On s’y attendait, et c’est arrivé. Le principal syndicat agricole français, la FNSEA, suivi des Jeunes agriculteurs appelle les agriculteurs français à rentrer chez eux. Ce syndicat est un drame humain, social et politique depuis soixante ans. En cheville avec la banque, l’Etat et la Politique agricole commune PAC menée par le marché commun puis la Communauté européenne puis l’Union européenne, il a, sous couleur de raison, aidé la révolution mondialiste à hâter ce qu’Henri Mendras a nommé dans un livre fameux La fin des paysans. C’est-à-dire les soumettre aux marchés mondiaux, au mépris de la souveraineté alimentaire et en détruisant la réalité démographique, économique et culturelle de ce qui fut la principale classe de la société française, la paysannerie. La personnalité de son président actuel, Arnaud Rousseau qui n’est qu’occasionnellement agriculteur et dirige un groupe agro-alimentaire pesant 7 milliards d’euros et siège à d’autres conseils d’administration, illustre parfaitement cette situation et la fonction dévolue aux dirigeants d’un syndicat qui représente pourtant aussi, à sa base, l’espoir sincère d’une partie de la profession. Cette coopération, politique, technique, industrielle et bancaire présente en outre l’avantage de servir de repoussoir crédible à ceux qui donnent de la colère actuelle des paysans une interprétation marxiste. Ce n’est pas en effet d’une guerre entre riches et pauvres, avec pour principale difficulté les marges des uns et des autres, comme les médias tendent à le faire accroire, qu’il s’agit, ni même d’une opposition entre Bruxelles et Pars, mais de l’élimination d’une part constitutive de la nation au profit d’une spécialisation internationale du travail, dans le cadre d’une révolution mondiale. Hier, on l’a menée par la concentration des entreprises, leur hyper-endettement, un système extrêmement compliqué de primes, quotas et subventions, aujourd’hui c’est par les normes et la soumission générale au paradigme du développement durable. L’existence de syndicalistes tel Arnaud Rousseau, leur collaboration structurelle avec les financiers et les technocrates attachés à la mort de la paysannerie donne de la crédibilité à l’erreur d’analyse actuelle sur la crise agricole – et sur la crise de la société française en général. Et concentrer la colère sur « Bruxelles » ou sur « les marges » permet de cacher le mouvement d’ensemble, dont le développement durable est aujourd’hui le principal moteur opérationnel.

P.M.