Andorre, principauté pyrénéenne coincée entre l’Espagne et la France, présente la particularité qui n’a pas changé depuis le Moyen Age d’être dirigée par deux co-princes, l’évêque d’Urgell en Catalogne et le président de la République française. Cette haute vallée entourée de montagnes s’accommode ordinairement fort bien de cette bicéphalité, vivant de tourisme hivernal et de son statut de paradis fiscal. Mais c’est aussi une démocratie parlementaire, avec une assemblée, le Conseil général, et un Premier ministre, Xavier Espot-Zamora. C’est un magistrat (il a travaillé à Toulouse et à Barcelone), libéral à la tête d’une coalition formée avec les « citoyens engagés » – il faut entendre progressiste. Pour cette raison il est naturellement décidé à des réformes sociétales – dont la dépénalisation de l’avortement, et même l’aide à l’avortement, ce qui n’a rien pour déplaire à son premier co-prince, Emmanuel Macron, mais pose un problème à l’autre, l’évêque d’Urgell. L’équilibre institutionnel d’Andorre menace d’exploser.
L’évêque d’Urgell et Macron co-princes d’Andorre
Xavier Espot, Premier ministre d’Andorre, est un des rares humains qui peut arborer à son veston les insignes de Grand-Croix de l’Ordre de Charlemagne, et de Commandeur de la Légion d’honneur à la fois. Charlemagne est le grand homme du coin, il a créé la principauté d’Andorre, qui vit depuis 1288 sous le système des deux co-princes, l’évêque d’Urgell, et, à l’époque, le comte de Foix, dont les droits sont passés au roi de Navarre, puis de France sous Henri IV, puis à Emmanuel Macron. L’hymne national est toujours El Gran Carlemany, et la devise Virtus Unita Fortior, on ferait bien d’en prendre de la graine. Dans une telle atmosphère, le droit andorran est resté plein de bon sens en matière de mœurs et de vie, et l’avortement y est illégal, les médecins qui le pratiquent risquant de trois à cinq ans de prison.
L’avortement va-t-il faire exploser « l’équilibre institutionnel » ?
En bon modéré de coalition, Espot a trouvé une solution pour montrer au Conseil de l’Europe, dont Andorre fait partie, que la principauté se met au goût de l’humanisme progressiste, sans cependant trop choquer l’électeur de base : une loi sur le point d’être votée prévoit « un système qui permette de dépénaliser l’IVG même si l’avortement ne peut être pratiqué sur le territoire andorran ». Plus de prison, évidemment, et un soutien médical et financier d’Andorre aux femmes qui se feront avorter en France ou en Espagne. Le Premier ministre s’est engagé à faire passer la chose d’ici à 2027 et le vote est imminent. L’évêque d’Urgell, en sa qualité de co-prince, va devoir la signer. Or, que ce soit à l’étranger ou sur le sol d’Andorre, l’avortement est un meurtre d’enfant à naître, que ne permet pas l’Eglise catholique. Le Secrétaire d’Etat Pietro Parolin suit l’affaire au Vatican pour rechercher « un équilibre institutionnel ». Mais quel équilibre trouver entre la vie et la mort, le licite et le criminel ? Deux évêques dans le monde sont chefs d’Etat : le pape au Vatican et l’évêque d’Urgell en Andorre : va-t-il promulguer une loi subventionnant l’avortement ? Ou la vieille institution va-t-elle exploser ?