La Phrase : « Malheur aux peuples dont les princes sont des enfants »

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Dans son tweet commentant la nomination de Gabriel Attal à Matignon, Jean-Luc Mélenchon a cité approximativement une phrase de l’Ecclésiaste, que le lecteur français connaît mieux sous la forme qui a donné le titre d’une pièce de Montherlant : « Malheur à la ville dont le prince est un enfant. » Devant la normalisation de Marine Le Pen, Mélenchon s’est donné pour tâche de remplacer son père, amateurs de formules et d’humanités classiques. Quant à la citation, la Vulgate écrit (chapitre X, verset 16) : « Vae tibi terra, cujus rex puer est, et cujus principes mane comedent », que l’abbé Lomais (La Sainte Bible, Lethielleux, Paris, 1895), s’appuyant sur l’hébreu, traduit ainsi : « Malheur à toi, terre, dont le roi est un esclave et dont les chefs mangent dès le matin. » Il explique en note sa traduction : saint Jérôme a transcrit par le latin puer l’hébreu nahar, qui signifie non seulement enfant mais serviteur. Et de relever au verset suivant la présence de l’expression fils de race noble, avec qui puer forme une antithèse manifeste : on doit donc opter pour la traduction « esclave ». La citation de l’Ecclésiaste prend ainsi une force supplémentaire : Malheur à la France gouvernée par un serviteur, serviteur d’une caste et d’un projet qui ne représentent ni l’intérêt de la nation, ni son identité chrétienne. Cependant, en harmonique de ce sens dominant, le côté enfant du nouveau Premier ministre compte aussi, et l’ambiguïté des mots hébreu et latin est supérieure à la simplicité française. A moins qu’on ne tente une traduction que suggère par exemple Pétrone en son Satiricon, qui recolle esclave et enfant, et colle aux mœurs contemporaines : « giton ». Les mots « dont les princes mangent dès le matin » ne sont pas sans intérêt non plus : les serviteurs qui nous gouvernent n’ont pas pour premier souci la justice et la prospérité du peuple, mais leur propre personne, qu’ils servent en premier, dès le matin.