L’actualité n’est pas qu’un tas de mauvaises nouvelles. La conférence épiscopale des Etats-Unis (USCCB) tient la question de l’avortement pour « une priorité prééminente » et appelle ses fidèles catholiques à « voter pour des candidats qui défendront la vie et la dignité de la personne humaine ». Alors que l’Eglise se prépare à célébrer le Mois du Respect de la vie en octobre, le président de la commission des activités pro-vie de la USCCB, Michael F. Burbidge, a autorisé les évêques à renouveler l’engagement de la Conférence « à travailler pour la protection légale de toute vie humaine, de la conception à la mort naturelle ». Cette position d’une clarté parfaite tranche sur certaines situations aux Etats-Unis : le président Joe Biden, officiellement catholique, est pro-avortement. Elle contraste aussi avec les déclarations mi-chèvre mi-chou des évêques français.
Pourquoi les Américains doivent voter contre l’avortement
Le communiqué de Mgr Burbidge continue avec la plus grande limpidité : « Nous devons appeler à des politiques qui aident les femmes et leurs enfants dans le besoin, tout en continuant à aider nous-mêmes dans nos communautés dans les centres d’aide à la grossesse. (…) Plus important, nous devons nous consacrer à nouveau à la prière pour la vie. » Tout en reconnaissant que l’abrogation par la Cour suprême américaine de l’arrêt Roe contre Wade, jugement qui établissait un « droit » à l’avortement, incite à l’optimisme dans le combat contre l’avortement, l’évêque a mis les catholiques en garde contre les effets pervers de « quarante ans d’avortement pratiquement illimité » sur les Américains. « Les Américains s’accommodent d’un certain nombre d’avortements. Cela permet à l’industrie de l’avortement de continuer. » Et de rappeler aux catholiques leur devoir de défendre les plus faibles.
Simone Veil approuvait la « souplesse » des évêques de France
En France, beaucoup d’évêques ont eu, sous couleur de pastorale, des positions moins claires et variables. Simone Veil, qui a rendu par sa loi l’avortement légal en France, a salué dans son autobiographie la souplesse compréhensive de l’épiscopat français, qu’elle oppose aux « réactionnaires » et à « l’extrême droite » de l’époque. En mars 2024, la conférence épiscopale de France a tout de même exprimé sa « tristesse » devant la constitutionnalisation de l’avortement votée par le Congrès à l’initiative d’Emmanuel Macron et rappelé que « l’avortement, qui demeure une atteinte à la vie en son commencement, ne peut être vu sous le seul angle du droit des femmes ». Et d’ajouter, avec le style qui est le sien : « Comme catholiques, nous aurons toujours à rester des serviteurs de la vie de tous et de chacun, de la conception à la mort. Prions surtout pour que nos concitoyens retrouvent le goût de la vie, de la donner, de la recevoir, de l’accompagner, d’avoir et d’élever des enfants. » Cela va plutôt dans le bon sens, mais avec tant de mollesse : « L’avortement, qui demeure une atteinte à la vie. (…) Prions surtout pour que nos concitoyens retrouvent le goût de la vie ! »
François et les catholiques contre l’avortement
Il faut dire que Rome ne montre pas l’exemple de la netteté. Sans doute François semble-t-il plus orthodoxe sur le respect de la vie que sur d’autres points et a-t-il laissé le chargé de communication du Vatican constater le 6 février que « l’avortement est un meurtre ». Et sans doute a-t-il approuvé le 8 avril la déclaration Dignitas infinita qui condamne l’avortement, la théorie du genre, la PMA, l’euthanasie. Et sans doute François combat-il sans faille l’avortement, « faux droit » selon lui. Il a même, pour se faire comprendre et par goût de la provocation, comparé l’avortement à un « contrat » mafieux : « Est-il licite d’éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il licite d’embaucher un tueur à gages pour résoudre un problème ? » Mais il a donné la communion à Joe Biden, qui ne s’est pas repenti de soutenir l’avortement. Quel est donc le fond de sa pensée ? Il l’a exprimée à plusieurs reprises depuis 2013, et peut-être de la façon la plus simple en mai 2019.
L’avortement contraire aux droits de l’homme
Après avoir usé de sa comparaison provocatrice, il ajoutait : « N’allez pas sur le religieux pour quelque chose qui regarde l’humain. Aucun être humain ne peut être considéré comme incompatible avec la vie. » Les deux phrases sont capitales : la deuxième fonde l’interdiction de l’avortement, la première dit sur quoi elle se fonde : l’humain, les droits humains. Et la lecture de Dignitas infinita, document difficile dont la rédaction a duré cinq ans, explicite longuement cette conviction du pape. L’avortement y est énuméré dans une longue liste d’atteintes à la dignité humaine. Or, Dignitas Infinita rappelle que, pour François, « dans la culture moderne, la référence la plus proche au principe de la dignité́ inaliénable de la personne est la Déclaration universelle des droits de l’homme ». Et, il l’avait affirmé dès 2013, tout acte qui lèse « les droits humains », dont l’avortement, blesse cette dignité. C’est donc en tant qu’atteinte aux droits de l’homme que l’avortement est condamné. Même si ce n’était qu’une habileté apologétique (et la lecture de Dignitas Infinita n’incline pas à le penser), cela ôte de la force et de la justesse à l’interdiction, d’autant que le pape François a donné la communion à un pécheur public non repenti. La déclaration des évêques américains est bien préférable.