En marge du Jubilé du Monde Educatif qui a eu lieu à Rome du 31 octobre au 2 novembre, le pape Léon XIV a publié une lettre apostolique intitulée « Disegnare nuove mappe di speranza », « Dessiner de nouvelles cartes d’espérance ». Ce texte veut redire les principes essentiels de l’éducation, et dessiner plus particulièrement la mission de l’école catholique, dans ce siècle qui évolue dans un environnement technologique différent.
Comme dans ses autres textes commentés sur RITV, il s’y veut dans la continuité de son prédécesseur François, usant d’un vocabulaire concerté qu’on a tendance à fuir tant il est usé par les instances mondialistes, de « l’inclusion » à « la justice sociale ». Mais il y montre aussi son souci des bases fondatrices, à savoir le rôle indispensable et indépassable des parents, premiers éducateurs de leurs enfants, n’en déplaise à l’ONU, ainsi que le primat de la Vérité, sans quoi toute éducation reste lettre morte… et tout Salut.
En rupture avec l’ONU, Léon XIV affirme que les parents sont les premiers responsables
C’est la première chose qu’a relevée le journaliste Alex Newman dans The New American : le pape Léon XIV a pris l’exact opposé du discours onusien en réaffirmant l’enseignement catholique traditionnel sur l’éducation, à savoir que « la famille est la première responsable de l’éducation des enfants – et non l’Etat ni même l’Eglise ! D’autres institutions, comme les écoles catholiques, peuvent et doivent apporter leur contribution », a déclaré le pontife, mais les parents sont irremplaçables : le devoir d’éducation religieuse, en particulier, « leur incombe avant tout », dit la lettre papale.
La position n’est pas nouvelle et a toujours été enseignée dans la Tradition catholique. Pour son prédécesseur Léon XIII, en particulier, la famille était considérée comme la cellule fondamentale et la plus importante de la société humaine, voulue par Dieu. Mais cette vérité méritait d’être réitérée, tant les projets des grandes institutions tentent de faire de l’Etat le nouveau remplaçant parental au sein des familles, le nouveau garant de la formation des jeunes esprits, de leurs réflexions, de leurs opinions et donc de leur liberté. Rien n’a beaucoup changé depuis Karl Marx qui écrivait dans son Manifeste du parti communiste : « L’éducation des enfants sera sous la responsabilité de l’Etat. »
En 2022, rappelle Alex Newman, un rapport de l’UNESCO intitulé « Suivi mondial de l’éducation » appelait les gouvernements à allouer des fonds publics aux écoles « privées » afin d’être en mesure d’imposer les normes, les programmes, les politiques du gouvernement. Ce document affirmait également que « l’Etat demeure le garant de l’éducation en tant que bien public », ce qui laisse pour le moins songeur. Tout doit pouvoir être contrôlé et canalisé, y compris et surtout l’instruction à domicile jugée trop libre : l’UNESCO lui a d’ailleurs consacré un rapport spécifique en septembre en pointant l’enseignement religieux parce qu’il aborde toutes les matières sous l’angle de la foi et qu’évidemment cela ne lui convient guère.
« L’école catholique est un lieu où (…) la vision chrétienne imprègne chaque discipline »
« L’école catholique est un lieu où (…) la vision chrétienne imprègne chaque discipline » : c’est précisément le principe que salue Léon XIV dans cette lettre ! Que la foi infuse tout l’enseignement, de quelque nature qu’il soit ! C’est le principe de l’éducation intégrale et sa nécessité est impérieuse, qui plus est face à des Etats laïcistes, porteurs de la Mauvaise Nouvelle. L’ONU a ses exigences ? La Vérité aussi, surtout la Vérité. Et le pape y revient, de manière salutaire, tant le relativisme a gangrené même l’Eglise.
Que promet une véritable éducation à un être humain qui n’est autre que l’image de Dieu ? « Le courage de la vérité et le baume de la consolation. » Et de citer saint John Henry Newman qu’il déclare tout en même temps saint patron de la mission éducative de l’Eglise au côté de saint Thomas d’Aquin : « La vérité religieuse n’est pas seulement une partie, mais une condition de la connaissance générale. » Voilà la véritable responsabilité intellectuelle de tout savoir. Ainsi, « l’éducation n’est pas seulement la transmission de connaissances, mais aussi l’apprentissage des vertus. Elle forme des citoyens capables de servir et des croyants capables de témoigner, des hommes et des femmes plus libres, qui ne sont plus seuls » (on pense derechef aux écoles catholiques françaises sous-contrat à qui on pourrait retirer la liberté de prier).
Nous gagnons une autre sphère en quelque sorte, comparé au « Pacte éducatif mondial » de 2019 de son prédécesseur, le pape François que Léon XIV soutient pourtant publiquement dans cette Lettre. François y avait appelé à la création d’un « village global » interreligieux et « universel » pour prendre en charge l’enseignement et apprendre aux enfants du monde entier à « prendre soin de la Terre ». Un Pacte qui ressemblait beaucoup plus aux pactes conçus par l’ONU et consorts…
L’éducation comme vecteur de vérité : « l’une des plus hautes expressions de la charité chrétienne »
Avec Léon XIV, on émerge un tant soit peu de cette logorrhée bien que la Lettre emploie certains mots rebattus comme « inclusion », « justice sociale et environnementale »… Lui aussi parle de « construire des ponts et non pas des murs ». Il écrit que « la Terre souffre » et que « ce sont les pauvres qui souffrent le plus ». Même si la charité comme la tempérance doivent toujours demeurer en action, c’est un vocabulaire trop utilisé par la rhétorique socialo-mondialiste pour qu’elle ne nous hérisse pas le poil.
Seulement, le pape désactive un peu ce « moulage » malvenu en citant nombre d’éducateurs catholiques qui n’ont pas attendu les objectifs de développement durable de l’ONU pour faire œuvre magnifique d’éducation multiforme chez les plus petits d’entre nous. De saint Joseph Calasanz à saint Jean Bosco en passant par saint Jean-Baptiste de La Salle, ces grands catholiques enseignants furent bien souvent les premiers à se tourner vers les pauvres pour leur offrir de la dignité par l’alphabétisation, et ce avant toutes les aspirations laïcistes de nos Républiques.
De même, aux sept axes du « Pacte » de François, Léon XIV déclare rajouter trois priorités dont les deux premières sont la vie intérieure et l’humain numérique. Et leur liaison n’est pas anodine, la systématisation excessive du second tuant la première. Le pape a déjà parlé à plusieurs reprises de l’intelligence artificielle et il y revient ici, appelant à placer la personne « avant l’algorithme ». « L’essentiel n’est pas la technologie, mais l’usage que nous en faisons » pose-t-il. Reste à savoir si l’IA est un « moyen » comme les autres… Le danger est véritablement celui de faire naître un monde essentiellement faux où la conscience même de l’existence de la vérité disparaîtrait et où pourrait régner sans opposition le Prince du mensonge. Le combat pour la Vérité se situe, aussi, là.











