Le pape François déclare la guerre à Trump au sujet de la déportation de migrants clandestins

François Trump déportation clandestins
 

La démarche est pour le moins inhabituelle : le pape François a adressé une lettre aux évêques des Etats-Unis pour dénoncer « le programme de déportation de masse » de migrants clandestins lancé par Donald Trump avec le soutien de son vice-président, J.D. Vance, converti à la religion catholique en 2019, et bien sûr de son « Tsar » des frontières, Tom Homan.

Le pape en appelle à « la dignité de tout être humain, sans exception », dignité « infinie et transcendante », affirmant qu’il s’agit de la « valeur la plus décisive que possède la personne humaine, valeur qui dépasse et soutient toute autre considération juridique qu’on puisse prendre en compte pour réguler la vie en société ». « Ainsi, tous les fidèles chrétiens et gens de bonne volonté sont appelés à évaluer la légitimité des normes et des politiques publiques à la lumière de la dignité de la personne et de ses droits fondamentaux, et non l’inverse », poursuit la lettre.

Voilà qui ne tient pas compte du principe de totalité et de la primauté du bien commun : celui-ci peut ainsi, selon la doctrine traditionnelle, justifier d’envoyer des jeunes hommes à la guerre au mépris de leur « droit à la vie »…

 

Le pape François veut imposer une politique du bon Samaritain, version socialiste

Le pape invite chacun à méditer la parabole du bon Samaritain, et « l’amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception ».

Certes, il reconnaît le droit de développer « une politique qui réglemente les migrations de manière ordonnée et légale ».

Mais il ajoute : « J’ai suivi de près la crise majeure qui se déroule aux Etats-Unis avec le lancement d’un programme d’expulsions massives. La conscience, à juste titre, ne peut manquer de porter un jugement critique et d’exprimer son désaccord avec toute mesure qui identifie tacitement ou explicitement le statut illégal de certains migrants à la criminalité. »

Et c’est là que le bât blesse. Entrer dans un pays par effraction, en quelque sorte, en contrevenant sciemment à ses lois – ce que les clandestins sont conscients de faire, par définition, constitue bel et bien un délit (notion que le vocabulaire du droit américain englobe dans le concept de « criminalité »). Que par humanité, on décide de juger au cas par cas, c’est une autre histoire – et le pape François aurait été en droit de souligner le devoir de charité chrétienne… mais guidé par la justice et la vérité. C’est ce qu’il n’a pas fait. Il a au contraire brandi une sorte d’interdit général d’agir face à ceux qui, sans avoir commis des crimes et des délits de droit commun, ont bravé la loi, en invoquant le fait que certains (quelle proportion ?) fuyaient réellement la persécution, la faim ou la misère.

 

La déportation des clandestins, mise en œuvre d’une charité hiérarchisée

Le vice-président J.D. Vance, lui, évoquait au contraire un concept qu’il jugeait « très chrétien » : « Vous aimez votre famille, ensuite vous aimez votre voisin, puis votre communauté, et encore vos compatriotes dans votre pays. C’est après que vous pourrez vous focaliser sur le reste du monde. »

Voilà qui a des relents de Jean-Marie Le Pen : « J’aime mes filles mieux que mes cousins, mes cousines que mes voisines, mes voisines que des inconnus et des inconnus que des ennemis. Par conséquent, j’aime mieux les Français, c’est mon droit. » Toute sa vie politique aura été marquée par la dénonciation bien-pensante de cet amour hiérarchisé. Ce qui se passe actuellement au sujet de la politique migratoire de Trump consiste à répéter les cris d’orfraie d’alors.

Vance devait par la suite inviter ses contradicteurs à chercher sur Google les termes ordo amoris, cette hiérarchie de la charité qui fait dire à saint Paul : « Faisons le bien envers tous, et surtout envers les frères dans la foi. »

Sans le nommer, le pape a répliqué à Vance dans sa lettre aux évêques américains : « L’amour chrétien n’est pas une expansion concentrique d’intérêts qui s’étendent peu à peu à d’autres personnes et groupes. »

Il est vrai que nous sommes invités, chacun, à faire le bien envers tous, mais il est tout aussi vrai que, sur le plan politique, les dirigeants doivent avoir le souci du bien du groupe, de la commune, de la ville, du pays… qu’ils ont chargés de gouverner. Introduire la confusion dans ces réalités, c’est prêcher un égalitarisme impossible – et dangereux. Vertu chrétienne devenue folle, dirait sans doute Chesterton…

