La présence musulmane aujourd’hui en France constitue un fait social massif : il y a probablement aujourd’hui plus de huit millions de musulmans en France. Ils sont souvent fort pratiquants. Cette pratique, qui ne se résume pas à la grande prière à la mosquée les vendredis, crée un énorme contraste avec la population européenne d’origine catholique, hélas massivement sécularisée, qu’elle soit d’origine française, espagnole, portugaise, italienne.
Comment penser ce fait social musulman en France ? Les musulmans sont les fidèles se réclamant de l’islam, la croyance religieuse inventée par Mahomet au début du VIIème siècle, adaptant le judaïsme syrien médiéval au contexte culturel arabe péninsulaire. Ce fait social musulman en France est source d’inquiétudes pour beaucoup de Français, à cause d’attentats réguliers, et surtout de pressions sociales au quotidien pour répandre dans notre pays des normes islamiques strictes, dans tous les domaines, de l’alimentation à l’habillement. Les musulmans en France, et musulmans francophones d’Algérie, de Tunisie et du Maroc, qui échangent beaucoup via internet avec leurs cousins désormais installés depuis une à trois générations en France, pensent aussi à leur manière le fait musulman en France. Ces musulmans sont majoritairement arabophones, et comptent probablement pour les 2/3 ou ¾ des musulmans en France. Toutefois, un nombre significatif de musulmans provient d’Afrique noire, du Mali ou du Sénégal, à quoi s’ajoutent des communautés moins nombreuses mais significatives de Turcs et de Pakistanais… Pratiquement tous se réclament de l’islam sunnite, comme 90 % des musulmans dans le monde. Cette communauté musulmane est traversée par un large mouvement piétiste, inspiré par le wahhabisme – sunnisme particulièrement rigoureux et littéraliste – d’Arabie saoudite, souvent relayé par des transcriptions ou adaptations superficielles opérées dans les pays d’origine. L’ensemble du monde sunnite, y compris en France, s’avère particulièrement perméable à ces lectures rigoristes qui s’inscrivent en effet dans la fidélité la plus nette à Mahomet et à ses compagnons, de rudes guerriers de l’Arabie du VIIème siècle. Cette perméabilité inquiète d’autant plus les Français.
Le point de vue légendaire musulman sur l’Histoire de France, en la présentant comme un vieux pays musulman, dès le VIIIème siècle, s’étale abondamment sur internet. M. Gerbert RAMBAUD, historien compétent, a fait l’effort de lire ces pages, et de rétablir les faits historiques. Aussi a-t-il écrit La France et l’Islam au fil de l’Histoire, onze siècles de relations tumultueuses. Il démonte des théories souvent étonnantes, parfois inquiétantes, toujours fausses…Puis, il propose ses réflexions sur la situation intellectuelle ; il maîtrise le sujet, mais nous semble sur ce point trop optimiste.
LA LEGENDE ABSURDE ET LARGEMENT DIFFUSEE D’UNE PRESENCE MUSULMANE SIGNIFICATIVE EN FRANCE DU MOYEN-AGE A NOS JOURS
Rien n’est plus faux en fait que cette affirmation désormais courante, prétendant même constituer une évidence, puisque largement reprise, en particulier dans la communauté musulmane en France, et même beaucoup de militants de la gauche française. On serait désormais à peine surpris si l’Education Nationale devait dans un avenir proche valider ce mensonge en l’intégrant aux programmes officiels, ce qui n’est heureusement pas encore le cas. La présence musulmane aurait même contribué à faire naître la France, lit-on couramment désormais. Non ! La France est née avant l’islam, au début du VIème siècle, dans le mouvement de fusion entre les Francs, le peuple de Clovis, converti au catholicisme, et les populations gallo-romaines, en particulier leurs élites, toutes catholiques. A ce sujet, l’auteur fait de bons rappels historiques, et il peut être suivi avec confiance, tout comme la bibliographie qu’il indique.
Il y a eu de rares musulmans en France entre Charles Martel, dans les années 720-730 et la première guerre mondiale (1914-1918). La France et l’Islam au fil de l’Histoire présente et analyse rigoureusement les cas le plus souvent avancés. Est particulièrement diffusée la légende selon laquelle la Corse de l’an mil, période obscure de l’Ile de Beauté, aurait été dans son ensemble musulmane. Rien ne l’atteste tandis que, démonstration par l’absurde, une reconquête chrétienne au XIème d’une île mahométane aurait elle laissé des traces nombreuses, dans les chroniques ecclésiastiques ou pisanes. La Cité-Etat de Pise s’était emparée de l’île à cette époque, d’où la très grande proximité du corse et du toscan, base de l’italien.
