DRAME HISTORIQUE Suite française ♠


 
Suite française intéressait a priori. Le film se voulait l’adaptation de la dernière œuvre posthume d’Irène Némirovsky, Prix Renaudot 2004, comportant deux livres. Cette fresque ambitionnée et jamais achevée traite de l’Exode de juin 1940, et de l’Occupation sous la forme de celle d’une petite ville imaginaire du Centre de la France. Mme Irène Némirovsky, Juive russe réfugiée après 1917 en France, n’aimait pas l’Allemagne nationale-socialiste, farouchement antijuive, ni le Gouvernement de Vichy et son statut des Juifs (octobre 1940), ce qui se comprend parfaitement. Elle avait fait des efforts d’assimilation, en se convertissant ainsi que son mari de même origine au Catholicisme, en élevant dans le Catholicisme ses deux enfants. Elle avait écrit des romans, aujourd’hui oubliés, qui avaient eu quelque succès dans les années 1930. Mais, il faut rendre hommage à son talent, le roman Suite française n’est pas un simple pamphlet politique dénué d’intérêt littéraire, ou de nuances, dans le traitement des personnages.
 
Le film a bénéficié d’un effort de reconstitution sérieuse des décors, des intérieurs paysans aux uniformes et chars de la Wehrmacht. Par contre, il massacre le roman. On ne lui reprochera pas de pratiquer l’art de la transposition en soi, inévitable, ou de se concentrer sur la deuxième partie de la Suite française, Dolce, mais de véritablement transformer une histoire bien construite, avec des personnages complexes, une narration subtile, en un pamphlet hollywoodien de 1942 contre l’Europe occupée et marqué par l’hystérie propagandiste d’époque. On songe aux Bourreaux meurent aussi (1943) de Fritz Lang, hommage peu nuancé à la résistance tchèque, mais sauvé par un grand réalisateur. Ici, les personnages du roman sont outrés jusqu’à l’absurde ou au contresens, et sonnent faux.
 

Suite française : faux et finalement ridicule

 
Ainsi, une bourgeoise de 1940, au mari prisonnier en Allemagne, amoureuse de l’officier allemand logé chez elle, ne se mettait tout de même pas sur une table de son salon en écartant les jambes pour attirer l’attention de l’objet teutonique de son affection…Et ce en plein jour, au risque d’être vue par sa belle-mère ou la cuisinière. Voilà l’influence de la pornographie. Il y eut ses pécheresses en 1940 ; elles ne se comportaient néanmoins pas ainsi. Puis, la même bourgeoise finit brusquement en fervente résistante, sauvant un communiste en des scènes ridicules d’irréalisme.
 
Les luttes sociales à la campagne, âpres et finement décrites par Mme Némirovsky, sont transformées en un brûlot marxiste élémentaire sorti de la plume de Mélenchon. En outre, placer en 1940 une action fixée en 1941 dans le roman a conduit à multiplier les erreurs de chronologie, à commencer par la date d’entrée en résistance des communistes, ou la déportation de Juifs – en 1942 – au milieu de beaucoup d’autres. Bref, Suite française représente exactement ce qu’il ne faut pas faire comme drame historique, faux, et finalement ridicule.
 

Hector Jovien