« L’Occident ne pourra contrôler le flux des migrants » : Erdogan augmente la pression

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Le président Erdogan, grand orateur.

 
Les pays d’Occident n’ont « aucune chance » de mettre fin à l’afflux de migrants depuis la Syrie vers les terres européennes, a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan mercredi lors d’une rencontre avec des administrateurs locaux dans son palais présidentiel, selon l’agence turque Anadolu. « Peu importe que l’Occident se conduise de manière rude, inhumaine ou sans scrupules, il ne pourra contrôler le flux des migrants », a-t-il dit, dans un discours qui relève davantage de la menace que du constat. Chez Erdogan le choix d’augmenter la pression sur l’Union européenne répond à une stratégie multiple : se rendre indispensable en tant que lieu de passage et donc de « stockage » de centaines de milliers de « réfugiés », obtenir l’accélération des négociations en vue d’entrer dans l’UE et celles visant à dispenser les Turcs de visa pour entrer dans l’espace Schengen d’ici à octobre, gérer le dossier kurde sur lequel la Turquie n’a jamais voulu lâcher d’un pouce, obtenir des fonds (trois milliards d’euros par an !) pour faire face aux frais engendrés par les migrants… Car en Turquie, on ne s’amuse pas à calculer leur « apport » à l’économie locale.
 
Surtout, la Turquie cherche à peser dans le conflit syrien. Aussi Erdogan a-t-il ajouté mercredi que la seule manière d’en finir avec le flux de migrants est de régler le problème de la Syrie dans le cadre d’un « consensus » dont la Turquie ferait partie. Première étape exigée par le président turc des Occidentaux : reconnaître que les organisations kurdes syriennes, le parti d’union démocratique PYD et les Unités de protection du peuple, YPG, sont des groupements terroristes.
 

Erdogan veut peser sur le règlement de la crise syrienne en mettant l’Europe sous pression

 
« Ce sont toutes deux des organisations du régime d’Assad », a-t-il déclaré, répétant que l’Occident devrait comprendre qu’il n’y a aucune différence entre le PYD, le PKK (le parti ouvrier kurde, communiste) et d’autres organisations comme l’Etat islamique.
 
S’adressant aux Etats-Unis, Erdogan les a accusés de trahir leurs alliés de l’OTAN, puisque la Turquie en fait partie et voit avec colère Obama préférer le soutien aux Kurdes plutôt qu’aux Turcs. Jouant de cet autre levier de puissance que lui donne son statut de membre de l’OTAN dans une région où l’Amérique en a besoin, Erdogan demande que les alliances soient nettes : « Nous savons que nous avons besoin d’amis. Mais si vous ne nous considérez pas comme des amis, merci alors de le dire haut et fort. »
 
De son côté, la Turquie entend continuer ses bombardements des Kurdes de Syrie, défiant les mises en garde exprimées par les pays occidentaux… mais aussi par la Russie. Une porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Russie, Maria Zakharova, dénonçait cet état de fait lundi en affirmant que son pays était prêt à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU, après que la Syrie s’en fut plainte.
 

L’Occident sous la pression du flux de migrants

 
La Turquie est dans la ligne de mire d’une belle part des acteurs directs et indirects de la crise syrienne, mais elle sait jouer du poids que lui donnent les « réfugiés », devenus monnaie d’échange. Mercredi, Erdogan n’a pas hésité à dire que la crise des migrants – qui a poussé plus d’un million d’extra-Européens vers l’UE l’an dernier, et pas seulement des Syriens ! – ne pourrait que s’aggraver.
 
« Dans ce processus où les oppresseurs et ceux qui soutiennent les peuples opprimés sont divisés, la Turquie est devenue la voix de la conscience globale », a-t-il osé. « La Turquie a donné une leçon d’humanité au monde entier en prenant soin de ses frères syriens sans la moindre discrimination relative à la religion, la langue, la secte ou l’ethnie ».
 
Et les bombardements turcs ? « La Turquie agit pour sa propre défense, tout ce qu’elle fait est donc légitime », a-t-il conclu. C’est simple !
 

Anne Dolhein