Dans ce démontage de légendes musulmanes que l’on veut faire passer désormais de plus en plus pour vérités historiques réside le plus grand intérêt du livre : ces quelques cas authentiques de présence musulmane en France ont été éphémères, et ont débouché, jusqu’au début du XIXème siècle inclus, par des conversions au catholicisme et l’assimilation complète à la Nation française. Des prisonniers sarrasins de Provence ont été entre le VIIIème et le Xème siècles déportés en Auvergne, convertis au catholicisme, et assimilés. Des centaines d’Egyptiens musulmans, collaborateurs de l’éphémère expérience de colonisation de l’Egypte par la République française, sous les généraux Bonaparte, Kléber, Menou (1798-1801) ont été forcés d’émigrer en France sous peine de massacre par les autorités turques restaurées en 1801 grâce au Royaume-Uni. Réfugiés en famille à Marseille, soucieux de s’intégrer à la société française, ils ont adopté des années 1800 à 1840 la langue française et le catholicisme. Ils sont souvent passés par le sas de l’assimilation à travers la communauté plus nombreuse des chrétiens d’Egypte, réfugiés également, plus nombreux, et d’expression arabe aussi.
Ainsi, une assimilation de musulmans arabophones d’origine à la France catholique n’est pas impossible, mais elle n’a concerné que très peu d’individus et de familles et à l’époque d’une France encore culturellement largement catholique. Tel n’est hélas plus du tout le cas aujourd’hui, et le choc entre la piété islamique et l’athéisme, de fait et parfois assumé, de la République Française, est culturellement encore beaucoup plus violent qu’avec le Catholicisme. Les valeurs des musulmans et des athées sont totalement incompatibles, sur pratiquement tous les sujets. Nous nous permettons de penser que les Chrétiens n’ont pas à choisir entre deux maux, et se faire les auxiliaires d’une des deux voies de perdition, aussi antagonistes soient-elles entre elles.
Au Moyen-Age ou durant l’époque moderne, les rois de France ont alterné phases de guerre avec des Etats musulmans méditerranéens pour défendre nos marins capturés ou des populations côtières provençales ou languedociennes enlevées et réduites en esclavage, et tentatives d’entente diplomatique, d’accords commerciaux… Une exception célèbre à ce climat de méfiance justifiée a été la tentative d’alliance militaire avec l’Empire ottoman et ses Etats autonomes vassaux d’Afrique du Nord, qui a scandalisé toute la Chrétienté, y compris en France ; sans rentrer ici dans les détails de l’ouvrage, nous ne partageons pas le point de vue et les justifications de l’auteur basés sur de purs rapports de forces internationaux. L’islam n’a vraiment pas été populaire en France à ces époques.
Puis, les prétendues Lumières du XVIIIème siècle, qui s’imposent pleinement au siècle suivant, essaient de promouvoir l’idée d’un islam religion « philosophique » ou presque, monothéisme absolu, intellectuellement logique et séduisant, etc… Cette représentation imaginaire de l’islam est encore présente et l’on a oublié depuis qu’elle a servie d’arme de guerre idéologique contre le christianisme.
LE PROBLEME MAJEUR D’UNE PRESENCE MUSULMANE MASSIVE EN FRANCE METROPOLITAINE, INEDITE DANS NOTRE HISTOIRE
La véritable rencontre entre des autorités française et l’islam, comme fait social majeur, a eu lieu dans les colonies françaises, en Afrique du Nord, en Afrique Occidentale, en Syrie et au Liban, des années 1830 à 1950 pour l’essentiel.
Les durées de contact ont été variables, avec plus de 130 ans pour l’Algérie (1830-1962), ou une vingtaine d’années (1920-1941) pour la Syrie. Il est difficile de tirer des leçons de cette expérience. La France a réussi à contrôler sur des décennies des territoires massivement musulmans. Elle l’a fait en s’abstenant absolument de tout prosélytisme catholique, explicitement interdit par des circulaires de la Monarchie de Juillet (1830-1848) en Algérie. L’islam ne devait pas se sentir attaqué, et il ne l’a pas été. Mais précisément, cet islam comme fait social fondamental a contribué à maintenir une cohésion des sociétés indigènes, et une cohésion dirigée contre la France, avec une résistance culturelle massive.
