L’été des touristes pourri par les émeutes de juin

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En France, l’été touristique est un peu comme la température : il dépend du ressenti des uns et des autres. Les organismes officiels, tels le ministère du tourisme, Atout France ou ADN Tourisme sont enthousiastes : après des mois de mai et juin exceptionnels, le taux de réservation des hôtels en juillet (73,6 %) a été supérieur à celui de l’an dernier (70,3 %), les nuitées de camping sont elles aussi en hausse, et les chiffres d’août et septembre s’annoncent meilleurs. Mais les professionnels, eux, restent mitigés. D’une part, la pluie et le froid qui ont remplacé la canicule annoncée par les médias découragent le client dans bien des régions, et puis les résultats n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant le covid. En particulier les touristes étrangers boudent. Surtout les touristes asiatiques, que les émeutes du mois de juin ont dissuadés de venir chez nous.

 

Les touristes asiatiques boudent cet été

Les chiffres d’août ne sont pas encore disponibles, mais ceux de juillet parlent d’eux-mêmes : les touristes étrangers sont réticents à revenir en France. Les arrivées aériennes étaient de 975.000 en juillet 2019, elles ne sont plus que de 825.000 en juillet 2023, soit une baisse de plus de 15 %. Pourtant les Espagnols, les Canadiens et les Américains sont bien là. Par rapport à 2019, les arrivées aériennes en provenance de ces pays ont augmenté respectivement de 11,4 %, 20,6 %, et 5,9 %. Mais la baisse est vertigineuse pour les Coréens du Sud (- 27,7 %), les Japonais (- 46,6 %) et surtout les Chinois (- 67,3 %). Les tentatives d’explication officielles par une raréfaction des liaisons aériennes venues d’Asie ne rendent nullement compte d’un tel effondrement.

 

Paris pourri par la saleté et la violence

La réalité apparaît tout autre quand on consulte les données de l’Ile-de-France. Elles sont tendanciellement catastrophiques. Malgré un fort rebond en 2022 après 2020 et 2021, l’année 2022 a vu des résultats nettement inférieurs non seulement à 2019, mais à toutes les années depuis 2014, et cela tant par le nombre de séjours que par la consommation des touristes, évaluée en milliards d’euros. On sait que Paris, première destination touristique au monde, attire le touriste et fait l’essentiel de la fréquentation (avec Versailles et Eurodisney), mais est aussi dans le « top 10 » des villes jugées les plus décevantes par les touristes : 9e derrière Londres, 8e, et devant Tokyo, 10e. Ils se sentent « en danger, brusqués et harcelés » à Montmartre, et, à la gare du Nord ou à Pigalle, « tout est tagué, ça sent mauvais, ce n’est pas du tout romantique ». Les psys japonais ont même des cellules de suivi pour traiter les touristes nippons à la fois déçus par la distance entre leurs rêves et leur visite, et heurtés par la parole et le comportement des Français.

 

Ethniques ou pas, les émeutes effrayent les touristes

Mais cela fait partie des aléas du tourisme et un peu du folklore ; cela n’explique pas la chute brutale du tourisme asiatique. La vraie raison est la peur, l’insécurité profonde que ressentent les touristes asiatiques. En huit jours, les émeutes de la fin juin et du début juillet ont fait plus de dégâts et mobilisé plus de policiers, dans 544 communes, que trois semaines d’embrasement des banlieues en 2005. Ce printemps français, le ministre de l’Intérieur en a tenté une analyse ethnique en assurant qu’il y avait « beaucoup de Kevin et de Mattéo » parmi les casseurs, suggérant par là qu’il s’y trouvait moins de Mohamed et de Mamadou que les images ne le montraient, afin de dissocier émeutes et immigration. Mais quoi qu’il en soit, l’extrême violence des émeutes, le tableau d’une autorité débordée, ont eu sur les touristes asiatiques un effet d’autant plus dissuasif qu’ils se sont sentis des cibles prioritaires.

 

Les touristes asiatiques victimes du racisme ?

Paris poubelle est devenu Paris coupe-gorge pour eux. Il est arrivé plusieurs fois depuis 2017 que des touristes chinois se fassent attaquer soit dans leur bus, soit devant leur hôtel, à Paris, dans le Val d’Oise, ou devant l’aéroport de Roissy. Et les « jeunes » de banlieue s’attaquent souvent aux commerçants chinois ou vietnamiens soupçonnés d’être riches. Il y a parfois des morts, et la communauté asiatique, qui a perçu le racisme violent des jeunes racisés de banlieue, a menacé de se faire justice elle-même, si les autorités françaises n’étaient pas capables de maintenir l’ordre. Or le téléphone asiatique marche, et Paris est devenue une destination déconseillée pour la clientèle asiatique. Le désordre et l’insécurité racistes engendrés par le vivre-ensemble, dont les émeutes de juin ont donné une image hyperviolente, détruisent la réputation de la France, même pour les touristes les mieux intentionnés.

 

Pauline Mille