D’après des « sources sûres » citées dans le journal américain USA Today, l’emprise croissante de l’Etat islamique en Libye est sujet d’inquiétude pour beaucoup. L’Etat islamique s’est en effet implanté dans la ville de Syrte, à mi-chemin entre Tripoli et Benghazi. Cet ancien fief des forces loyalistes de Kadhafi où ce dernier mourut en 2011, tué par les rebelles, pourrait bien servir de QG à l’Etat islamique en vue de son expansion vers le sud et l’est de la Libye pour en « sécuriser » les ressources pétrolières.
Abandonnée de tous, la Libye constitue une proie de choix pour l’Etat islamique
Après avoir été l’objet de toutes les attentions, notamment de plusieurs sénateurs américains qui louaient l’action anti-terroriste du régime de Kadhafi à l’occasion de leur visite en 2009, la Libye a peu à peu été délaissée, pour des raisons qui varient selon les analyses.
Pour les uns, c’est la résolution de l’ONU autorisant une intervention militaire visant à stopper les massacres de la population perpétrés par le régime qui aurait déclenché la chute du soutien à la Libye. Pour les autres, ce serait le refus de Kadhafi de continuer à vendre le pétrole libyen en dollars américains, pour en exiger le paiement en dinars gagés sur l’or.
Quoi qu’il en soit, le résultat de ce détournement du chœur des nations occidentales aura été d’une part la guerre menée par une coalition européenne contre le régime du Kadhafi, et de l’autre le déclenchement d’une guerre civile qui a déjà fait des dizaines de milliers de victimes — ce que l’ONU disait vouloir éviter à tout prix. On a abouti à l’émergence d’une myriade de factions armées, de groupes terroristes ou de gangs mafieux luttant pour le pouvoir.
Autrefois tenue de main de fer, certes par un dictateur, la Libye s’est retrouvée en 2011 dans un état de terreur et de chaos propice à l’implantation d’organisations comme Al Qaïda, les Frères musulmans ou encore l’Etat islamique.
L’Etat islamique se renforce en Libye après le chaos
La stratégie de l’OTAN visant à renverser le dictateur honni ayant fonctionné, le concert des nations occidentales s’est réjoui de ce « Printemps arabe » censé apporter une nouvelle donne dans la région. C’était sans compter les multiples difficultés engendrées par ce chaos qui a laissé la société libyenne profondément divisée entre islamistes, libéraux, chefs de tribus, ethnies, loyalistes, nomades, factions régionales, etc.
De fait, cette mosaïque de population a difficilement pu constituer un gouvernement de coalition en raison de ses rivalités, ce qui a fourni aux Etats-Unis une excuse bien commode pour se retirer de la Libye depuis 2014, en arrêtant la formation qu’ils dispensaient aux forces militaires libyennes. La Libye était d’ailleurs considérée comme relevant de la responsabilité des Européens, plus que des Etats-Unis, comme le confiait Daniel Serwer, professeur à l’Ecole Johns Hopkins des Hautes Etudes Internationales et chercheur à l’Institut du Proche-Orient.
Tirer les leçons de l’après-Kadhafi
Le sort fait à la Libye et à son dirigeant est le même que celui infligé à l’Irak et à Saddam Hussein en leur temps. La stratégie appliquée à la Syrie n’est en rien différente, et elle subit en outre les conséquences des deux précédentes interventions.
Déposer un régime autoritaire ne sert de rien si aucune alternative viable n’est immédiatement applicable. Cette stratégie risque au contraire de faire le lit de l’Etat islamique partout où le chaos aura été semé par des actions irréfléchies.
Si les frappes aériennes russes détruisent avec succès la manne financière des puits de pétrole sous contrôle de l’Etat islamique en Syrie, l’on comprend alors mieux tout l’intérêt que cet Etat terroriste porte à la Libye.