Les États-Unis et leurs OGM à la conquête des marchés africains

Les États-Unis et ses OGM à la conquête des marchés africains.
 
« Les États-Unis, premier producteur mondial de produits agricoles GM [génétiquement modifiés], cherchent de nouveaux marchés en Afrique » dit le tout récent rapport, publié en février, par la Fédération internationale des Amis de la Terre et commandé au Centre africain pour la biosécurité. A force d’avoir vu rejetés leurs OGM des autre marchés mondiaux, et en particulier de l’Europe, les États-Unis font le siège depuis une décennie et de manière de plus en plus agressive des prometteurs marchés africains. En « aidant » les pays à rédiger des lois sur la biosécurité qui favorisent les intérêts de l’agro-industrie et lâchent la bride aux OGM.
 

Frileux marchés africains

 
Aujourd’hui, seuls quatre pays africains, l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Burkina Faso et le Soudan, ont autorisé la plantation de cultures GM et, de façon générale, le commerce de produits GM reste compliqué et assez entravé. De plus, subsistent plusieurs interdictions et restrictions nationales, de l’Algérie au Zambie. Mais la plupart de ces pays n’ont pas encore de législation officielle dans ce domaine : c’est ce qui soutient la motivation étasunienne.
 
Le Protocole de Cartagena sur la biosécurité (PCB) avait été mis en place en 2000 sous l’égide des Nations-Unies, pour « veiller à l’utilisation, la manipulation et le transfert sans danger d’organismes génétiquement modifiés (OGM) qui risquent d’avoir des effets défavorables sur la santé humaine et la diversité biologique. »
 
Il avait été adopté par la majorité des pays africains. Mais ces derniers peinent à mettre en place des cadres sûrs d’application. Merveilleuse occasion d’intervenir pour les États-Unis « en proposant des fonds pour le renforcement des capacités juridiques et scientifiques »…
 
Le Dr Tewolde Egziabher, directeur du Groupe africain dans les négociations vers le Protocole de Cartagena, ne pratique pas la langue de bois : « Il serait difficile de trouver une forme de colonialisme plus efficace. »
 

Programmes et financements des États-Unis

 
Par quels moyens ? A travers des programmes financés par l’USAID, la principale agence américaine pour le développement, les États-Unis se sont infiltrés dans l’espace politique africain pour influencer en leur faveur les quelques législations adoptées en matière de biosécurité. En Afrique ou en Asie le programme US est le même : appliquer « des politiques favorables pour gouverner les importantes questions de la biosécurité, de la sécurité alimentaire, des droits de propriété intellectuelle et du transfert de technologie… pour que les pays aient accès à ces nouvelles technologies et commercialisent des produits biotechnologiques » (les leurs).
 
Sans oublier de « dénoncer » le « principe de précaution » anti-technologie que divulguent d’un bout à l’autre du monde en développement le Programme des Nation unies pour l’environnement et des organisations non gouvernementales.Les cultures GM sont l’avenir de l’Afrique. Ils présentent cette manipulation génétique comme essentielle pour combattre la faim. Leur implication serait même quasiment humanitaire…
 
Devant la lenteur et l’absence de réactivité des gouvernements, les États-Unis se sont aussi tournés vers des organismes commerciaux plus favorables à leur programme : les Communautés économiques régionales (CER) qui travaillent sur des accords préférentiels afin de faciliter les transactions. Les OGM y ont peu à peu leur place. Le maillage se resserre. Le rapport offre une mention spéciale à la Fondation Bill et Melinda Gates (BMGF), qui a investi des millions de dollars dans des projets de développement de produits agricoles GM et financé deux organisations d’importance cruciale qui sont devenues très influentes dans les sphères de décision régionales et nationales. A épingler en vitrine, les projets « philanthropiques » de la BMGF, comme le projet de Maïs économe en eau…
 

L’échec des OGM en Afrique

 
Le non-intérêt, voire l’échec des OGM en Afrique est pourtant facile à démontrer. Coûteuses mises en place, complexité d’entretien, maladies difficiles à contrôler en climat tropical, etc… avant même de parler des dangers pour la santé. Le rapport saisit l’exemple de l’Afrique du Sud dont quasi 90 % de la production de maïs est génétique : la sécurité alimentaire y diminue, le maïs a augmenté son prix et s’est appauvri en matière nutritive… un petit groupe s’est mis à diriger l’ensemble de la chaîne de production, des semences à la vente.
 
Globalement, l’Afrique reste un terrain difficile. Les leaders africains partagent les mises en garde du Protocole de Cartagena, qui reconnaissait les dangers potentiels à long terme des OGM pour la santé et l’environnement. Mais la pression américaine et les subsides qui en résultent peuvent changer la donne et ouvrir les marchés à l’agro-industrie étrangère, à l’investissement de ces grandes firmes comme Monsanto. Il existe pourtant une agro-écologie, qui n’est pas celle des OGM et viendrait à bout de la sécurité alimentaire en Afrique : celle des petits producteurs et des marchés locaux. Mais cette écologie-là n’a pas d’intérêt pour l’Amérique.