Pour avoir renvoyé, supposément sur ordre du pape ou du moins avec son aval, de la manière la plus sèche et la plus arbitraire une religieuse de la Communauté des Dominicaines du Saint-Esprit, sœur Maire Ferréol, née Sabine de La Valette, le cardinal Ouellet a été condamné à l’indemniser par le tribunal civil de Lorient, solidairement avec la Communauté des nonnes. La Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège a dénoncé ce jugement par une note verbale, regrettant une « grave violation » de la liberté de religion. Dans le Monde, François Sureau, avocat et académicien, a déploré à son tour la « charia romaine » que défendrait ainsi le pape. Il semble que celui-ci, très féru de diplomatie complexe, ait été piégé par sa propre subtilité, et qu’il ne se soit pas avisé qu’à force d’ouverture au monde, l’Eglise a accepté de se soumettre au droit commun, c’est-à-dire, en France, à la laïcité. La séparation du spirituel et du temporel suppose de respecter la législation sociale : ce n’est pas Emile Combes, c’est le Christ qui demande de rendre à César ce qui est à César.
Le cardinal Ouellet partial dans l’affaire Ferréol
Dans l’affaire, aux multiples ramifications, il existe notamment une mésentente entre sœur Marie Ferréol et l’une de ses consœurs. Des témoignages sont suscités, une visite apostolique est décidée par le cardinal Ouellet qui se dit mandaté par le pape ; au terme de celle-ci sœur Marie Ferréol, 57 ans, est radiée, sans ménagement, et sans moyen de vivre, au bout de trente-quatre ans de vie religieuse. Elle finit par porter l’affaire devant le tribunal de Lorient, et le cardinal Ouellet, dont le mandat écrit n’a pas été produit à l’audience, est condamné, pour « abus de droit » et « absence d’impartialité » dans ce renvoi « infamant et vexatoire », à plus de 120.000 euros d’indemnités. Le tribunal s’étonne que le prélat « ne se soit pas récusé, en sa qualité d’ami proche d’une des sœurs, Marie de l’Assomption, dont les positions étaient “notoirement opposées” à celles de sœur Marie Ferréol », et à laquelle elle vouait une véritable « inimitié ». En toute charité chrétienne.
Un pape mondain empêtré dans la laïcité
Etrange destin que celui du pape François. Lui qui se veut le champion de l’ouverture au monde et de la composition avec le pouvoir temporel, comme on a pu le voir en Chine où il a cédé aux exigences du parti communiste au point de désespérer plus d’un fidèle et de laisser infiltrer le clergé par le pouvoir, a laissé rédiger par la Secrétairerie d’Etat une réaction au jugement du tribunal de Lorient qui relève d’une rigidité de mollah. En effet, sans se prononcer sur les affaires internes de l’Eglise, il est naturel que le juge se demande si l’expulsion d’une religieuse se fait dans les formes et ne lèse pas ses droits sociaux. Ou alors, il faudrait que le pape (comme le Vatican), revienne sur toute ouverture au monde et revendique un droit antérieur à la laïcité, comme au temps des exemptions. Mais il se mettrait gravement en contradiction avec lui-même. Cela dit, ce ne serait pas la première fois : on l’a vu en effet à propos de Fiducia Supplicans ne prévenir personne de sa décision et nier ainsi dans les faits les principes et les us d’une synodalité dont il vante ailleurs les mérites. En somme, il montre dans le gouvernement de l’Eglise comme dans ses rapports avec les pouvoirs temporels un goût très prononcé pour l’autocratie et l’arbitraire, imité en cela par ses subordonnés.