Une énergie propre, bon marché, illimitée ? Le MIT fait avancer le moment où la fusion nucléaire créera plus l’énergie qu’elle n’en consomme

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Une nouvelle étape pourrait être prochainement franchie dans le domaine du développement (matériel) humain : des chercheurs du Massachussetts Institute of Technology, travaillant en collaboration avec Commonwealth Fusion Systems, pensent pouvoir provoquer une réaction de fusion qui produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Ce fameux moment, le « break even », que de nombreux scientifiques recherchent et dont on s’approche à travers diverses techniques, a un temps semblé relever du domaine de l’impossible. Les scientifiques ne doutent plus qu’il se produira dans un avenir prévisible, permettant à l’humanité de disposer d’une énergie propre, abondante au point d’être illimitée, et bon marché. Le MIT et son partenaire CFS ont ainsi mis au point une technique permettant de mieux « isoler » le plasma (hyper) bouillant grâce à des aimants moins énergivores que ceux utilisés jusqu’à présent. Voilà qui s’ajoute à d’autres avancées récentes, telle l’introduction d’un pourcent d’hélium-3, un isotope de l’hélium, qui permet au bouillon de plasma de produire dix fois plus d’énergie qu’auparavant.
 
Au contraire de la fission nucléaire, qui consiste à fractionner des atomes radioactifs comme l’uranium ou le plutonium, rares et chers, la fusion se réalise par l’écrasement d’atomes « ordinaires » disponibles quasiment sans limites, d’hydrogène par exemple, ce qui dégage de l’hélium mais aussi une quantité d’énergie spectaculaire. L’hélium étant un gaz inoffensif, le procédé ne présente pas d’inconvénient particulier.
 
La difficulté pour réaliser la fusion atomique plutôt que la fission – qui produit également une énorme quantité d’énergie mais exige le recours à des combustibles radioactifs onéreux – venait du niveau extrême de la température nécessaire : des centaines de millions de degrés Celsius. Plus chaud même que le cœur du soleil, de telle sorte qu’aucun matériau solide ne pouvait entrer en contact avec les atomes fusionnés…
 

La fusion nucléaire, énergie propre, bon marché et sans limites, bientôt harnachée ?

 
Les scientifiques avaient déjà trouvé un moyen pour la contourner, en recourant à des champs magnétiques très puissants capables de maintenir le plasma chaud – une soupe gazeuse de particules subatomiques en place – en place et isolé – ce que fait le soleil grâce à la force gravitationnelle, mais leur activation consommait davantage d’énergie que les fusions obtenues, réduisant leur intérêt à celui d’amusante expérience.
 
La nouveauté, c’est que l’équipe du MIT et de CFS a mis au point de nouveaux aimants plus petits et moins énergivores qui permettent d’obtenir un rendement énergétique plus élevé que l’énergie investie – peut-être plus du double, selon les chercheurs.
 
Les prévisions les plus optimistes parlent d’un délai de 15 ans avant que le procédé ne soit utilisé pour alimenter nos réseaux énergétiques ; les estimations plus prudentes évoquent plutôt une trentaine d’années, ce qui demeure un avenir proche à l’échelle humaine. Tout dépendra du financement.
 
CFS a déjà obtenu un investissement de 50 millions de dollars de la compagnie italienne ENI et entend en utiliser les trois cinquièmes pour la recherche et le développement avec le MIT au cours des trois prochaines années, rapporte Nature. Son directeur exécutif, Robert Mumgaard, estime que cette synergie entre universitaires et industriels va permettre de faire sortir la nouvelle technologie de la fusion des laboratoires pour investir le marché.
 

Le MIT et Commonwealth Fusion Systems ont trouvé un moyen de réduire le coût de fonctionnement

 
Ce qui reste à faire, c’est de travailler sur l’échelle et sur la vitesse. D’abord construire des aimants électromagnétiques à haute performance en utilisant un super-conducteur déjà disponible dans le commerce – il faut trois ans pour y parvenir, pense Mumgaard. Puis – en dix ans – réaliser un prototype de réacteur capable de générer plus d’énergie qu’il n’en consomme. Après quoi, l’équipe espère pouvoir passer à la conception d’une usine énergétique pilote de 200 mégawatt capable d’alimenter le réseau.
 
Mumgaard « vend » son projet comme capable de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, observe Selwyn Duke de The New American. Soit : cela n’enlève rien à l’intérêt d’une source d’énergie aussi prometteuse.
 
Si prometteuse, et pourtant parent pauvre du monde de l’énergie, faute d’investissements à hauteur des espérances – et ce sont eux qui conditionnent l’avancée des recherches et la mise en marche industrielle de cette technique. C’est ce dont se plaignait encore en juin dernier Ned Sauthoff, rappelant que les Etats-Unis ont investi 1 milliard de dollars d’argent public dans ITER, le réacteur international thermonucléaire expérimental en voie de construction dans le sud de la France depuis 2006 – mais il manque toujours 3,5 milliards sur la totalité des engagements américains. Les responsables d’ITER estiment possible la production rentable d’électricité d’ici à 2033.
 

Trop propre et trop bon marché ? Un financement bizarrement limité

 
En réalité, la réduction des crédits a été mondiale et simultanée, décidée au cours de la présidence de Bill Clinton.
 
Même l’administration Trump y participe à sa façon… Pour le budget 2018, elle recommande de verser seulement la moitié de la somme annoncée : 63 millions de dollars au lieu de 120 millions. Bernard Bigot, directeur général d’ITER, a dénoncé cette situation il y a quelques jours à Washington, affirmant que les coupes budgétaires imposées dans le domaine par l’administration américaine allaient provoquer des retards. « Ce n’est pas une question de capacité, mais de volonté politique », a-t-il dit, demandant que les Etats-Unis revoient leur position. En décembre, une porte-parole du département de l’énergie a fait savoir que les Etats-Unis sont en train de revoir leur politique nucléaire civile : les décisions concernant ITER seront prises à l’issue du processus.
 
Pourquoi cette frilosité généralisée, qu’on a vue s’installer à l’ère Clinton ? La fusion nucléaire rendrait pour ainsi dire caduques les « énergies renouvelables » qui ont un intérêt financier pour leurs investisseurs, et idéologique pour la propagation du contrôle « écologique » des populations, de leurs systèmes politiques et de leur mode de vie. Elle porterait aussi un coup terrible à l’industrie pétrolière. Ceci explique-t-il cela ?
 

Anne Dolhein