L’agence européenne de surveillance des frontières Frontex a lancé mercredi un cri d’alarme après avoir dénombré quelque 800.000 « entrées illégales » sur le territoire de l’Union européenne depuis le début de l’année 2015. Par « entrées illégales », n’ayons pas peur des mots !, il faut bien sûr entendre qu’il s’agit là de l’arrivée, chez nous, de clandestins.
On a donc – enfin ! si l’on peut dire… – retrouvé les clandestins ; ou, pour être précis, les immigrés clandestins. Depuis des mois, on ne nous parlait plus, en effet, que de migrants, ou même mieux de réfugiés – c’est-à-dire de gens que la logique considère comme étant des personnes dans une misère totale dans leur pays d’origine, risquant même leur vie, méritant donc toute la compassion européenne, et – au passage – dûment répertoriés.
Une arrivée massive de clandestins
Invité sur l’antenne d’Europe 1 ce même mercredi matin, le ministre de l’Intérieur réagissait déjà à l’arrestation d’un marin pêcheur soupçonné de complicité avec un réseau de passeurs de migrants. Mais non ! pas de migrants. Si l’on veut à tout prix nous faire admettre que les migrants doivent être considérés, au mieux, comme des réfugiés, au pire, comme des migrants économiques mais réguliers, cessons alors d’appeler des immigrés clandestins des « migrants ».
A moins – horrible soupçon ! – que les autorités de notre pays ne cherchent à noyer on ne sait trop quel poisson, trop visible en période électorale…
Bernard Cazeneuve a donc tenu à se montrer rigoureux, et même sévère : « Il peut y avoir des Français qui y participent ; ils doivent être sévèrement punis après avoir été efficacement rattrapés par les forces de sécurité », a-t-il déclaré en évoquant les réseaux de passeurs d’immigrés clandestins.
Pour certains, effectivement, la misère paie !
La satisfaction du devoir accompli ? Un peu tôt…
Mais le ministre a en revanche refusé de commenter plus particulière le cas évoqué avant que le procureur de la République de Dunkerque ne se soit exprimé. Dont acte.
Mais Bernard Cazeneuve n’a pas perdu l’occasion d’éclairer d’un petit coup de projecteur l’action du gouvernement, et notamment de son ministère. « Nous avons démantelé depuis le début de l’année, affirme-t-il, un très grand nombre de filières. En France, c’est près de deux cents filières qui ont été démantelées, représentant 3.000 individus. Et dans le Calaisis, cela représente une trentaine de filières et sept cents individus. »
Et d’ajouter : « Pourquoi ? Parce que j’ai donné une instruction extrêmement ferme à mes services, d’être intraitables avec les filières de la traite des êtres humains. »
Bravo ! monsieur le ministre.
Le cri d’alarme de Frontex
Cela dit, si votre travail a été aussi efficace, et que, malgré tout, il continue à entrer sur le territoire de l’Union européenne, et donc aussi en France, autant de clandestins que l’affirme l’agence Frontex, c’est qu’il y a encore du pain sur la planche !
Lorsque le patron de Frontex déclare ce matin dans les colonnes de notre confrère allemand Bild, que 800.000 « entrées illégales » dans l’Union européenne ont été dénombrées depuis le début de l’année, et qu’il ajoute que l’afflux de migrants en Europe « n’a pas atteint son paroxysme », c’est que nous sommes bien au-delà de quelque deux cents réseaux de passeurs, et qu’il est temps, plus que temps, de prendre des mesures d’urgence.
Bernard Cazeneuve en convient. « La situation migratoire est une situation inédite, qui est une véritable crise telle que l’Europe n’en avait pas connue depuis la Seconde Guerre mondiale, dit-il, et qui implique des moyens exceptionnels et surtout des décisions urgentes. » Parmi celles-ci : « D’abord, la mise en place d’un contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne. Ce qui suppose que l’on fasse monter Frontex en puissance et il faut le faire vite. »
« Second point : il faut absolument rehausser dans les meilleurs délais les moyens du HCR, pour que dans les camps de réfugiés, au Liban, où je me suis rendu la semaine dernière, en Jordanie, en Turquie, il y ait suffisamment d’aide humanitaire pour que cet exode de ceux qui sont persécutés dans leur pays ne se poursuive pas. »
Renvoyer « rapidement » les clandestins !
Une fois encore : très bien. Mais cela ne saurait suffire. Ce que demande Fabrice Leggeri, le patron de Frontex, c’est que les Etats européens placent ces gens en rétention pour les renvoyer « rapidement » dans leur pays d’origine – ce qui n’entre pas dans les attributions de Frontex.
On entend déjà les cris d’orfraies des bien-pensants – raison pour laquelle Fabrice Leggeri préfère sans doute réserver ses déclarations à l’Allemagne plutôt qu’à la France. Ces bonnes consciences contestent même le chiffre donné. Elles ont sans doute raison : il peut y avoir des erreurs. Mais surtout, ce chiffre doit certainement être majoré. Mais oui ! Par définition, un clandestin n’est pas quelqu’un qui cherche à se faire remarquer ; encore moins recenser. Il y a donc ceux que l’on voit… et ceux que l’on ne voit pas !
Et que feront les bonnes consciences lorsque les pouvoirs publics seront obligés d’avouer une impuissance totale ?
Car c’est bien ce que veut dire Fabrice Leggeri, lorsqu’il ajoute : « Les Etats européens doivent se préparer à l’idée qu’une situation très difficile nous attend dans les prochains mois. »
Puisque nous aimons tant les histoires de lanceurs d’alerte, en voilà une ! Et on ne peut plus sérieuse et inquiétante…