse, voire dangereuse. C’est le cas de la zone du Pont Lessard et de l’Hyvet – l’écluse du châtelier près de Dinan (côtes d’Armor) – où des bateaux à voile et à moteur continuent de passer. Mais pour combien de temps encore ? A marée basse, il n’est désormais plus possible de passer dans cette zone. Plus grave, sur les bords de Rance, aux environs de Mordreuc par exemple, des promeneurs ou pêcheurs ont bien failli ne jamais revenir de leur promenade : tombés dans la vase et s’enfonçant doucement, ils n’ont dû leur sauvetage qu’à des témoins appelant en urgence l’aide du voisinage ou les pompiers.
Un barrage unique au monde.
Lorsque sa construction démarre en 1962, la presse et l’ensemble du monde politique affichent leur fierté de voir bientôt démarrer la première usine marémotrice au monde. Le barrage-route qui enjambe la Rance permet aux véhicules de passer d’une rive à l’autre, sur près de 750 mètres de longueur (Dinard / Saint Malo), mais il permet surtout à la France de produire de l’électricité pour un bassin de 250.000 habitants, en utilisant les courants montant et descendant, au moyen de 24 turbines. Une énergie renouvelable fantastique ! L’usine marémotrice produit en moyenne 550 Gwh/an d’électricité marine. En 2010, cela correspondait à 2,4 % de la consommation d’électricité en Bretagne.
Des maires avertissaient EDF… 9 ans avant la mise en service !
« Toutes nos plages de sable fin ont disparu… » Dans notre documentaire de près de 20 minutes, David Boixière, le maire de la commune de Pleudihen sur Rance dans les côtes d’Armor explique à RITV qu’en 1957 déjà, soit 9 ans avant la mise en service de l’usine marémotrice, « le conseil municipal de la commune émet un avis favorable pour la construction du barrage de la Rance, mais met en garde contre les risques de sédimentation liés à la fermeture de l’estuaire et demande dans sa délibération, qu’en cas de sédimentation accrue, EDF prenne en charge le coût de la gestion de ces sédiments ! »
C’est le mode de fonctionnement d’EDF qui est remis en cause.
Quelques années à peine, après la mise en service de l’usine – inaugurée par de Gaulle en 1966 – des élus et des riverains alertent EDF. Le mode de fonctionnement de l’usine provoque de graves dérèglements dans l’estuaire.
Au mois de mars 2024, l’association Rance environnement lançait une action en justice contre EDF.
Un reportage d’Armel Joubert des Ouches