La Russie est peut-être en froid avec l’Union européenne, et réciproquement, mais comme au temps de l’Union soviétique les liens économiques sont toujours actifs. Au Forum économique de Saint-Pétersbourg, les plus hauts responsables de la Commission européenne et de l’UE, avec à leur tête le président Jean-Claude Juncker, discutent aimablement avec les autorités russes, Poutine y compris, tandis que des financiers du monde entier assistent activement, forts de leur capacité d’investissement de 10.000 milliards de dollars.
Le Forum économique international russe annuel, le SPIEF, fête ses 20 ans cette année. Jeudi soir, Jean-Claude Juncker et Vladimir Poutine se rencontraient pour parler bien sûr des « crises régionales », alors que la Russie demeure sous le coup de sanctions du fait de ses actions en Ukraine et qu’elle en a imposées en riposte à l’Union européenne – mais surtout pour organiser le « business ». Objectif de la réunion : « stabiliser » les liens commerciaux entre les deux « marchés ».
La Russie attend les investissements de l’UE et d’ailleurs
Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, avait déclaré avant la rencontre qu’il espérait voir celle-ci servir à l’amélioration des relations entre Moscou et Bruxelles.
L’Union européenne, rappelle la source officielle russe rt.com, est le principal partenaire d’affaires de la Russie qui réalise 44,8 % de ses échanges internationaux avec elle. A son tour la Russie est le quatrième partenaire commercial de l’UE après les États-Unis, la Chine et la Suisse. Elle est même son principal fournisseur en gaz naturel, à quoi s’ajoute une exportation importante de pétrole. Du fait des sanctions les échanges entre la Russie et l’Union européenne sont passés de 417 milliards de dollars en 2013 à 235,7 milliards en 2015. Les sanctions sont gênantes, mais on ne peut pas dire qu’elles bloquent les relations commerciales : on peut encore faire des affaires avec la Russie.
La présence de représentants de haut niveau de l’UE au Forum économique de Saint-Pétersbourg indique en tout cas de manière non équivoque la volonté de maintenir et de renforcer ses liens, quels que soient par ailleurs les discours mutuellement hostiles.
Le 20e Forum économique de Saint-Pétersbourg, signe de la cohésion globaliste
Au menu des pourparlers, une pomme de discorde au sein même de l’Union européenne devait être évoquée par Poutine et Juncker, selon rt.com. La Russie continue de vouloir rendre opérationnel le pipeline Nord Stream-2 capable de transporter 55 millions de mètres cubes de gaz par an vers l’Allemagne en passant par la mer Baltique et contournant l’Ukraine. Le projet a l’appui de Berlin, mais est vivement contesté par les Etats baltes et ceux de l’Europe de l’Est ainsi que par le Royaume-Uni. L’UE l’imposera-t-elle ?
Ce vendredi, le Forum est marqué par une rencontre entre Vladimir Poutine et le premier ministre italien Matteo Renzi qui doivent discuter affaires mais également parler de la coopération énergétique. L’Italie est le cinquième partenaire commercial de la Russie après la Chine, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Bélarus. La presse russe estime que les sanctions actuelles ont coûté à l’Italie 0,1 % de son PIB, ainsi que 80.000 emplois.
Il faut croire que cela ne va pas durer. Selon le PDG du Fonds d’investissement direct russe, Kirill Dimitriev, les possibilités d’investissement à l’occasion du forum ont doublé par rapport à l’année précédente avec l’arrivée potentielle de fonds de 18 pays, y compris les États-Unis, représentant plus de 10.000 milliards de dollars. Un dîner d’affaires permettra aux financiers de rencontrer le président Poutine.
Poutine et Juncker ne parleront pas seulement de sanctions…
De hauts responsables de 230 compagnies étrangères seront également représentés : HSBC, Siemens, Volkswagen, Pirelli, Shell, la Société Générale, Schneider Electric et Total et bien d’autres – sans oublier le géant de la vente en ligne chinois Alibaba – ont fait le voyage de Saint-Pétersbourg. D’ores et déjà, la société russe Gazprom et Shell ont signé un mémorandum d’accord pour la mise en place d’un projet de production de gaz naturel liquéfié dans le port russe d’Ust-Luga sur la mer Baltique. L’usine doit commencer à fonctionner en décembre 2021. La COP 21, c’était donc du pipeau ?
Même si Washington a mis en garde contre la reprise des affaires « comme d’habitude », il semble qu’il ne s’agisse là que de paroles. Exxon Mobile, Caterpillar et bien d’autres sociétés américaines sont au rendez-vous et ce n’est sûrement pas pour faire tourisme.
L’Asie n’est pas en reste ; tout comme des sociétés proche-orientales, elle entend localiser une partie de sa production en Russie : l’agriculture, les laboratoires pharmaceutiques, le domaine des soins semblent devoir attirer des investissements dans un pays où la production manufacturière reste modeste dans l’ensemble économique.
Le thème du forum mérite d’être relevé : « Capitaliser sur la nouvelle réalité économique globale. » Un slogan mondialiste, ou je ne m’y connais pas.