Le couronnement protestant de Charles III, un peu catholique quand même !

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Oui, Charles III est un monarque parfaitement en phase avec les exigences du politiquement correct, et il est l’un des tout premiers promoteurs du Great Reset : je souscris à 100 % aux commentaires de Pauline Mille ce jour sur reinformation.tv. Mais la cérémonie du couronnement à Westminster – suivie, dit-on, par plus de 4 milliards de téléspectateurs, la moitié de l’humanité – a pourtant et sans doute malgré ses protagonistes diffusé quelque chose de « catholique ». Quelque chose d’universel et de vrai. Car derrière le protestantisme, fortement proclamé par le nouveau roi, transparaissait une histoire, une culture, une manière d’aborder le pouvoir ; et aussi le sens du sacré.

Ce sens du sacré que la liturgie réformée de l’Eglise catholique elle-même oublie si souvent était véritablement au cœur du couronnement. Après avoir prononcé à genoux, simplement vêtu d’une chemise de lin, le serment fait au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ de servir « tous ses enfants, de toute foi et de toute croyance », ce roi pas-tout-à-fait-chrétien a pourtant reçu une onction après le chant du Veni Creator en anglais, gallois gaélique et irlandais, et il l’a reçue derrière des paravents, dérobé aux yeux des assistants comme des téléspectateurs. Ce qui est sacré doit être voilé. Ce qui est si grand dépasse et transcende nos regards et nos curiosités. C’est d’ailleurs pourquoi dans la messe catholique, le prêtre « tourne le dos » au peuple, si l’on veut, mais surtout tourne son regard, son attention et tout son être vers Dieu, et dérobe le moment de la transsubstantiation à nos regards et à notre curiosité.

 

Le couronnement de Charles et la nostalgie du sacre

Pour les Français qui jadis, avaient un roi, un roi oint, ce couronnement rappelle ce qui a été perdu et remet en mémoire toute la richesse symbolique de la royauté, le caractère quasi-sacramentel du sacre, précisément. Le couronnement de Charles a repris des éléments de couronnements des rois d’Angleterre depuis la conquête normande, et même des éléments très évidemment catholiques d’origine – notamment parce que, même après la Réforme portée en premier lieu par la monarchie en Angleterre, les rois voulaient conserver leur pouvoir de réclamer, le cas échéant, le trône de la France. Et c’eût été impossible sans l’onction, a expliqué l’historien Francis Young, d’Oxford, spécialiste de la religion anglicane, au chroniqueur religieux Damian Thompson.

Au demeurant, ce que les démocraties (plus ou moins tyranniques) sécularistes conspuent, le rituel du couronnement le glorifie. Celui du couronnement de Charles n’a pas fait exception, malgré des ajustements, des remaniements et des concessions faites volontiers, hélas, à l’air du temps. Mais quand tout s’effondre, toutes les paroles rituelles rappelant le sens et les devoirs de la royauté chrétienne viennent tout de même mettre en évidence quel est le vide d’un monde sans Dieu.

Comment ne pas être touché par le moment où le roi, pas encore couronné, reçoit parmi les Regalia – les insignes de la royauté – l’Orbe surmonté d’une croix ? « Recevez cet Orbe, placé sous la Croix, et rappelez-vous toujours que les royaumes de ce monde sont devenus le royaume de notre Dieu, et de son Christ. » Quoi de plus rejeté, quoi de plus contesté dans notre monde sans Dieu que la royauté du Christ ? Et pourtant, cela a été dit, devant la moitié de l’humanité, et de manière peut-être encore plus explicite que lors du couronnement d’Elizabeth II.

 

Catholicisme et protestantisme rivalisent au cœur du couronnement

Le Moyen Âge pétri de catholicisme transparaît ainsi largement. Les vêtements du roi gardent le souvenir des ornements sacerdotaux médiévaux. Charles ne s’est pas totalement plié à la coutume, puisqu’il les a panachés avec un pantalon d’officier – choix curieux, et pas très cohérent, à moins de faire le lien avec ce que le couronnement comporte de références à l’adoubement du chevalier.

