Depuis le 11 septembre, les projets se succèdent toujours plus aux États-Unis et l’administration Trump, bien qu’elle en fustige les principes lorsqu’elle en est la victime, est partie prenante dans cette assise renforcée de l’état de surveillance. Un état qui a ses complices : là où il y a de l’argent, l’éthique n’a plus son mot à dire, si ce n’est dans quelques hémicycles, pour la beauté de la politique … ! Ainsi, c’est un financement fédéral qui a permis la mise en place d’une centaine de caméras de surveillance sur un réseau de transport en commun en Virginie.
Un financement bien évidemment assorti de conditions, auxquelles ont souscrit les autorités locales. Comme avec les GAFA, c’est du donnant donnant, les seuls lésés sont les Américains – dans leur vie de tous les jours, examinée et contrôlée à la loupe.
La prétendue « sécurité publique » cache une surveillance globale
En Virginie, la Greater Richmond Transit Company (GRTC) a récemment annoncé son intention d’installer plus de 100 caméras de surveillance sur l’extension de sa voie de transport rapide. De la surveillance en direct, reliée 24 heures sur 24 au centre municipal. Selon la station WTVR, ces caméras ont été requises par le gouvernement fédéral comme condition préalable à son financement qui couvrait la moitié de l’ensemble du projet.
Douze petits kilomètres d’une route d’autobus… Pas la peine d’en faire tout un plat, me direz-vous. Seulement, le signe est important. Selon le Tenth Amendment Center, « le gouvernement fédéral est en train d’utiliser le système de transport américain comme plate-forme pour créer un vaste réseau de surveillance (…) et développe des partenariats avec les gouvernements locaux et d’État, ainsi qu’avec des organisations privées, pour espionner des millions d’Américains. »
La GRTC a plaidé « un service client sûr et réactif pour tout besoin qui survient sur les plates-formes », ajoutant que ce sera bientôt standard partout. Mais les défenseurs de la vie privée se sont largement inquiétés. Bill Farrar, de l’Union américaine pour les libertés civiles, se refuse à penser que cela améliore vraiment la sécurité publique… Pour lui, cette surveillance élargie aux personnes respectueuses des lois, n’est pas tant un effet secondaire indésirable que l’objectif réel global du gouvernement, hypocritement estampillé « sécurité publique ».
« Une relation incestueuse » entre tous ces acteurs fédéraux, étatiques et locaux
Sur ce sujet, l’alliance de l’État fédéral et des autorités gouvernementales des États ne date pas d’hier. Un rapport 2010 du Bureau de la responsabilité du gouvernement américain intitulé « Partage de l’information sur les transports en commun » met en évidence le rôle de l’agence nationale américaine de sécurité dans les transports (TSA) et du Département de la Sécurité Intérieure (DHS) dans la création d’un réseau de surveillance géant et le partage des informations avec les différentes entités locales.
Ont même été créés et financés un certain nombre d’outils comme le Centre d’analyse et de partage de l’information sur les transports publics (PT-ISAC), que fait fonctionner une entreprise privée (IIT)…
TheNewAmerican évoque « une relation incestueuse » entre tous ces acteurs fédéraux, étatiques et locaux, organisations à but non lucratif et entreprises privées… Une chose est certaine : ils ont tous un intérêt direct dans cet état de surveillance en plein essor, qui risque de nous amener dans un mauvais roman qu’on aurait qualifié de dystopique il n’y pas si longtemps. L’État fédéral paye et paye bien : ses subventions sont rapidement addictives.
Les GAFA à l’affût
Ce qui frappe toujours plus, c’est l’hypocrisie avec laquelle ces acteurs mettent en scène leurs désaccords, leurs contentieux, cachent leurs contrats, et s’inventent aussi souvent de merveilleuses intentions sans les suivre en pratique.
Google, par exemple, vient de déclarer jeudi qu’il ne laisserait pas ses outils d’intelligence artificielle être utilisés dans des armes mortelles ou des outils de surveillance. Acclamations ! Sauf qu’il vient, tout penaud, de mettre à la poubelle, contraint par ses employés et l’opinion publique, un gigantesque projet baptisé Google Project Maven, programme militaire qui devait fournir au Pentagone, grâce à une flotte de drones autonomes munis de caméras et d’IA, un outil de surveillance en temps réel…
Le New York Times parle d’un budget de 15 millions de dollars qui aurait pu grimper à plus de 250 millions… ! Détail essentiel : le nom de Google ne devait pas être communiqué sans le consentement de la firme.
Non, l’argent n’a pas d’odeur. Du reste, dans ce qui n’était encore qu’un appel d’offres, d’autres GAFA étaient en lice, tels Amazon, IBM ou Microsoft. Ben voyons.
Un outil de pouvoir pour les États-Unis… mais aussi la Chine et les autres
Et puis quelle ironie, aussi, de voir Zuckerberg traîné au Congrès pour rendre des comptes du « vol » de données privées, dans le scandale Cambridge Analytica… Ce sont ces mêmes sénateurs qui ont renouvelé, en janvier dernier, la fameuse section 702 de la Loi sur la surveillance des renseignements étrangers de 2008 qui permet la surveillance sans mandat des Américains.
Trump lui-même, il l’avait déclaré en 2015, trouve normal qu’on collecte en masse et stocke des métadonnées téléphoniques (il vient d’ailleurs de signer un nouvel outil, le CLOUD Act). Et le nouveau procureur général Jeff Sessions ainsi que le directeur de la CIA, Mike Pompeo, ont toujours été contre les réformes de ces systèmes en place.
Chacun sait la valeur de ce trésor moderne que représentent les métadonnées. La connaissance apportée par la surveillance technologique permet le contrôle : un véritable soft power, utilisé aujourd’hui à destination des populations. Le coup des caméras (entre autres!) est d’ailleurs utilisé en force par la Chine. Communistes chinois et libéraux américains semblent donc parfaitement d’accord sur ce point. On prétendra que l’objectif n’est pas le même… Mais cela permet la même chose – c’est l’essentiel.