L’Homme du Peuple propose, de manière parfaitement avouée et revendiquée, de rendre hommage à Lech Walesa, héros de la lutte anticommuniste en Pologne dans les années 1980, dans le cadre du syndicat indépendant Solidarnosc (1980-1990). Le réalisateur Wajda assume parfaitement ses intentions, réalise une hagiographie. Or, il sait ne pas rendre insupportable l’éloge du héros, cas trop fréquent dans ce type d’exercice. Lech Walesa conserve toute sa dimension humaine, avec son amour pour sa femme, ses nombreux enfants, ses doutes, parfois ses craintes. C’est en effet un intuitif remarquable, doué de ses mains, pas grand lecteur, qui a senti paradoxalement mieux les choses que tant d’intellectuels dans les années 1980. Il a effectivement fait preuve d’un courage impressionnant, et d’un grand sens tactique dans le combat syndical et politique, demandant beaucoup, mais cherchant à ne pas provoquer inutilement le pouvoir, avec la peur de la répression sanglante générale, possible jusqu’en 1989.
L’Homme du Peuple, catholique et patriote
L’Homme du Peuple, à travers un montage complexe, fantaisie dont Wajda aurait pu se dispenser, trace une fresque remarquable de la Pologne des années 1970-80, et de l’horreur communiste au quotidien, évidemment particulièrement centrée sur le port de Gdansk et ses fameux chantiers navals. Il se concentre sur les années indiscutablement héroïques et impressionnantes de Lech Walesa, de l’anonymat à la célébrité, nationale et internationale. Les reconstitutions de l’époque et de son esprit, dans tous les camps, y compris le régime, convainquent. Le public qui n’éprouve nulle sympathie pour le communisme adhère donc. Le réalisateur évite d’évoquer la présidence de la république de Pologne ultérieure du personnage (1990-1995), ou son statut d’observateur politique engagé par la suite, partisan des libéraux contre les conservateurs, plus discutable. Il reste qu’une tranche essentielle de la vie d’un incontestable héros de la lutte anticommuniste, motivée par un patriotisme polonais et une foi catholique exemplaires, constitue un spectacle trop rare sur les écrans français.