Une analyse publiée jeudi par l’influente revue en ligne, The Diplomat, vient apporter son grain de sel dans le débat sur le processus de la globalisation que la communauté mondialiste verrait bien dirigé désormais par la Chine. Sous le titre : « Un nouveau G2 : la Chine et l’UE », l’éditorialiste Andrei Lungu voit dans les « hésitations » américaines une occasion pour Bruxelles et Pékin de se rapprocher et de prendre la tête de la gouvernance globale. Tout cela s’inscrit dans un matraquage savamment entretenu par les instituts de relations internationales et autres forums économiques internationaux, et ne doit donc pas être balayé comme l’élucubration sans conséquence de quelque penseur en chambre.
The Diplomat, régulièrement classé parmi les sites d’information les plus sérieux, s’intéresse plus particulièrement à l’actualité depuis une perspective australienne, japonaise et est-asiatique et collabore avec de nombreux instituts et think tanks d’analyse internationale de tendance globaliste.
L’UE et la Chine, nouveaux moteurs de la mondialisation
Il a suffi de six mois de divergences entre l’Europe et les Etats-Unis pour que leur alliance, vieille de plus de 50 ans, cesse d’être la référence en matière de réglementation internationale et de mondialisation, selon la chronique publiée par Andrei Lungu. Il appartient désormais à l’UE de trouver un nouveau partenariat, ou plutôt de renforcer le partenariat stratégique déjà en place avec la Chine, mais resté pour l’heure sans grand effet.
Ce sont les visées « protectionnistes » des Etats-Unis qui justifient cette proposition, ainsi que le refus de Donald Trump de se joindre au consensus mondial sur le « changement climatique », au détriment des Accords de Paris. En même temps que les États-Unis se retirent des grands traités de libre-échange, « Le signal depuis Washington est bien clair : monde, à vous de vous débrouiller », écrit le chroniqueur.
« Et voilà comment le G2 Europe-Chine entre en jeu. Si la principale puissance du monde a décidé de partir en vacances, quelqu’un va devoir assumer ses responsabilités », affirme-t-il : partant du principe qu’il existe des problèmes mondiaux auxquelles il faut trouver des solutions mondialisées – vieux refrain du globalisme – il ne voit que ces grandes puissances qui représentent un quart de la population du monde et un tiers de son PIB, avec en outre une claire adhésion à l’idée de la gouvernance globale. Cela exigera certes des négociations et des compromis, selon l’auteur, mais ce sera en vue de « résultats concrets ». Et ce même si les Etats-Unis continueraient d’être indispensables dans ce nouveau cadre.
Pour remplacer le G9 ou le G20, le G2, partenariat UE Chine
« Bien que ce G2 Europe-Chine ne constituera pas une panacée, elle permettra au moins que les prochaines quatre à huit années ne soient pas perdues avec l’arrêt ou la régression de la gouvernance globale pendant la période où les Etats-Unis se seront désengagés en refusant d’en prendre la tête. Cela voudra dire qu’on pourra faire aux moins quelques avancées sur les questions du commerce, de l’assistance au développement, du changement climatique ou des migrations » : ainsi les choses sont claires, ce sont des questions où les souverainetés nationales ont été décrétées inopérantes, indésirables, nuisibles, dans la tête des mondialistes.
L’idée est donc de pousser Pékin à signer un accord de libre-échange qui n’aura pas toute l’étendue des divers partenariats transatlantiques ou trans-pacifiques qui sont plus ou moins au point mort, mais donnerait à la Chine un meilleur accès au marché de son plus gros partenaire commercial et la reconnaissance de son statut d’économie de marché. Chose facilitée par la disparition des négociations du partenaire américain, toujours défiant face à la Chine, qui elle-même craint les efforts de déstabilisation de son parti communiste par les Etats-Unis, affirme Lungu. Sans compter le dossier de Taiwan…
Cette « défiance structurelle » n’existe pas entre la Chine et l’UE qui ne sont pas en « compétition géopolitique » : en clair, l’Europe ne se méfie pas du communisme chinois. La réalisation d’un accord serait donc d’autant plus facile.
Les deux puissances pourraient se concentrer sur le libre-échange, la lutte contre la pauvreté ou contre le « changement climatique », et améliorer leur coopération dans le domaine de la recherche scientifique. « En tant que géant économique sans empreinte géopolitique ou militaire dans l’Asie-Pacifique, l’UE est dans une situation parfaite pour entrer en partenariat avec la Chine », affirme The Diplomat, rappelant que l’Union européenne et ses membres n’ont pas hésité, au contraire des Etats-Unis, à se joindre à l’initiative de la création par la Chine de l’AIIB – la banque asiatique d’investissement dans les infrastructures – en 2015.
Faire de la gouvernance globale un outil sous surveillance de la Chine communiste
L’article ajoute que les Etats européens auraient tout à gagner d’une négociation au niveau de l’UE qui, une fois d’accord sur une position unifiée, pourrait utilement discuter avec la Chine de projets comme la Nouvelle route de la soie qui peut susciter quelques inquiétudes sans pour autant apparaître, comme c’est le cas pour les Etats-Unis, comme un dangereux outil de concurrence. Telle est l’opinion de l’auteur : il va de soi que celui-ci ne parle pas des délocalisations d’emplois, de production, de capitaux et de technologies que la Belt and Road Initiative viendra à son tour faciliter.
Lungu croit également savoir que la Chine serait davantage disposée à faire des concessions vis-à-vis de l’Union européenne que des Etats-Unis.
Et ce d’autant, pourrait-on ajouter, que l’objectif réel serait la mise en place de cette fameuse gouvernance globale qui a pour conséquence principale de démantèlement des souverainetés.
La Chine peut s’entendre plus facilement avec l’UE qu’avec les Etats-Unis
Parmi les nombreuses réformes qu’il faudrait entreprendre en Chine pour rendre la chose possible, il est caractéristique que l’article cite une plus grande ouverture au libre-échange, sans rien dire du communisme, de la liberté, ni du règne du parti unique. La Chine, encore et toujours présentée comme un partenaire honorable, doit à tout prix faire parti de ce nouveau concert des nations où de plus en plus de choses sont mises en commun : l’article cite la gestion des crises sanitaires majeures comme celle du virus Ebola et encore la coopération et le financement conjoint de la recherche médicale et scientifique ainsi que de l’exploration spatiale. Peu importe qu’en Chine on autorise à peu près tout.
Le nouveau G2 rêvé par Lungu, lui-même président de l’Institut roumain pour l’étude de l’Asie-Pacifique, doit être un outil qui permettra « de faire avancer la gouvernance globale et d’affronter les problèmes globaux, en un temps où la globalisation est menacée comme elle ne l’a jamais été », conclut-il. Et tant pis – ou peut-être bien tant mieux – si cela passe par le partenariat avec le communisme.