Ce n’est pas le seul écart dans une cérémonie dont la structure n’a guère bougé depuis l’arrivée de Guillaume le Conquérant. Charles a accepté le principe de la « communion anglicane », ce simulacre dont n’avait pas voulu, avant lui, le dernier roi catholique d’Angleterre, James II (1633-1701), converti de l’anglicanisme.

Restent du rituel ancien la reconnaissance, par laquelle le roi est acclamé depuis les quatres points cardinaux, et le serment sur la Bible – où le monarque s’engage à professer loyalement l’Evangile, mais où Charles a fait ajouter qu’il cherchera « à promouvoir un environnement où des gens de toutes fois et de toutes croyances puissent vivre librement ». Ce serment engage également avec insistance le souverain à « maintenir la religion réformée protestante établie par la loi ».

Reste aussi la remise de l’épée de justice temporelle ; jadis, celle-ci s’accompagnait de menaces à l’égard des mauvais, elles n’y sont plus. La remise de l’anneau qui symbolise l’alliance entre Dieu et la monarchie était jadis mentionné comme l’« anneau de la dignité royale et le sceau de la foi catholique », et que le monarque acceptait en s’engageant « à défendre avec constance la religion du Christ » : Charles, qui s’est contenté de toucher l’anneau sans le porter, a également fait disparaître les mots sur la foi catholique – à moins que ce ne soit l’œuvre de l’archevêque de Canterbury, Justin Welby – pour y ajouter un couplet sur l’union entre le roi et le peuple.

Au moment de la remise du sceptre surmonté d’une colombe, le roi était jadis appelé à « exécuter la justice sans oublier la miséricorde », à « punir les méchants et à protéger et à chérir les justes ». Les méchants ont disparu du rituel très raccourci de Charles III, et aussi la punition qui leur revient.

 

Faisons tous allégeance à Charles ? L’universalisme dévoyé

Pour Charles, la prière juste après le couronnement a été morcelée et allongée de manière à pouvoir être « œcuméniquement » prononcée par les différents dignitaires chrétiens présents – y compris le cardinal archevêque catholique, Vincent Nichols, à qui il est revenu de souhaiter au roi une « éternité bienheureuse » et une « gloire immortelle », plutôt que la « couronne du royaume éternel » souhaitée à sa mère il y a 70 ans. Il est vrai que la présence du cardinal catholique est remarquable, mais il est à craindre qu’il s’agisse moins d’un assouplissement de la dureté protestante à l’égard des catholiques que du signe d’un ramollissement généralisé de l’attachement à la vérité.

Est-ce au même titre que des femmes, des musulmans, un sikh, un hindou (le Premier ministre Sunak) ont participé à la cérémonie ?

La formulation médiévale autour des « hommes liges » (sauf pour le prince-héritier William) où tous les représentants de la noblesse faisaient allégeance au roi a disparu au profit de plus brèves promesses de fidélité et de loyauté, un serment que toute l’assistance et tous les téléspectateurs ont été invités à faire s’ils le désiraient pour « offrir leur soutien ». Mais cette allégeance sollicitée de tous dilue de fait sa force. Que cela signifie-t-il, dès lors que le royaume de Charles – à la différence du règne du Christ – ne s’étend pas aux confins de l’univers ?

Mais dans l’ensemble, l’essentiel a été sauvegardé, là où les Britanniques craignaient de voir disparaître des pans entiers de la cérémonie au nom de la modernité. Aux yeux du monde, c’est bien un monarque qui assume sa foi chrétienne qui a été oint et couronné. Puisse Charles s’en souvenir, dans ce monde où il a si clairement signifié son adhésion aux principes qui en vérité, sont si souvent à l’opposé des principes chrétiens.

 

Jeanne Smits