Dans une lettre ouverte au pape, très remarquée, publiée par le quotidien italien La Nuova Bussola Quotidiana, Ettore Gotti Tedeschi réagit à la tenue sous l’égide du Vatican d’un symposium sur le climat, où plusieurs invités, comme Jeffrey Sachs, partisans du contrôle mondial de la population, ont pu s’exprimer au nom de la lutte contre le « réchauffement climatique ». Jeanne Smits l’a traduite sur son blog. L’ancien président de l’IOR (Institut des Œuvres Religeuses, la banque du Vatican) y critique vivement l’idéologie néomalthusienne qui est à la racine de ce mouvement de décroissance de la population mondiale au nom du climat, et prévient – chose rare – que ce courant malthusien environnementaliste risque bien de « s’affirmer comme religion universelle dans un monde globalisé où coexistent différentes cultures religieuses ».
Ce dernier point, qui est aussi la conclusion de la lettre ouverte d’Ettore Gotti Tedeschi, est le plus important. Il montre qu’une personne qui a joué un rôle de tout premier plan au Vatican a perçu la nature religieuse, ou quasi religieuse, de l’écologisme, de l’« environnementalisme », pour qui la Planète, la Terre Mère justifie tous les sacrifices et se place au-dessus des besoins et du développement de l’homme. Panthéisme immanentiste, nouvelle spiritualité globale : chaque religion est priée de s’adapter et de se soumettre à ce nouvel « anti-dogme » qui ne souffre pas que l’on affirme la primauté de l’homme, et qui souffre encore moins que l’obéissance à Dieu créateur exige d’abord de rechercher son Royaume, de respecter toute vie humaine et de faire croître le nombre d’âmes « capables de Dieu » et appelées à la vie éternelle.
L’environnementalisme, nouvelle religion universelle, accuse Ettore Gotti Tedeschi
Ettore Gotti Tedeschi montre comment cette « religion universelle » a été servie par l’idéologie de la « croissance zéro » de la population, et il montre, en tant qu’économiste, quels sont ses dangers, spécialement en Occident où elle a « inspiré et forcé l’effondrement des naissances » – fortement aidée par la diffusion concomitante des moyens contraceptifs modernes, faudrait-il ajouter.
Il se place d’un point de vue moral : en limitant le nombre des naissances, et donc en empêchant la croissance économique qui va de pair avec la croissance démographique, cette idéologie a provoqué la mise en place d’une croissance maintenue par la consommation. En sacrifiant la générosité de l’accueil de la vie, elle a poussé à la dépense : à l’effondrement de l’épargne s’est ajoutée la constitution de dettes monumentales : « Dans une société mûre, avec une morale relativiste, nihiliste, il n’a pas été difficile de proposer à l’homme occidental, en tant que véritable et principale satisfaction, cette satisfaction matérielle et consumériste. »
Et pour que la consommation soit encore facilitée, explique Ettore Gotti-Tedeschi, on a délocalisé la production industrielle « vers des pays à bas coûts de main-d’œuvre ».
Les néomalthusiens ont poussé à la décroissance démographique, au mépris de l’environnement
Il y voit la raison de la « crise écologique » dont on parle aujourd’hui – une question qui mériterait bien des nuances, puisque le « réchauffement global » n’est pas avéré, et que la responsabilité humaine dans les « changements climatiques » est plus que douteuse.
Mais, chose intéressante, il montre comment le mouvement néomalthusien et consumériste a déplacé la production industrielle depuis des pays qui sont capable de produire « proprement » vers ces pays à bas coûts « qui n’étaient pas prêts pour les technologies qui protègent l’environnement ».
C’est au moins la dénonciation d’un mensonge et d’une illusion : ceux qui vident les pays d’Occident – et bien d’autres pays du monde – de leur richesse d’hommes au nom d’une écologie qui est si allègrement contredite dans la pratique.
« La croissance zéro de la population, souhaitée par les néo-malthusiens (deux enfants par couple), a ensuite provoqué le phénomène du vieillissement de la population, avec la croissance consécutive des coûts fixes, (santé et retraites), compensé par une croissance en proportion des taxes, qui ont entraîné une réduction des revenus, des investissements et la croissance de la dette », observe Ettore Gotti Tedeschi.
Augmenter la consommation au nom du climat ? Ettore Gotti Tedeschi met en garde…
Cela fait longtemps que ce banquier, partisan de la libre entreprise mais aussi d’un capitalisme respectueux de la morale sociale chrétienne, dénonce la mentalité contraceptive et « avortiste » qui pousse les pays vieillissants au bord du gouffre. Et au bout du compte, pourrait-on ajouter, vers la décroissance de la consommation elle-même.
Il ne met pas en évidence le caractère volontaire de cette paupérisation des pays d’Occident, développés et d’ancienne culture chrétienne ; cela mériterait d’être affirmé aussi, mais tel n’était pas le propos d’Ettore Gotti Tedeschi et peut-être n’en partage-t-il pas l’analyse.
On se souviendra que l’ancien président de l’IOR en a été débarqué en 2012, après que le conseil d’administration lui a refusé la confiance ; les poursuites engagées dans la foulée ont abouti à un non-lieu. Ettore Gotti Tedeschi estime que son éviction était liée à sa volonté de mettre davantage de transparence, comme l’y avait invité Benoît XVI, dans l’IOR, notamment en ce qui concernait les comptes non détenus par des institutions religieuses. En janvier dernier, il a publiquement interpellé le cardinal Pell dans le Catholic Herald pour l’inviter à rechercher les causes de cette éviction, ajoutant que la décision de Benoît XVI de le « réhabiliter totalement » n’a pas été mise en œuvre en raison de la démission de ce dernier en février 2013.
Volonté de transparence… En saura-t-on davantage un jour ? Mais peut-être le refus bien connu d’Ettore Gotti Tedeschi de s’aligner pleinement sur les nouveaux dogmes environnementalistes a-t-il aussi joué un rôle.