 

L’administration de Trump refuse de faire passer devant les millions de déracinés

On parle de millions de déracinés qui viennent clandestinement en Occident, qui aux Etats-Unis, qui en France, qui en Allemagne ou ailleurs. Ils viennent bien souvent dans des pays endettés, où la crise du logement fait rage, et dont la population autochtone se paupérise et peine à donner le jour aux générations qui la remplaceront. La charité bien ordonnée exige d’en tenir compte. Ne pas le faire, c’est jouer un jeu politique à part entière.

D’ailleurs le pape ne s’en cache pas vraiment. Voici que dans sa lettre il dénonce le fait de « s’inquiéter de l’identité personnelle, communautaire ou nationale ». Si l’on fait cela en dehors d’une « fraternité ouverte à tous », on « introduit facilement », dit-il, « un critère idéologique qui déforme la vie sociale et impose la volonté du plus fort comme critère de vérité ».

Et pourtant… ce sont les plus petits, les plus pauvres des autochtones, ceux qui n’ont pas les moyens de fuir des quartiers où la loi ne règne plus, ceux pour qui il n’y a pas de logements sociaux ou qui attendent des mois la possibilité d’être soignés parce que la misère du monde est prioritaire sur eux, qui en souffrent le plus, de cette « fraternité ouverte à tous ».

Comme à l’accoutumée, le pape François plaide pour les « ponts » et contre les « murs d’ignominie », achevant sa lettre sur ces mots :

« Prions Notre-Dame de Guadalupe de protéger les personnes et les familles qui vivent dans la peur ou la douleur à cause de la migration et (ou) de la déportation. Que la “Virgen morena”, qui a su réconcilier des peuples alors qu’ils étaient ennemis, nous accorde à tous de nous retrouver frères et sœurs, dans le creux de ses bras, et de faire ainsi un pas en avant dans la construction d’une société plus fraternelle, plus inclusive et plus respectueuse de la dignité de tous. »

 

Le pape François appelle l’administrative Trump à une société « plus inclusive »

Le miracle de la Vierge de Guadalupe fut pourtant avant tout la conversion, l’appel à la fraternité… du baptême, et à cette foi qui arriva aux Amériques grâce aux Conquistadors qui n’étaient pas tous des enfants de cœur, loin s’en faut. Mais ils apportaient le seul universalisme qui vaille : l’universalisme catholique, qui est aux antipodes que le globalisme de ceux qui nient la réalité et les bienfaits des frontières, et qui rêvent d’un monde dont « l’inclusivité » est en réalité un relativisme systématique.

Les annonces de Trump concernant les déportations n’ont pas encore été mises en application de manière spectaculaire. Des délinquants ont été expulsés, des membres d’organisations terroristes comme Tren del Agua ont été renvoyés au Venezuela : la lutte contre la « migration forcée » ne fait que commencer, et pourquoi ne pas le dire, elle serait plus efficace si des pays comme le Venezuela, justement, étaient libérés de ce socialisme marxiste qui fabrique la misère dans des pays dotés d’incroyables ressources.

Mais le message semble être passé. L’interpellation de migrants clandestins a chuté de près de 96 % la semaine dernière (en comparaison avec nombre moyen d’interpellations quotidiennes en février 2024) sur la frontière sud-ouest des Etats-Unis avec le Mexique. Au Texas, la chute de « rencontres avec des migrants », par rapport à une période comparable l’an dernier, a atteint près de 89 %. Les étrangers sans papiers en règle hésitent davantage à passer illégalement la frontière. Ils savent qu’ils se trouveront face à un pouvoir fort et déterminé – d’autant que le Mexique a été contraint par Trump de prendre lui aussi des mesures énergiques.

Et au fond, cela les protège aussi : des trafiquants sans scrupules, des dangers de la traversée de l’Amérique centrale, de la misère des camps où ils attendent de « passer ».

Ont-ils besoin d’aide et de compassion ? Pour beaucoup, ceux qui sont de bonne foi, sans doute ! Mais ce n’est rendre service à personne que de favoriser ces mouvements de population.

 

Jeanne Smits