Myopie ? Elle est de plus en plus répandue dans le monde moderne et à ce désastre de santé publique qui se profile, s’ajoute la myopie figurée de ceux qui n’ont pas vu venir ce qui se voit si bien sous nos yeux. 10 % des êtres humains seront myopes sévères d’ici à 2050 (affichant une dioptrie de -6 ou pire), une situation qui comporte des risques graves de complications, voire de cécité. Ce sont les chiffres de l’OMS, qui vient confirmer au moins partiellement le Dr Donald Mutti, professeur d’optométrie de l’université de l’Ohio : « Tous les yeux myopes ne présentent pas des pathologies qui menacent la vue, mais c’est certainement vrai que la myopie augmente le risque de maladie oculaire » – et c’est en tant que telle qu’il faudrait la désigner, dit-il. Le décollement de la rétine fait ainsi partie des pathologies en question : la proportion de myopes subissant des opérations pour la corriger est ainsi passée de 10 % en 2022 à plus de 40 % en 2023 dans un hôpital britannique spécialisé dans l’ophtalmologie, et ce sont les plus jeunes qui sont de plus en plus nombreux dans cette catégorie. Les enfants apparaissent ainsi comme étant particulièrement exposés.
Et le mode de vie actuel est accusé d’être à l’origine du phénomène.
La myopie est liée à une élongation du globe oculaire qui déplace le point focal : moins gênante pour les jeunes dont les yeux sont plus élastiques, mais quand la détérioration du collagène dans l’œil réduit l’élasticité, avec le risque de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Celle-ci constitue aujourd’hui la principale cause de cécité en Chine – où la myopie frappe 80 à 90 % des habitants – parmi la population en âge de travailler, et de manière générale dans le monde les victimes sont de plus en plus jeunes alors que la maladie ne frappait que les personnes âgées de manière générale. Un tiers des grands myopes développe une DMLA, souligne un spécialiste de la myopie.
L’épidémie de myopie appelle des réponses
Pour Annegret Dahlmann-Noor, spécialiste et chercheuse principale d’une étude sur la myopie pédiatrique au Royaume-Uni, les enfants ne sont plus principalement myopes aujourd’hui en raison d’un facteur génétique, métabolique ou pathologique, comme c’était encore le cas naguère : « Aujourd’hui, en utilisant les mêmes tests qu’autrefois, nous trouvons des enfants qui n’ont pas d’autre affection. Ils sont seulement myopes, ce qui veut dire que la myopie tend à s’installer plus tôt. »
« Ce sont nos modes de vie qui ont changé de façon très radicale », assure ce médecin : d’une part, les enfants passent beaucoup moins de temps à la lumière du jour qu’il ne le faudrait, et ils passent trop de temps au travail « rapproché » : ils se concentrent sur des objets trop proches de leur visage et il en résulte que leurs globes oculaires sont comprimés et prennent une mauvaise forme dès un âge précoce – au moment, précisément, où les yeux sont en croissance. C’est le moment où la myopie s’installe.
La recommandation pour les enfants est qu’ils passent 20 secondes à fixer un objet lointain après 20 minutes de travail rapproché, et, plus important encore, qu’ils passent au moins deux heures dehors chaque jour. On pense qu’en Asie du sud-est la prévalence de la myopie parmi les jeunes est liée au système d’éducation hautement compétitif, qui finit par coller les enfants à leur travail scolaire et à leurs nombreux devoirs à la maison : à Singapour, les enfants passent passent souvent moins d’une demi-heure dehors par jour… et 80 % des adultes y sont myopes. A Taiwan, à l’inverse, les écoles ont mis en place des activités extérieures de 120 minutes par jour depuis 2010, et le taux de myopie est en baisse.
Les enfants exposés à la fois par le travail scolaire et par les écrans
Au travail scolaire s’ajoute évidemment le temps d’écran qui envahit de plus en plus les loisirs des jeunes : aux Pays-Bas le « bigleux » n’est plus l’enfant doué sur le plan scolaire qui sera pris à l’université, tandis que les « sans lunettes » étaient aussi les plus sportifs. « Cela a changé avec les jeunes nés après 2000. Tout le monde est sur son téléphone », assure le Dr Dahlmann-Noor : sans incriminer totalement les écrans, elle pense que si les jeunes n’avaient accès à un téléphone qu’à l’âge de 16 ou 17 ans, lorsque l’œil a atteint sa forme définitive, il y aurait moins d’effets négatifs. Mais la réalité, c’est que des petits enfants sont déjà équipés de smartphones clipsés à leur poussette pour qu’ils puissent regarder des dessins animés. Certaines études montrent déjà que l’utilisation précoce d’écrans double le risque de myopie à l’âge de 16 ou 17 ans – et entraîne par le fait le risque de cécité plus tard. En fait, tout « travail rapproché » produit cet effet : recopiage d’un texte, coloriage, jeu de Tetris ou vidéo TikTok, ce serait du pareil au même.
Mais tout cela n’a pas d’effet aussi grave, sinon pour les tout jeunes enfants, que le fait de ne pas aller jouer dehors (sans compter que cela empêche d’être sur écran). Aujourd’hui, on dispose de bien plus de divertissements à l’intérieur de sa maison et les parents hésitent davantage à laisser les enfants jouer dehors sans surveillance.
L’épidémie de myopie aggravée par les confinements
Le pire, finalement, aura été l’époque des confinements covid. Les enfants étaient bloqués chez eux et en outre, ils étaient contraints à suivre l’école par écran interposé. Les taux de myopie ont sensiblement augmenté pendant cette période – on évalue cette hausse à 42 % en Ecosse entre 2020 et 2023. A Hong Kong, les diagnostics de myopie ont doublé chez les 6-8 ans pendant la crise du covid ; on y a compté 25 % de myopes parmi les enfants de 6 ans et 26 % parmi les enfants de 8 ans.
Aujourd’hui, les patients ayant la quarantaine ou la cinquantaine ayant une DMLA se plaignent de ne pas avoir été avertis des risques lorsqu’ils étaient jeunes, selon le Dr Dahlmann-Noor.
Que diront les victimes de l’épidémie de maladies oculaires et de cécité lorsqu’ils comprendront que ce sont les pouvoirs publics eux-mêmes qui ont accéléré le désastre au moyen de la guerre aberrante contre la « pandémie du covid » ?
Pour les parents de jeunes enfants, un seul message à leur faire passer : « Allez, ouste ! allez jouer dehors. »