Créée en 1050, la Foire de Béré, à Châteaubriant (Loire-Atlantique) fait partie des plus vieilles de France. Elle prend la suite de foires tenues sous le patronage de saint Hilaire sous les rois mérovingiens et carolingiens. Avec près de 100.000 visiteurs annuels et plus de 400 exposants sur la Foire – auxquels s’ajoutent 125 exposants sur le marché – elle reste parmi les plus grosses, même si le SPACE à Rennes, plus politique et plus ouvert sur le monde, l’éclipse maintenant. Cependant cette année la foire de Béré s’inscrit dans une crise profonde de l’agriculture française, après une saison catastrophique où presque toutes les filières agricoles ont souffert.
La foire de Béré héritière des foires religieuses du Moyen-Age
Payante – 6 € l’entrée du samedi 10 au lundi 12 septembre, 3,50 € le vendredi 9 septembre, cette foire est la 967e depuis la fondation. Elle se trouve toujours à proximité immédiate de l’église Saint-Jean de Béré, construite entre 1010 et le XIIe siècle, puis restaurée au XVIIe et au XIXe siècles ; c’est encore aujourd’hui la plus importante église romane de Loire-Atlantique.
Pour la première fois, en plus du concours bovin traditionnel, un concours national ovin a eu lieu à la foire de Béré, celui de la race Bleu du Maine, dont les moutons sont reconnaissables à leur face bleu foncé. L’un des plus importants troupeaux de Bleu du Maine en France se trouve à Plessé, au nord de la Loire-Atlantique, avec près de 100 brebis et 5 béliers. Il y a eu aussi plusieurs concours départementaux des races bovines Limousine (samedi), Blonde d’Aquitaine et Rouge des Près (dimanche), Montbéliarde (lundi). Outre cela, près de 430 exposants présentaient leurs entreprises de machinisme agricole, de banques ou d’assurances, de bien-être, d’informatique etc.
Forte d’une tradition pluriséculaire, la foire de Béré continue à attirer, puisque Gérard Dion, responsable de cette édition 2016, confiait au journal local l’Eclaireur de Châteaubriant, que si depuis quelques années le remplissage des espaces devenait plus difficile, cette année, « une quarantaine de demandes de nouveaux exposants » a été enregistrée. Ce qui est d’autant plus notable qu’il ajoute que « 80 % des exposants reviennent d’année en année, et certains depuis plusieurs générations ! ». Cependant la fréquentation semble un peu moindre pour cette édition.
Grandes pertes pour les apiculteurs, les céréaliers et les viticulteurs
Cependant, cette année, la foire s’inscrit dans une crise grave de l’agriculture française, qui touche tous les secteurs. Si au niveau national, la récolte de miel est particulièrement faible, avec une baisse de moitié en France et jusqu’à 70 % en Dordogne, les apiculteurs ne sont pas les seuls à se plaindre du mauvais temps. Pour une fois, les céréaliers tirent aussi le diable par la queue. « Le maïs en grains est perdu », affirme un agriculteur d’Ancenis, à l’est de la Loire-Atlantique, « et pour le maïs d’ensilage, c’est très moyen, mieux que prévu, mais on s’attendait à une catastrophe ». Un autre agriculteur, venu de l’Ille-et-Vilaine voisine, renchérit : « le blé est mauvais, l’orge l’est tellement que les brasseurs n’en veulent pas, le maïs est grillé, c’est vraiment une saison à oublier ! ». Pour le blé, la récolte sera la pire depuis 30 ans, avec jusqu’à 60 % de pertes dans la Somme, et 30 % au niveau national.
Cependant, les plaintes des céréaliers laissent froids de nombreux éleveurs, notamment de vaches laitières ou à viande. « Cela fait des années qu’ils se goinfrent, qu’ils demandent toutes les déréglementations pour spéculer en direct avec les cours mondiaux, et maintenant qu’ils ont des pertes ils se plaignent ! Pendant ce temps d’autres agriculteurs crèvent – au sens littéral, il n’y a jamais eu tant de suicides dans les campagnes – et tout le monde s’en fiche », commente, « franchement écœuré », un éleveur de vaches laitières de l’ouest de la Loire-Atlantique, qui lui, est en bio, et a fait « une saison plutôt moyenne, mais meilleure que prévu ».
Pour les pommes, autre production bretonne importante – notamment pour le cidre – la récolte est elle aussi catastrophique : « il n’y a que les pommes douces qui donnent » , commente un arboriculteur du nord du département. « Mes pommiers à cidre n’ont presque rien, à cause des gelées tardives », ce que beaucoup de particuliers ont pu aussi constater dans leur jardin. Le sud de la Loire-Atlantique est viticole, avec les aires de production de muscadet et de gros plant notamment. « Entre les gelées tardives en avril, le mildiou en juin et la canicule depuis, il n’y a pas grand chose dans les grappes. Non seulement qu’on commencera à vendanger plus tard que d’habitude », vers le 15 septembre en moyenne, alors qu’elles avaient commencé le 10 en 2015 et le 4 en 2014, « mais en plus on va perdre la moitié, voire plus par rapport à une année normale », résume un viticulteur de l’est de la Loire-Atlantique. Dans le vignoble au sud-est de Nantes, les pertes atteindront jusqu’à 90 % selon les parcelles.
Des éleveurs de vaches laitières toujours déficitaires : quand la terre ne nourrit plus son homme
A ce tableau franchement pas gai s’ajoute la crise du lait, qui dure en fait depuis des années, et n’a été que renforcée par la déréglementation réclamée à corps et à cris par certains pays européens, comme le Danemark, qui subissent maintenant le contre-coup des surproductions qu’ils ont eux même créé. « On nous donne royalement 300 € par tonne de lait en décembre, soit 30 centimes la bouteille d’un litre, mais mon prix de revient est d’environ 34 centimes le litre, on reste déficitaire », commente la femme d’un éleveur du centre de la Loire-Atlantique. « Certes, Lactalis va passer de 256 à 300 € les mille litres, et les autres s’alignent peu à peu, mais quand on nous dit en même temps que le lait français n’est pas compétitif au niveau international, et qu’on nous fait comprendre que toutes les concessions obtenues notamment grâce aux actions des éleveurs, c’est du provisoire, c’est un os à ronger qu’on nous balance, on se fiche de nous ! ». L’agriculture française continue d’être victime de la mondialisation, et de son incapacité à s’unir, toutes filières confondues, pour assurer son avenir.
Le 12/9/2016