Les funérailles catholiques de la duchesse de Kent

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Le duc et la duchesse de Kent en 2013 (© Carfax2)

 

Un événement à bien des égards époustouflant s’est déroulé lundi après-midi à Londres : la quasi-totalité de la famille royale britannique, rassemblée autour du roi Charles III qui de par son accession au trône, est devenu le chef de l’Eglise anglicane, a assisté en grande pompe à la messe d’obsèques célébrée pour la duchesse de Kent dans le rite catholique à la cathédrale de Westminster, à ne pas confondre avec l’abbaye de Westminster, la sublime cathédrale gothique prise aux catholiques par les anglicans dès 1540, année où les bénédictins en furent chassés. C’est donc une première depuis la réforme anglicane : jamais aucun monarque britannique n’a officiellement assisté à une messe catholique sur le sol anglais depuis que l’Eglise anglicane s’est séparée de Rome.

Ce fut aussi la première cérémonie de funérailles catholiques pour un membre de la famille royale. Katharine, duchesse de Kent, morte paisiblement entourée de sa famille en prière à l’âge de 92 ans, s’est en effet convertie à la foi catholique en 1994, l’une des rares à l’avoir fait depuis l’« Act of Settlement » qui en 1701 réserva définitivement le droit de succéder aux couronnes d’Angleterre et d’Irlande aux seuls protestants, écartant même du trône ceux qui se convertiraient à la religion catholique ou épouseraient un ou une catholique. Et pour la duchesse, ce fut avec l’autorisation expresse de la reine Elizabeth II.

 

La duchesse de Kent et les droits des catholiques

Mais cet interdit est aujourd’hui battu en brèche, notamment dans des pays du Commonwealth, telle l’Australie qui en 2011 a levé la condition pour un successeur au trône de ne pas épouser un ou une catholique, en même temps que des voix s’élèvent jusqu’au gouvernement britannique pour réclamer le droit de primogéniture absolue, sans distinction entre filles et garçons. En 2013, le Parlement britannique levait à son tour l’interdiction d’épouser un ou une catholique.

La duchesse de Kent – ou « Mrs Kent » ainsi qu’elle se faisait appeler dans l’école primaire où elle enseignait la musique incognito, elle qui a tant fait pour que puissent éclore de jeunes talents issus de milieux défavorisés – s’est convertie à un moment où les dérives progressistes de l’Eglise anglicane se généralisaient, et à la suite d’une fausse couche qui l’avait fortement secouée sur le plan personnel, mais elle a toujours attribué à sa conversion à son désir de clarté. « J’aime savoir ce qu’on attend de moi », expliqua-t-elle un jour. « J’aime qu’on me dise : “Tu iras à l’église le dimanche et si tu ne le fais pas, gare à ton matricule ! » Sa réception dans l’Eglise catholique eut lieu au cours d’une cérémonie privée célébrée par le cardinal Basil Hume.

Sa conversion ayant eu lieu en 1994, bien après son mariage avec le duc de Kent, alors au 18e rang de succession au trône d’Angleterre, en 1961, sa décision ne changea rien pour lui ; en revanche son plus jeune fils Nicholas Windsor et deux de ses petits-enfants furent écartés du trône après leur propre conversion à la foi catholique il y a quelques années.

 

Des funérailles catholiques avec des prières pour les défunts

Il s’est donc agi d’un assouplissement d’esprit, mais pas d’une ouverture à part entière aux catholiques qui demeurent des « royals » de seconde zone. C’est dans ce contexte que la nombreuse présence de la famille régnante aux funérailles, lundi, a été considérée comme quelque chose d’inouï. Un message de Léon XIV a été lu, où le pape rendait hommage à la duchesse pour son « dévouement à ses devoirs publics, son soutien aux œuvres caritatives et son souci des plus vulnérables ».

Lors de la messe d’obsèques, note The Tablet, des prières d’intercession ont été dites pour les vivants et pour les morts – alors que l’Eglise d’Angleterre n’est pas habituée des prières pour les défunts, mais nul ne saura dire si le roi Charles s’y est associé, où s’il s’est agenouillé pendant la consécration, ce que les Anglicans ne font pas non plus. La messe était fermée au public et seul un journaliste d’une agence de presse a pu assister, et rien n’a filtré…

Alors, bonne nouvelle ? On ne peut considérer tout cela sans avoir à l’esprit le syncrétisme religieux du prince Charles, grand mondialiste et idéologue écologiste devant l’Eternel, ni sans penser au « dialogue œcuménique » qui est invoqué pour justifier le rapprochement de l’Eglise catholique avec les confessions protestantes, au risque d’édulcorer sa foi et sa pratique.

Reste que la duchesse de Kent s’est bel et bien convertie, et que ce fut un événement qui allait définir sa vie. Et à ce titre, on peut certes se réjouir de l’apostolat auquel elle a de fait participé à travers sa mort et son enterrement.

 

L’exemple d’Elizabeth II

Et curieusement, elle avait été en quelque sorte précédée en cela par la reine Elizabeth II elle-même…

Car celle-ci ne s’est pas bornée à approuver pleinement la conversion de sa cousine germaine par alliance ; elle a fait montre d’une certaine sympathie à l’égard du catholicisme et avait accueilli Jean-Paul II en Angleterre avec beaucoup de grâce. Certains lui prêtent une conversion secrète à l’Eglise catholique, ce qui n’est évidemment pas vérifiable. Mais lors de ses funérailles, des vérités éternelles ont été rappelées à la face du monde et même en mondovision : celles des fins dernières. Ils étaient nombreux à être présents, les leaders religieux de toutes les religions du Commonwealth, et ils ont entendu une lecture tirée de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens (1 Cor. 15 : 20-26) :

« Mais maintenant le Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui se sont endormis. Car, puisque par un homme est venue la mort, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous seront vivifiés dans le Christ, mais chacun en son rang : comme prémices le Christ, ensuite ceux qui appartiennent au Christ, lors de son avènement. Puis ce sera la fin, quand il remettra le royaume à Dieu et au Père, après avoir anéanti toute principauté, toute puissance et toute force. Car il faut qu’il règne : “Jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds.” »

Pour un enterrement de monarque, quel panache ! Est-ce Elizabeth II qui a choisi ce passage ? Il remet l’homme à sa place, tout en rappelant à chacun que sa vocation est d’entrer dans la vie éternelle, par le Christ qui est la seule Voie, la Vérité et la Vie.

 

Jeanne Smits