La fusion thermo-nucléaire, rêve de l’énergie facile, établit des nouveaux records

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On l’appelle « l’énergie des étoiles ». Et elle pourrait rendre caduque toutes ces énergies renouvelables dont on nous bassine les oreilles. La fusion thermo-nucléaire est le nouveau Graal de la recherche scientifique et si les instances politiques rechignaient à y mettre trop d’argent comme nous le rapportions ici, les choses ont évolué six ans plus tard. En 2022, 6,21 milliards de dollars y ont été investis, rapporte la Fusion Industry Association (FIA) – ce qui est à la fois beaucoup et peu pour une utilisation, à terme, commerciale. De nouveaux records ont été battus ces dernières semaines. Et le Royaume-Uni y mène la danse, avec les Etats-Unis.

Qui pourrait trouver à redire dans cette énergie décarbonée rêvée ? Le « changement climatique » lui donne un coup de pouce inéluctable.

 

De nouveaux records pour la fusion thermo-nucléaire

Depuis les années 1950-1960, c’est une grande quête de la recherche énergétique que de chercher à reproduire la puissance du Soleil sur la Terre. Processus inverse de la fission, connue depuis trois quarts de siècle, la fusion thermo-nucléaire en est à ses débuts. C’est un processus au cours duquel deux atomes légers sont chauffés à des températures et des pressions extrêmement élevées, d’au moins 100 millions de degrés Celsius, afin de se combiner et de former un atome plus lourd, libérant une grande quantité d’énergie.

Et les derniers résultats sont très encourageants.

En décembre 2022, déjà, le Laboratoire national Lawrence Livermore (LNLL), en Californie, faisait état d’une percée « historique » : pour la première fois, un réacteur à fusion nucléaire avait produit plus d’énergie que ce qu’il lui avait fallu pour en produire. 92 lasers ont envoyé l’équivalent de 2,05 mégajoules d’énergie sur une capsule de la taille d’un dé à coudre contenant de l’hydrogène ; la chaleur ainsi générée (150 millions de degrés) a provoqué la fusion des atomes d’hydrogène, produisant 3 mégajoules d’énergie. Et les essais suivants, au cours de l’année 2023, ont détaillé des chercheurs dans la revue Physical Review Letters, ont fait augmenter ce gain net d’énergie, clé de la technologie.

La Grande Bretagne lorgne sur la première place dans cette course technologique, nous dit un article du Telegraph. La société britannique First Light Fusion a annoncé le 7 mars avoir battu le record mondial de pression aux laboratoires nationaux Sandia (Nouveau-Mexique) en atteignant les 1,85 térapascal lors d’un test de sa propre technologie sur la Z machine, ce générateur de rayons X pulsés.

Quelques jours plus tôt, une série d’articles confirmaient que Commonwealth Fusion Systems, près de Boston, avait battu le record du monde pour les aimants supraconducteurs avec une intensité de champ de 20 tesla, en utilisant la dernière technologie supraconductrice à haute température. Cela dépasse aussi le seuil nécessaire pour produire de l’énergie nette, ou un « facteur Q », supérieur à 1,0. « Du jour au lendemain, cela a fondamentalement modifié le coût par watt d’un réacteur à fusion d’un facteur de près de 40 », a déclaré le doyen du plasma au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

 

Une recherche devenue mondiale

Ainsi, tant la fusion par confinement magnétique que la fusion par confinement inertiel, deux approches distinctes de la fusion thermo-nucléaire, connaissent des avancées remarquables. Un sondage réalisé lors du forum de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Londres a révélé que 65 % des initiés pensent que la fusion produira de l’électricité pour le réseau à un coût viable d’ici à 2035, et 90 % d’ici à 2040. La Fusion Industry Association, basée à Washington, affirme que quatre de ses membres pensent pouvoir y parvenir d’ici à 2030…

Ne faut-il pas, alors, repenser toutes nos hypothèses énergétiques, se demande le Telegraph ? « Les centrales à gaz prévues en Grande-Bretagne deviennent obsolètes presque avant leur construction »…

Si l’énorme projet européen de réacteur thermonucléaire expérimental international ITER, en construction dans le sud de la France, peine à sortir de ses soucis d’ordre à la fois géopolitique et économique, malgré le concours de ses 35 pays, les magnats de la technologie, eux, se sont jetés dans la course. Commonwealth Fusion, spin-off du Plasma Science and Fusion Centre du MIT britannique, est soutenu par Bill Gates, Jeff Bezos et Sir Richard Branson. Elle vise à produire son premier plasma l’année prochaine et à atteindre un facteur Q stable de 10 d’ici la fin des années 2020, l’objectif énergétique pour le décollage commercial.

« De tous les pays du monde, c’est le Royaume-Uni qui recherche le plus agressivement l’énergie de fusion », ont déclaré les scientifiques américains Matthew Moynihan et Alfred Bortz. En plus de ses propres installations, elle accueille trois start-ups de fusion de classe mondiale couvrant les deux principales technologies rivales. Un réacteur commercial à fusion nucléaire pourrait être opérationnel dès le début des années 2040.

 

La source d’énergie la plus naturelle de l’univers

Il faut dire, comme le Telegraph, que l’attrait de la fusion est désormais bien compris. Elle génère quatre millions de fois plus d’énergie que l’énergie fossile, sans émettre de CO2 ni de méthane. Et presque sans aucun déchet à long terme. Son principal sous-produit est l’hélium inerte. Elle n’utilise presque pas de terre et peu d’eau et peut être rendue pratiquement invisible. Contrairement à la fission actuelle, elle produit une chaleur industrielle de haute qualité pour aider à décarboner le verre, le ciment, l’acier, l’ammoniac, l’hydrogène, etc.

Son combustible est quasiment illimité puisque le deutérium se trouve dans l’eau de mer et le tritium peut s’obtenir par reproduction avec de petites quantités de lithium. « Avec un seul gramme de ce combustible, on peut obtenir une énergie équivalente à celle de huit tonnes de pétrole », avait résumé le responsable adjoint de l’équipe japonaise du JT-60SA… De plus, il n’y a aucun risque de réaction en chaîne incontrôlable.

Le Commonwealth envisage des coûts de 60 à 80 MWh à grande échelle, ce qui réduirait le coût 24h/24 et 7j/7 des centrales de pointe à gaz couplées à des énergies renouvelables intermittentes ou au stockage d’énergie dans la plupart des endroits. Ce pourrait être encore moins onéreux. De plus, comme il n’y a pas d’utilisation d’uranium, cela signifie que l’on peut envisager de traiter les usines de fusion comme de simples hôpitaux et les construire, rapidement, presque n’importe où….

Lors du Forum économique mondial de Davos en janvier dernier, le CEO d’OpenAI, Sam Altman, avait déclaré : « Nous avons besoin de la fusion nucléaire. » Pour le gouvernement de la Chine qui a lancé, fin décembre, son propre consortium de fusion, réunissant ses meilleures universités et industries d’Etat, c’est même « la seule direction pour l’énergie future ».

 

Clémentine Jallais