Les quelques efforts de Napoléon III, puis des IIIème, IVème, et Vème République tendant plutôt sur le long terme à l’assimilation des territoires nord-africains à la France ont été un clair échec du fait de cette résistance absolue de l’islam. Les soulèvements armés des années 1950 au Maghreb n’ont été que la conclusion de cette résistance de long terme. Ceci n’enlève rien au sacrifice de certaines unités de l’armée française recrutées dans les colonies ; que l’on rende un hommage à ces soldats morts pour la France est normal ; par contre il ne faudrait pas en tirer des conclusions trop optimistes sur la cohabitation entre des autorités françaises et l’islam. C’est, nous semble-t-il, ce qu’a tendance à faire M. Gerbert Rambaud. Il n’est certes pas aidé par son époque ; il s’est ainsi inspiré de commentaires catholiques officiels d’aujourd’hui qui veulent tirer des citations célèbres du père de Foucault au Hoggar des éléments annonçant Jean-Paul II et ses discours sur le dialogue interreligieux avec l’islam sans prosélytisme ; cette interprétation nous semble pourtant anachronique et fausse.
Cet optimisme rétrospectif sur une cohabitation France-islam au temps des colonies induit une forme d’optimisme semblable pour la situation actuelle en France métropolitaine et l’avenir. Cet optimisme est tempéré par la reconnaissance du caractère totalement nouveau en métropole de la situation et du risque de sécession, y compris de sécession violente, des plus de huit millions de musulmans en France.
M. Gerbert Rambaud reconnaît le caractère problématique de la cohabitation de millions de musulmans, souvent jeunes, et de dizaines de millions de Français à ascendance européenne, avec une assimilation impossible du fait de valeurs antinomiques. La perméabilité de la communauté musulmane aux discours radicaux, dits communément « islamistes » pour les distinguer un peu artificiellement de l’islam en général, ne facilite assurément pas les choses. Mais, l’auteur de La France et l’Islam au fil de l’Histoire veut croire en un islam libéral, au fond plus libéral que musulman, qui pourrait lui cohabiter pacifiquement avec la République française. Ne devraient quitter la France qu’une petite minorité de salafistes obstinés, qui seraient à leur place au Pakistan par exemple, et nullement en France.
Nous ne partageons en aucune manière cet optimisme. Comme le reconnaît par ailleurs et paradoxalement l’auteur, quand il se conduit en historien consciencieux et non sociologue rêveur, cet « islam des Lumières » a déjà été rêvé par Napoléon Bonaparte en Egypte, Napoléon III en Algérie, les IIIème et IVème République dans tous les territoires musulmans sous son contrôle, à statuts divers, du Sénégal à la Syrie… Et il n’a jamais correspondu à quelque réalité sociologiquement significative que ce soit. On ne voit pas pourquoi il en irait différemment aujourd’hui. Les superstructures maçonniques – jamais évoquées dans le livre, distraction fâcheuse – qui contrôlent réellement la France croient manifestement pouvoir s’accommoder de son islamisation, qui parachèverait la destruction des restes de Chrétienté dans notre pays. Mais ce serait la mort de la France, assurément.
La France et l’Islam au fil de l’Histoire de Gerbert RAMBAUD, UN LIVRE INTERESSANT ET DOCUMENTE SUR LES ENJEUX ACTUELS, MAIS A LIRE D’UN ŒIL CRITIQUE
M. Gerbert Rambaud propose une synthèse bien documentée, construite, à la lecture facile. Le livre est à considérer comme une des références sur le sujet des relations entre la France et l’islam, dans une perspective historique longue. Nous ne partagerons seulement pas ses indulgences pour les politiques d’alliance avec les Turcs de François Ier et la politique turque de la France par la suite, ou son optimisme tempéré au sujet du caractère gérable de la présence massive de l’islam en France aujourd’hui.
Nous pensons au contraire que la France est très menacée et ne peut se sauver que si elle redevient chrétienne. Une France chrétienne serait beaucoup plus respectée des musulmans que la France athée actuelle. Elle aurait aussi la force, naturelle et surnaturelle, de résister à l’islam alors, qu’à vue humaine, la « Laïcité » républicaine ne l’a pas et n’en a pas même la volonté.