Europe : l’automutilation par le coût de l’énergie

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Le Telegraph de Londres publiait dimanche une réflexion sur le coût actuel de l’énergie au Royaume-Uni et plus globalement en Europe. Les prix prohibitifs en ce domaine, constate Nick Timothy, résultent d’un choix et constituent une forme d’automutilation. Il dénonce ce faisant le modèle de la mondialisation telle qu’elle a été imposée par les gouvernements occidentaux, ainsi que les politiques dites vertes qui ont déplacé la production industrielle depuis les pays aux normes environnementales plus élevées vers ceux qui en ont peu, voire pas du tout. L’effet de ces politiques est hélas évident. L’éditorial se borne à le constater, et à demander qu’on en change ; ne faudrait-il pas demander si ce suicide était voulu ?

Le premier exemple invoqué est celui des véhicules électriques. Un vaisseau chinois a accosté la semaine dernière aux Pays-Bas avec 7.000 voitures à bord, toutes « made in China » et toutes beaucoup moins chères que les produits équivalents fabriqués en Europe, moyennant notamment des subventions d’Etat et des prix de l’énergie largement inférieurs à ceux pratiqués ici.

« En Grande-Bretagne, la politique a délibérément fait augmenter le coût de l’énergie. Mais l’énergie chère rend les biens britanniques moins compétitifs », écrit le Telegraph, soulignant qu’ils se verront préférer la production de pays rivaux, à la législation sociale beaucoup moins favorable et aux « émissions carbone » bien supérieures.

 

L’automutilation de l’Europe : économique, sociale et géopolitique

L’« automutilation » qui en résulte touche aussi bien les domaines économique, social et géopolitique.

C’est un inversement total de tendance puisque, au cours des années 1980 et 1990, le Royaume-Uni bénéficiait des tarifs d’électricité industrielle parmi les moins chers des pays du G7. En 2010, l’électricité y coûtait 23 % plus cher que dans les autres économies avancées membres de l’Agence internationale de l’énergie ; ces cinq dernières années, le surcoût est monté à 53 %. C’est le cas dans la plupart des pays européens, mais comparé aux Etats-Unis et au Canada, le tarif est carrément trois fois plus élevé, et deux fois plus élevé qu’en Corée et en Nouvelle-Zélande.

La Chine est responsable de la 53 % de la consommation globale de charbon, et celui-ci sert à fabriquer 61 % de son électricité ; l’électricité industrielle y est quatre fois moins chère qu’au Royaume-Uni, les coûts salariaux ne sont pas comparables et l’industrie bénéficie de prêts très avantageux ainsi que d’acier bon marché : « Il est clair que cela n’a rien à voir avec le commerce libre et équitable. »

Pour Nick Timothy, il ne faut pas en accuser la Chine mais plutôt la prétendue « naïveté » occidentale : il fallait s’attendre à ce que la Chine contourne les règles et utilise le système à son propre avantage, mais « pendant des années les gouvernements occidentaux ont fermé les yeux pendant qu’elle volait des secrets industriels, subventionné des secteurs entiers et faisait le dumping de ses surplus ».

 

La Chine profite du bas coût de son énergie

Le résultat ? La Chine a acquis des forces qui lui permettent aujourd’hui « de soutenir la Russie en Ukraine, de saper les institutions internationales comme l’OMS, de corrompre et de piéger des gouvernements étrangers, de menacer Taïwan et même l’Inde, et de faire progresser la confrontation avec l’Amérique dans le Pacifique », et ce tout en affaiblissement notre propre industrie.

Au Royaume-Uni, on compte aujourd’hui moins d’emplois à rémunération et qualification moyenne que jadis. Ayant constaté cela et parmi d’autres conseils, l’éditorialiste conclut : « Nous devons devenir réalistes au sujet du commerce. Il est temps de mettre à la poubelle le dogme de la mondialisation et du libre-échange et de retourner à la vraie vie. A défaut de quoi, le déclin économique et l’instabilité politique nous attendent. »

Voilà des décennies que cela dure. Nous va-t-on faire croire que personne ne l’avait compris ?

 

Anne Dolhein