Le cimentier Lafarge, menacé par Daech en Syrie, lui a payé tribut pour continuer ses affaires. Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, a été entendu. Il ignorait tout. Comme pour le sang contaminé et le Rainbow Warior. C’est un innocent éternel et professionnel.
Le temps passe. Il a grossi. Il a vieilli. Il était très comme il faut, le bon jeune homme Fabius venu de Janson de Sailly, frais pondu de Normale et l’ENA, quand, bombe sur la tête, il concourait pour l’émission La tête et les jambes (de cheval) tout en hésitant entre Giscard et Mitterrand. Quand il devint premier ministre à 37 ans, en 1984, beaucoup de Françaises se déclarèrent avides de passer une soirée avec lui. C’est vieux, tout ça. Le voilà maintenant entendu comme témoin par deux juges dans l’affaire Lafarge, le cimentier étant accusé de « financement d’une entreprise terroriste ». La question est : que savait l’ancien premier ministre, ancien président de l’assemblée nationale, ancien ministre des affaires étrangères et actuel président du conseil constitutionnel, des agissements de Lafarge ?
Fabius ignorait tout de Lafarge en Syrie
La réponse est courte, simple, et habituelle : rien. Laurent Fabius ignorait tout. Plusieurs de ses collaborateurs suivaient pourtant le dossier de l’entreprise Lafarge, qui craignait pour sa sécurité, et qui était une pomme de discorde entre Paris et Washington, mais l’affaire ne lui est « pas remontée ». Impossible même de dire s’il savait que Lafarge avait une usine en Syrie, il n’en garde « aucun souvenir précis ». L’ambassadeur de France, sous les ordres de Fabius, encourageait Lafarge à « tenir ». Et Fabius lui-même a reconnu avoir rencontré « quatre ou cinq fois » Bruno Lafont, l’ancien PDG de Lafarge, mais c’était « au moment de la préparation de la COP21 ». Ils ont dû parler environnement. D’ailleurs, Fabius a un argument dirimant. Comment un ministre « totalement engagé contre le terrorisme » aurait-il pu tolérer le financement de Daech ? Voilà qui est convainquant, venant d’un soutien de Pravy Sektor en Ukraine et d’un homme qui affirma publiquement qu’Al Nosra faisait « du bon boulot ».
Quelle que soit l’affaire, Fabius est un éternel innocent
Laurent Fabius nie vieux comme il niait jeune. Il fuit ses responsabilités. Feu le dessinateur Jacques Faizan, qui avait du mal à attraper les ressemblances, se servait d’un accessoire pour le caractériser : le parapluie qu’il ouvrait éternellement. Dans la terrible affaire du sang contaminé, son ministre de la santé Georgina Dufoix se considérait comme « responsable mais pas coupable » : lui se jugea parfait. Dans le dynamitage du Rainbow Warrior en Nouvelle Zélande, il se désolidarisa de la Défense et des services, assurant encore une fois qu’il ne savait rien.
Admettons, par hypothèse, qu’il dise vrai, qu’il ait tout ignoré. Alors, c’est pire. Un ministre des affaires étrangères, un premier ministre, qui ne sait jamais rien, c’est un éternel incompétent, donc un criminel. C’est dans la mesure où il serait innocent qu’il est le plus coupable. Il n’aura été, sa carrière durant, qu’un apparatchik catastrophique de la république, inutile au mouillage, dangereux à la mer, nocif aux affaires (c’est lui qui mena la politique hystérique anti-Syrie qui fit les beaux jours de Daech). Plus grave, la république l’a toujours couvert : là est le scandale, un scandale d’Etat autrement plus grave que l’affaire Benalla.