EN+, société d’Oleg Deripaska, a levé un milliard de livres à la Bourse de Londres : de l’argent pour l’armement russe ?

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Le MI6, service de renseignement britannique, s’alarme des agissements de l’oligarque russe Oleg Deripaska, lié à l’industrie de l’armement, qui a pu lever 1 milliard de livres sur le London Stock Exchange (LSE) en toute quiétude par l’intermédiaire d’EN+, une entreprise du secteur de l’énergie. Les autorités sécuritaires britanniques, le MI6 comme le Conseil national de Sécurité, n’avaient pas été consultées par l’autorité boursière. Un haut fonctionnaire du renseignement a qualifié l’autorisation d’introduction en Bourse d’EN+ de « scandale », les agissements de l’armée russe inquiétant de plus en plus les dirigeants britanniques, en particulier dans le Nord européen.
 

Oleg Deripaska, très lié à Vladimir Poutine, possède aussi Rusal qui produit une poudre pour les missiles Buk

 
EN+, 11,9 milliards de dollars de chiffre d’affaire et un résultat net de 2,2 milliards, est contrôlée par Oleg Deripaska, l’un des hommes les plus riches de Russie et qui de surcroît est très lié au président Vladimir Poutine. Cette société possède aussi la moitié du capital de Rusal, géant russe de l’aluminium dont le président est aussi Deripaska, qui affichait jusqu’à récemment sur son site qu’elle avait à son catalogue une fine poudre de ce métal utilisée « pour la production d’équipements militaires ». Selon le Daily Telegraph, c’est ce type de poudre qui a été utilisé pour produire les missiles de type Buk. C’est l’un d’eux qui, selon les enquêteurs danois, a atteint en 2014 le vol MH17 au-dessus le d’Ukraine, faisant 298 morts.
 
Une autre partie du capital d’EN+ est par ailleurs propriété de VTB, une banque russe propriété de l’Etat frappée par les sanctions de l’Union européenne et des Etats-Unis, qui l’empêchent de lever des fonds en Europe. Mais cette interdiction ne s’étend par à EN+. Une source a confié au Daily Telegraph que de « sérieuses préoccupations » ont été émises sur « l’apparence incapacité de procéder à un examen sérieux des conséquences de l’introduction en Bourse d’EN+ pour la sécurité britannique ». Cette source ajoute qu’elles concernent la destination des fonds levés à Londres, « susceptibles d’être utilisés pour contourner les sanctions » ou pour « relancer le complexe militaro-industriel russe au moment où l’armée russe constitue une menace croissante pour les intérêts britanniques ».
 

EN+ et son milliard de livres à la Bourse de Londres

 
A la chambre des Communes, Sir Mike Penning, ancien ministre de la Défense, a présenté une série de questions sur l’introduction d’EN+ à la Bourse de Londres. II demande entre autres si les compagnies russes cotées au London Stock Exchange et qui fournissent de l’aluminium à la Russie « sont susceptibles de représenter une menace pour les intérêts nationaux et la sécurité du Royaume-Uni ». « La Russie est un ennemi », a-t-il affirmé, ajoutant : « Quand j’étais ministre de la Défense, c’est moi qu’on a appelé tôt le matin en raison du survol d’ours (avions) russes. Les sanctions ont été aussi prises pour cette raison. »
 
Les services de l’UK Listing Authority (UKLA), qui examine l’aptitude d’une société à être introduite en Bourse, a fait savoir que la décision d’autoriser cette introduction avait été approuvée par le Trésor, le ministère britannique des Finances.
 

Qui est responsable de l’introduction d’EN+ malgré les sanctions ? Trésor et FCA se renvoient la balle et des questions se posent sur l’armement russe

 
Le gouvernement et l’autorité des marchés se renvoient la balle. Un porte-parole de la Financial Conduct Authority (FCA), autorité indépendante des marchés qui supervise l’UKLA, a confirmé que le Trésor avait été consulté pour savoir si l’introduction d’EN+ enfreignait ou non les sanctions prises contre la Russie. « Dans ce cas particulier, nous avons consulté l’OFSI », l’Office of Financial Sanctions Implementation, qui assure le suivi de l’application des sanctions par le Royaume-Uni, a-t-il dit. « Nous n’avons été saisis d’aucune objection indiquant que l’introduction enfreindrait les textes européens sur les sanctions, EN+ et les autres entités concernées par la levée de fonds n’étant pas citées par eux ». Pour sa part, un porte-parole du Trésor a affirmé que l’OFSI « ne joue aucun rôle dans l’autorisation des introductions en bourse ».
 
Côté russe un porte-parole d’EN+ a affirmé que l’entreprise n’avait pas enfreint les sanctions et que « le premier objectif de l’introduction » consistait à « réduire la dette pour assurer le développement du groupe et assurer le paiement du dividende au profit de tous les actionnaires ». Dont Rusal.
 

Matthieu Lenoir