L’ombre des femmes avait tout pour inquiéter de prime abord : un film français actuel, traitant de l’adultère d’un mari et de sa femme, et ayant pour actrice principale Clotilde Coureau, princesse de Savoie, mais que n’ont jamais effrayé, dans le passé, les scènes audacieuses. Le noir et blanc, choix rarissime de nos jours, pouvait également faire craindre une tentation d’intellectualisme. Et malgré un certain charme qui opère d’emblée, plusieurs pistes majeures ouvertes en début de film provoquent l’inquiétude : un hommage rendu à un résistant communiste, un amant nord-africain ; la lourde leçon « civique » habituelle n’a pas semblé loin.
L’ombre des femmes : un spectacle remarquable
Eh bien non. Autant de fausses pistes, habilement déconstruites au cours du film. L’ombre des femmes sait donc surprendre, constamment, à la fois dans le traitement et dans l’intrigue. Il réussit à instiller un véritable suspens quant au sort final du couple en péril. L’hommage appuyé dans les images au meilleur de la nouvelle vague enchante. Les plans s’avèrent très travaillés, véritables modèles pour école de cinéma. L’adultère détruit complètement le couple, vérité évidente qu’il est bon pourtant de rappeler.
L’ombre des femmes se distingue aussi par le portrait d’un homme absolument odieux, mari et amant cruel, d’une méchanceté rare, et ce sans aucune violence physique. Stanislas Mehrar, acteur à la carrière déjà longue mais peu connu, interprète remarquablement bien ce rôle difficile. Lena Paugam, véritable découverte, diffuse aussi un charme triste et particulier dans son rôle d’amante,. Enfin, le décor parisien, intérieur comme extérieur –appartements, cafés, rues et boulevards du Xème arrondissement principalement – est mis en valeur avec talent. La très belle église Saint-Vincent-de-Paul, sommet de l’art religieux du XIXème siècle, fait une apparition trop rare à l’écran.
Dans toutes ses dimensions, L’ombre des femmes s’avère donc un spectacle remarquable pour cinéphile.