« En Chine, les églises sont pleines » a dit le pape au quotidien espagnol El País. Pleines, peut-être, mais sont-elles libres ? Parmi beaucoup d’autres sujets, le pape François a évoqué la Chine dans une longue interview au quotidien Espagnol El Pais, publiée dimanche 22 janvier. Et il semble que la politique amène et volontariste du Vatican obscurcisse toujours plus sa vision de la très communiste Pékin. Chez qui toute religion sera bientôt sinisée – sinistrée aussi – ou ne sera pas.
Peu de media y ont fait écho, mais le pauvre Mgr Zen, défenseur de l’Eglise clandestine chinoise, doit, plus que jamais, être conforté dans ses craintes.
« Vous pouvez pratiquer votre foi en Chine » ! François
« Vous pouvez pratiquer votre foi en Chine », a affirmé François qui a ajouté qu’il s’y rendrait « dès qu’ils m’inviteront ». Un énième appel du pied à un gouvernement qui sait se faire attendre et ne veut rendre aucun compte…
Le pape a même pensé à souligner qu’une exposition était actuellement en préparation avec un musée de Pékin et que Pékin exposerait bientôt au Vatican… piètres symboles mais qui tiennent leur rôle tout politique dans ce jeu diplomatique, ces tentatives répétées de dialogue entre le Saint-Siège et la très communiste Chine.
Le pape a d’ailleurs déclaré qu’une commission avait été créée qui se réunit tous les trois mois, soit à Pékin, soit au Vatican. « La Chine a toujours cette aura de mystère qui est fascinante »…
Le communisme chinois aux 70 millions de morts ? Bien mystérieux… ?
Un « mystère » ?! Oui, si l’on parle de cette culture communiste dont rien ne filtre qui ne soit officiel et qui cache dans ses prisons les victimes de son totalitarisme appliqué ! Mais elle n’est alors guère « fascinante »…
Il semble que ce soit le communisme lui-même qui soit un mystère pour le pape François, à moins que la volonté de percer en Chine ne soit plus forte que la crainte de devoir un peu céder à son gouvernement… La « culture de la rencontre » doit primer, selon lui.
Mais qu’il nous permette de le redire haut et fort : non, la parole n’est pas libre en Chine et non, absolument non, la religion n’est pas libre en Chine, a fortiori la religion chrétienne.
Toutes les ONG se répètent : la religion n’est pas librement pratiquée en Chine
Peut-il faudrait-il écouter ces multiples associations qui connaissent le terrain et se confrontent au peuple et non pas à ces envoyé gouvernementaux chez qui la parole est tout sauf d’or…
L’ONG internationale chrétienne évangélique destinée au soutien des chrétiens persécutés, « Portes Ouvertes », a classé la Chine au numéro 39 dans le classement mondial des contrevenants à la liberté religieuse, dans son tout récent rapport. « Comme les chrétiens sont la plus grande force sociale en Chine non contrôlée par le Parti communiste, il y a des efforts croissants pour les mettre sous contrôle de l’État. »
« Les communautés chrétiennes historiques (y compris les églises contrôlées par le gouvernement) et les communautés protestantes non traditionnelles sont surveillées et limitées dans leur liberté de religion », indique le rapport, et les communautés de convertis au christianisme « sont particulièrement visées ».
Même la Commission américaine indépendante sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) vient de placer de nouveau la Chine au « premier niveau » de ses préoccupations, ce qui signifie que le gouvernement chinois est coupable de « violations particulièrement graves de la liberté religieuse ».
« Siniser » : la nouvelle politique de la Chine communiste
Et il faudrait croire le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hong Lei quand il déclarait au printemps dernier : « le gouvernement chinois respecte et garantit pleinement la liberté de croyance religieuse des citoyens chinois »… ?
Artifice.
Le rapport de l’ONG chrétienne à but non lucratif, « China Aid Association », est à ce titre, particulièrement instructif sur l’actualité de la persécution religieuse en Chine – il vient tout juste d’être publié. Si l’année 2016 a vu se multiplier les tentatives de rapprochement du Vatican, elle a été, à l’inverse, le cadre d’une « révolution » dans l’approche de la question religieuse par le Parti communiste.
Et pas dans le bon sens. Nous sommes passés d’une « adaptation mutuelle » entre religion et socialisme comme le préconisait l’ancien président chinois Jiang Zemin,
à une promotion volontariste de la sinisation des croyances religieuses, selon les préconisations de Xi Jinping. C’est en avril 2016, qu’il introduisit pour la première fois cette idée lors d’une conférence sur la religion et la politique religieuse du Parti.
« Siniser », c’est-à-dire contraindre à se conformer à l’ordre du jour du gouvernement chinois : ouvrir la voie à la gestion juridique – communiste – des religions. Une sinisation qui vise évidemment principalement les religions non chinoises à la base : le christianisme, le catholicisme et l’islam.
Cible numéro 1 : la religion chrétienne
Et la nouvelle tablature cible en particulier les églises clandestines, les « private Christian meeting places », comme elles sont appelées par les autorités, qu’elles soient d’ailleurs catholiques ou protestantes. Rapprocher, intégrer, fusionner, telles sont les étapes voulues par le gouvernement. Ce qui signifie bien sûr à terme : interdire toutes les églises qui refusent de coopérer et qui « auront à souffrir une répression sans précédent depuis la Révolution culturelle », prédit le rapport.
L’Administration d’Etat a publié en septembre le projet révisé de ce nouveau Règlement sur les affaires religieuses. Les départements religieux directs et indirects des gouvernements locaux ont déjà tous introduit une série de lois et de règlements correspondants.
Pendant que tomberont les croix des clochers – elles sont déjà largement arrachées – les symboles du Parti communiste rentreront dans les édifices et galvauderont sans aucun doute l’Evangile. Logique de la part d’un gouvernement profondément marxiste qui craint par-dessus tout la croissance rapide de la foi chrétienne, la religion de la conscience individuelle, matrice de conversion…
Il faut l’inclure ou l’exclure, de manière radicale.
Mais « les églises sont pleines », nous dit le pape – tout va bien.